Alors qu’Emmanuel Macron vient d’effectuer une visite d’Etat en Allemagne (26-28 mai) pour resserrer les liens bilatéraux – la première d’un chef d’Etat français depuis Jacques Chirac- l’occasion est belle de faire un point sur les relations économiques franco-allemandes. Denses et diversifiés, elles demeurent solides, quoique déficitaires sur le plan commercial au détriment de la France.
Incontestablement, l’Allemagne reste le premier partenaire commercial de la France : en 2023, selon les statistiques douanières françaises, la part de l’Allemagne dans les échanges mondiaux de biens de la France a atteint 13,1 %, en légère progression (12,9 % en 2022). Elle est loin devant celle des autres partenaires majeurs de l’Hexagone en Europe et hors d’Europe (Belgique, Italie, États-Unis et Chine), qui atteint, selon les cas, 7 % à 8 %.
Les exportations françaises vers l’Allemagne ont atteint 82,1 milliards d’euros (Md EUR) en 2023, en léger recul (-0,5 %) et les importations françaises depuis l’Allemagne 90,7 Md EUR, également en recul (-2,7 %). Le déficit commercial bilatéral s’est donc établi à -8,6 Md EUR. A noter que ce dernier est en recul grâce à la baisse des importations, notamment énergétiques ( -10,7 Md en 2022 selon les Douanes françaises). S’il s’agit du 3ème plus important déficit commercial bilatéral après celui enregistré avec la Chine et la Belgique, c’est aussi le montant plus faible enregistré ces dernières années.
Premier client et premier fournisseur de biens
Dans le détail, l’Allemagne est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France : elle absorbe 13,7 % des exportations françaises (14,1 % en 2022), devant l’Italie (8,9 % en 2023), et fournit 12,6 % des importations françaises (12 % en 2022), devant la Chine (9,9 % en 2023). Et ce partenaire est incontournable pour de nombreux secteurs industriels français : les matériels de transport, premier poste d’échanges bilatéraux avec 24 %, suivis des machines (12 %), des produits chimiques, des parfums et cosmétiques (11 %), et des produits métallurgiques et métalliques (10 %).
« Dans tous ces secteurs, l’Allemagne est à la fois le premier client et le premier fournisseur de la France », observe la direction générale du Trésor dans une note datée de fin avril. Si la France peine à dégager des excédents sectoriels, elle en compte toutefois quelques-uns : en 2023, parmi les dix premiers secteurs d’échanges bilatéraux, seul celui des produits informatiques, électroniques et optiques a affiché un solde nettement positif (+2,1 Md EUR, après +2,8 Md en 2022), le secteur des équipements électriques et ménagers n’enregistrant qu’un très léger excédent. Par ailleurs, la France dégage un excédent structurel dans le secteur du textile et de l’habillement (+2,1 Md EUR en 2023) et dans le secteur des produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture (+1,8 Mrd en 2023).
Des positions qui s’érodent
Mais à la faveur de la diversification des échanges internationaux de la France, cette part s’érode depuis plusieurs années : la part des échanges bilatéraux atteignait encore près de 17 % sur la période 2013-2016, avant de reculer à moins de 15 % en 2019, 14 % en 2021 et 13 % en 2022. Pour l’Allemagne en revanche, la France n’est plus depuis longtemps le premier partenaire mais elle se maintient depuis 2017 au top 5, en 4ème position des échanges commerciaux.
D’après les données de l’Office fédéral de la statistique Destatis reproduites par la DG Trésor dans sa note déjà citée, les échanges bilatéraux représentent 6,4 % du total des échanges de biens allemands en 2023 (6,1 % en 2022), derrière la Chine, les États-Unis et les Pays-Bas. La France est le 6ème fournisseur de l’Allemagne (5,1 % des importations allemandes après 4,6 % en 2022) et son 2ème client (7,5 % des exportations allemandes, après 7,4 % en 2022).
Des IDE dynamiques dans les deux sens
Au-delà des échanges commerciaux, l’intensité des relations économiques entre la France et l’Allemagne se vérifie dans les investissements directs étrangers (IDE), très élevés dans les deux sens, même si la France est un peu en retard. En 2023, d’après le dernier rapport sur les IDE de Business France, l’Allemagne a été le deuxième pays d’origine des investissements d’entreprises avec 272 projets et 6815 emplois recensés, derrière les Etats-Unis à la première place avec 305 projets.
Ces dernières années, plusieurs opérations d’envergure ont été menées dans les deux sens : en Allemagne, construction par le fabricant de batteries franco-allemand ACC d’une gigafactory à Kaiserslautern, rachat par Alstom de Bombardier Transport, acquisition par Faurecia d’Hella (devenu groupe Forvia) ; en France, le groupe sidérurgique allemand Saarstahl a repris deux sites (Hayange et Saint-Saulve), ACC a créé une gigafactory dans le Pas-de-Calais (batteries ion lithium liquide), nouvelle usine de robots ménagers Thermomix construite par Vorwerk, coopération Schaeffler Symbio pour produire des plaques bipolaires pour piles à combustible…
Plus récemment, on a observé des opérations d’acquisitions amicales d’entreprises allemandes par des ETI françaises à l’instar de De Dietrich Process System ou de Ragni.
Selon les données Banque de France, fin 2022, la France était le 6ème investisseur en Allemagne avec un stock de 63,5 Md EUR, tandis que l’Allemagne était le 3ème investisseur en France avec un stock de 100,8 Md EUR, derrière le Luxembourg et le Royaume-Uni. Six groupes allemands comptent parmi les 25 principaux groupes étrangers implantés en France : Allianz, HeidelbergCement, Mercedes-Benz-Group, SAP, Sartorius, Volkswagen AG. Toutefois, le réseau des implantations françaises outre-Rhin compte 5 700 filiales françaises, employant plus de 400 000 personnes, contre 3000 pour les filiales allemandes dans l’Hexagone, employant 325 000 personnes.
Des échanges de services dynamiques
Qu’en est-il des échanges de services ? La France tire mieux son épingle du jeu dans les échanges de services, mais ces derniers restent déficitaires.
« En 2022 (dernières données d’Eurostat disponibles), les échanges de services franco-allemands dépassent leur valeur d’avant-Covid » relève la note de la DG Trésor. A la faveur de l’inflation enregistrées dans les deux pays (+5,9 % en France et +8,6 % en Allemagne en IPCH), les échanges ont atteint un niveau record en 2022 sans toutefois endiguer le déficit bilatéral au détriment de l’Hexagone qui s’incruste depuis 2014.
L’Allemagne se situe au 2ème rang des clients de la France dans les services, derrière les États-Unis, et son premier fournisseur. Elle a aussi été à l’origine du deuxième déficit bilatéral des services de la France, derrière l’Irlande, alors qu’elle était son premier déficit en 2021.
Dans le détail, les recettes engrangées par la France, dopées par la hausse des prix, ont atteint 32,6 Md EUR, en hausse de +6,2 Md par rapport à 2021. Les dépenses ont, elles augmenté moins vite à 36 Md, soit +5,3 Md par rapport à 2021. Du coup, le déficit dégagé par la balance des services a reculé à -3,4 Md en 2022 (-4,3 Md en 2021).
Quels sont les secteurs qui ont tiré la tendance ? Les transports et voyages, principalement. Le solde des voyages se situe à son plus haut niveau depuis 2015, selon la note de la DG Trésor, et le solde des transports est redevenu positif pour la première fois depuis 2013 (+1,3 Md) du fait d’une nette augmentation des recettes.
C.G