Malgré l’accord conclu par les deux pays le 11 mai, les exportations de la Chine vers les Etats-Unis sont appelées à fortement diminuer. A qui va profiter cette baisse ? Essentiellement aux autres économies asiatiques, Vietnam en tête, selon une étude de Global Sovereign Advisory (GSA).
Les exportations totales chinoises devraient diminuer de188 milliards de dollars (Md USD) cette année, accusant une baisse de 5,3 %, selon les projections du cabinet (GSA). Un recul équivalant à une perte de 1,06 % du PIB national. En cause, évidemment, la hausse des droits de douane américains (+ 31 % en moyenne sur les produits chinois). Malgré ses efforts de diversification ces dernières années, la Chine reste dépendante du débouché américain puisque 13 % des ses exportations y sont destinés.
Le Mexique et le Vietnam sont bien sûr en pole position, suivis par le Canada, pour prendre le relai du premier atelier du monde avec des gains potentiels allant respectivement jusqu’à 8 Md USD et 10 Md USD.
Sans atteindre de tels niveaux, d’autres économies ayant pareillement misé sur la production et l’export sont appelées à jouer une part importante dans ce processus de substitutions aux importations chinoises. Ainsi, selon GSA, la Malaisie pourrait orienter 41 % de ses exportations vers les Etats-Unis. La Thaïlande, Taïwan et l’Inde sont également bien placés pour tirer partie de cette nouvelle donne du commerce international.
L’Asie aux avant-postes
Pour en arriver à cette conclusion, les analystes de GSA ont dressé un classement des pays en fonction du nombre de produits parmi les 30 les plus exportés par la Chine vers les Etats-Unis et soumis à des droits de douane, pour lesquels le pays fait partie des 10 plus grands exportateurs mondiaux, hors Chine.
Bilan : l’Asie arrive loin devant avec 10 pays sur 17 (Vietnam, Thaïlande, Taïwan, Inde, mais aussi Corée du Sud, Cambodge, Malaisie, Japon, Indonésie et Philippines).
Et l’Europe ?
L’Allemagne et l’Italie sont les plus susceptibles de bénéficier de cette reconfiguration avec 23 et 22 sous-secteurs pour lesquels les performances de leur commerce extérieur devraient leur permettre de se tailler une part du gâteau.
L’Allemagne pourrait augmenter ses exportations de 5 % et potentiellement réaliser un gain de 1,9 Md USD tandis que l’Italie progresserait de 4 % (+ 734 millions d’euros).
Interrogation sur les capacités de production
Si l’on considère non la valeur du gain mais le pourcentage de hausse supposé, la Pologne et la Hongrie se démarquent avec respectivement + 33 % et + 38 %. Couvrant 10 catégories de produits, la France arrive en 15e position, derrière l’Indonésie et devant la Turquie.
Cette analyse des statistiques douanières est cependant à nuancer, pour deux raisons.
Premièrement, comme le précise l’étude, elle repose sur l’hypothèse que « les exportations chinoises sont entièrement substituables par des importations provenant d’autres pays ». Or ce n’est pas forcément le cas. Exemple : la Chine représente à elle seule 85 % des importations américaines de vaisselle et d’ustensiles de cuisine, soit 3,2 Md USD. Le Vietnam et d’autres concurrents n’ont probablement pas les capacités de production suffisantes pour se substituer aux assiettes et aux fourchettes made in China.
Deuxièmement, la fin de la suspension de 90 jours des taxes « réciproques » américaines, fixée au 9 juillet, pourrait rebattre les cartes des gains potentiels. Ainsi, si comme initialement prévu, les importations américaines depuis le Vietnam sont surtaxées de 46 % à compter du 10 juillet, la compétitivité-prix du pays baisserait nettement.
L’application de ces droits de douane favoriserait des concurrents moins lourdement taxés, tels l’Allemagne (20 %) et la Corée du Sud (25 %). Enfin, cette pause de 90 jours peut conduire certains pays à négocier des exemptions ciblées comme vient de le faire le Royaume-Uni en signant un accord bilatéral avec Washington.
Sophie Creusillet