La dernière menace épistolaire de Donald Trump à l’Union européenne, promettant une surtaxe douanière de 30 % au 1er août en cas de non-accord, a une nouvelle fois sidéré les dirigeants européens. Ils ne sont pas les seuls. D’où une réflexion en cours sur l’idée d’une réplique coordonnée avec les autres partenaires commerciaux des Etats-Unis exposés, eux-aussi, à la folie tarifaire de Washington. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
« Subir les intimidations, les mensonges et les tentatives d’extorsion d’un gangster semi-analphabète. Voilà ce qui arrive au monde sous Donald Trump », résume Iana Dreyer, la rédactrice en chef du média spécialiste de la politique commerciale Borderlex, dans son dernier édito.
Après une semaine marquée par de nouvelles menaces de droits de douane américains – 30 % pour l’UE et le Mexique, 50 % pour le Brésil, 35 % pour le Canada, pour ne citer que ceux-là – devant être mis en œuvre à partir du 1er août, un certain « ras-le-bol » se fait ressentir parmi les observateurs, mais aussi chez beaucoup d’acteurs de la politique commerciale.
Face au constat de l’attitude toujours plus imprévisible du président américain sur le front commercial, une idée fait son chemin : se coordonner entre victimes de la folie tarifaire trumpienne, pour mieux répliquer et contraindre le héros du clan MAGA à mettre ses menaces en sourdine.
« Plus il y a de pays, meilleure est la liste de représailles »
« Imaginons que l’UE, le Brésil, l’Inde, les membres de l’ASEAN, du Partenariat transpacifique, l’Afrique du Sud et tous les autres pays visés par les droits de douane américains aient agi de concert et menacé de représailles coordonnées contre les États-Unis si la Maison Blanche décidait d’imposer ces droits de douane. Aurions-nous eu ces droits de douane ? » s’interroge Iana Dreyer.
« Il faut penser à des représailles intelligentes communes non seulement à l’UE, mais aussi au Japon, au Canada, au Brésil et à quiconque est prêt à participer, renchérissait, samedi [12 juillet], Olivier Blanchard, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI). Plus il y a de pays, meilleure est la liste de représailles ». L’objectif : « amener les États-Unis à se replier sur une position raisonnable ».
« Si les pays collaboraient et ripostaient conjointement aux droits de douane imposés par Trump, écrivait sur X, dès mardi [8 juillet], l’économiste Paul de Grauwe, professeur à la London School of Economics, les États-Unis seraient isolés (…). Lorsque les pays ne coopèrent pas, ils maximisent le pouvoir de Trump pour les vaincre ».
Jusqu’à présent, les gouvernements ont joué leur partie en solitaire
Se coordonner pour mieux contrer Trump : l’idée n’est pas nouvelle. Dès janvier, elle avait été mise en avant par la ministre des Affaires étrangères canadienne de l’époque, Mélanie Joly, qui avait pris le pouls auprès de certains de ses partenaires (BLOCS#47). Sans succès.
Plutôt que de se coordonner, les gouvernements visés par la folie tarifaire du président américain ont préféré jouer leurs parties en solitaire et, pour la plupart, courber l’échine en attendant des jours meilleurs.
Seule la Chine a répliqué, œil pour œil, dent pour dent, et est ainsi parvenu à stopper l’escalade tarifaire en quelques semaines, et à faire reculer Washington sur le contrôle de certaines exportations technologiques.
Et seuls le Royaume-Uni et le Vietnam ont accepté de conclure des accords asymétriques, acceptant de fait le principe des droits de douane dits « réciproques » en contradiction totale avec les règles de l’OMC, pour sauver les meubles.
Les autres ont tenté de négocier, et restent à la merci des changements de pieds américains.
L’UE reprend l’initiative
Plus de six mois après son retour à la Maison Blanche, le bilan du « chacun pour soi » face à Trump paraît piteux. La donne pourrait-elle changer dans les prochaines semaines ? Cette fois-ci, en tout cas, l’UE est à l’initiative.
Ursula von der Leyen a ainsi eu au téléphone le Premier ministre canadien, Mark Carney, pour évoquer cette possibilité, et envisagerait aussi, selon Bloomberg, une coordination avec le Japon.
L’initiative n’est pas sans rappeler celle prise par l’Allemagne fin juin en faveur du libre-échange. L’idée : créer une « mini-OMC » via une nouvelle alliance avec le « Partenariat transpacifique global et progressiste », lequel comprend le Canada, l’Australie, Brunei, le Chili, le Japon, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour, le Vietnam, et le Royaume-Uni.
Un projet qui prend du temps, et nécessitera un effort diplomatique patient de la Commission pour aboutir. A contrario, construire une réplique coordonnée face à Donald Trump est une affaire de court terme, qui nécessite un soutien politique fort des Vingt-Sept. Pour l’heure, celui-ci manque à l’appel.
Un paquet de contre-mesures visant 72 milliards de produits américains
Lundi [14 juillet], le conseil extraordinaire des ministres du Commerce organisé à Bruxelles a certes occasionné un changement de ton, le commissaire au Commerce, Maroš Šefčovič, notant « un sens de l’urgence nouveau ».
« Aujourd’hui, il était clair autour de la table, davantage que lors des discussions précédentes, que nous devons protéger les emplois, les entreprises, l’économie, et donc que nous devons aller vers des mesures de rééquilibrage » a-t-il résumé.
Il a d’ailleurs présenté un deuxième paquet de contre-mesures visant 72 milliards d’euros de produits américains, qui viendrait s’ajouter à un premier paquet visant 21 milliards d’euros de produits.
Les réticences de certains États membres persistent
Reste que ce premier paquet, préparé pour riposter aux sanctions américaines visant l’acier et l’aluminium, et qui devait être mis en œuvre la semaine dernière, a encore été repoussé jusqu’au 1er août, dans l’espoir d’un accord avec l’administration américaine.
Reste, surtout, que les pays les plus dépendants du commerce avec les États-Unis – Allemagne, Italie, Irlande – continuent de rechigner à s’engager dans le rapport de force avec la Maison Blanche.
« Nous voulons utiliser ces deux semaines et demie qui viennent pour trouver une solution », a ainsi rappelé, dimanche 13 juillet, le chancelier allemand, Friedrich Merz, dont l’industrie serait la principale victime des nouvelles surtaxes.