Malgré une conjoncture aussi difficile qu’incertaine, l’attractivité de la France auprès des investisseurs étrangers ne faiblit pas, constatent les conseillers du commerce extérieur (CCEF). Mais la première destination des IDE en Europe doit désormais compter avec la concurrence de l’Europe de Sud, nouvelle région de prédilection des IDE sur le Vieux continent.
Ils sont 4 500, dirigeants d’entreprises ou experts, présents dans 150 pays et conseillent bénévolement leurs concitoyens dans leurs démarches d’implantation à l’étranger. Si le réseau des CCEF constitue une précieuse source d’informations pour les entreprises, ces spécialistes de l’internationalisation sont également aux premières loges pour prendre le pouls des investisseurs étrangers et de leur perception de l’environnement des affaires en France.
Plus de 2 000 d’entre eux se sont livrés à l’exercice. Résultat ? « Si le contexte aurait pu entrainer un décrochage, force est de constater que la France a su conserver son attractivité auprès des investisseurs internationaux, et apparait notamment comme une terre d’innovation reconnue », se félicite ce baromètre de l’attractivité tricolore. Sans surprise, il souligne les reproches habituellement formulés à l’égard du contexte français. Ainsi, 51 % des répondants estiment que la compétitivité de ses coûts de main-d’œuvre face à ses concurrents européens est un point d’amélioration souhaitable.
La bureaucratie, éternel défi pour les investisseurs
Pari ailleurs,79 % des répondants pointent la complexité des procédures administratives et le manque de flexibilité du droit social. 75 % s’inquiètent de la stabilité fiscale et 62 % perçoivent une instabilité législative et règlementaire inquiétante. Un sentiment peut être exacerbé par l’actualité politique lors de la réalisation de ce sondage, en janvier dernier, en plein débats sur le budget à l’Assemblée nationale, mais qui s’exprime également au regard de la concurrence grandissante de l’Italie et de l’Espagne dans la course européenne aux IDE.
L’Espagne, en particulier, se positionne comme un concurrent montant. 83 % des répondants la considèrent attractive, et plus d’un quart la place désormais en tête des destinations européennes (hors France). Un coût de la vie raisonnable, une qualité de vie élevée, des infrastructures de qualité, un accès facile au foncier, des coûts salariaux comparativement plus faibles, un niveau élevé de sécurité, une stabilité politique, une bonne croissance et plus généralement le dynamisme économique propulsent le pays sur le devant de la scène européenne, selon les CCE.
L’Europe du Sud de plus en plus attractive
L’Italie recueille quant à elle 72 % de perception positive de son attractivité et les anticipations sont favorables pour que cette dynamique se poursuive en 2025. Là où l’Italie apparaît la moins attractive est dans le champ de la réglementation, 15 % seulement des répondants l’identifiant comme un atout, mais ils sont en partie compensés par une excellente qualité de vie et plus généralement par des conditions d’accueil favorables.
Les CCE notent ainsi l’ascension des pays d’Europe du Sud, au détriment notamment de l’Allemagne dont l’attractivité a été en perte de vitesse ses dernières années. Ceci est dû notamment aux coûts salariaux en forte hausse, à la suite de l´inflation élevée des dernières années, des coûts énergétiques peu compétitifs et moins décarbonée que la France et une insuffisance d’investissements dans les infrastructures depuis de longues années. Le Royaume-Uni apparaît moins bien noté que les années précédentes. 40 % des répondants pensent que la situation britannique risque encore de se dégrader en 2025.
Des atouts plébiscités à 90 %
L’Hexagone dispose néanmoins de sérieux atouts pour conserver le titre de championne européenne de l’attractivité qu’elle détient depuis 2019 : les infrastructures, l’innovation, la protection de la propriété industrielle, la sécurité juridique, la protection sociale, la qualité et la formation de la main d’œuvre ainsi que la qualité de vie sont mises en avant par 9 CCE sur 10. Sans surprise également puisque ces points forts sont régulièrement cités par les études sur l’attractivité de la France.
En revanche, ce baromètre montre clairement des différences de perception par grandes régions du monde. Ainsi, les CCE installés en Europe, en Amérique latine, au Moyen-Orient et en Eurasie qui reportent les perceptions dans leur entreprise mais également dans leur écosystème, sont plus optimistes quant à l’attractivité que ceux installés en Amérique du Nord, en Asie-Pacifique et en Afrique.
97 % de projets d’IDE maintenus
Point très positif : la majorité des entreprises représentées par les CCE maintiennent leur engagement en France. Seuls 3 % des répondants déclarent avoir annulé un projet d’investissement en 2024 ou 2025, et ceci essentiellement pour des raisons conjoncturelles. Toutefois, les investissements prévus pour les années à venir sont majoritairement d’ordre commercial (45 %) plutôt qu’industriel (24 %).
En outre, à 79 %, ils plébiscitent la création de centres de recherche et développement (79%), en particulier en Amérique du Nord, en Eurasie et en Asie-Pacifique. L’enquête indique un renforcement de l´attractivité dans plusieurs secteurs d’avenir tels que l’intelligence artificielle, l’énergie et la décarbonation, très porteurs en Amérique du Nord et au Moyen-Orient.
Alors que la politique américaine depuis l’investiture de Donald Trump rebat les cartes mondiales de l’attractivité, la France a de solides atouts dans sa manche pour se maintenir dans le jeu. La partie est cruciale pour l’économie nationale. Selon les données de l’Insee 18 800 entreprises étrangères employaient 2,3 millions de personnes en France en 2022, soit 13 % des effectifs (hors secteurs agricoles et financiers) et les décisions d’investissement prises en 2024 devraient créer ou maintenir 37 787 emplois selon Business France.
Déterminante pour les investisseurs étrangers, la perception de la France l’est également pour toutes les entreprises françaises travaillant à l’international. Et si la réputation du pays et de ses habitants, mêlant un penchant à la bureaucratie et une certaine inventivité, demeure solide il serait imprudent de se reposer sur ses lauriers. En 2024, les IDE ont en effet reculer de 7 % selon Business France et de 10 % selon la Cnuced.
Sophie Creusillet
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