(Mis à jour le 24 septembre 2021)
La Deutsche Bank est un acteur majeur du financement export dans le monde. Active en France, elle développe son approche sélective hors des frontières de son marché domestique, en France, mais aussi en Afrique. Revue de détail avec Vincent Gabrié, Head Director Export finance pour la France et Alarik d’Ornhjelm, Head Director, Structured Trade & Export Finance EMEA.
Le financement du commerce international et l’accompagnement des entreprises allemandes à l’export est dans l’ADN de la première banque privée allemande, est un des leaders mondiaux du marché mondial du financement export : « Nous travaillons beaucoup avec les ECA* européennes et asiatiques, rappelle Vincent Gabrié, Head Director Export finance pour la France. C’est dans l’ADN de Deutsche Bank qui est née en 1870 pour financer la liaison ferroviaire le commerce international».
A Paris, l’équipe en charge du financement export compte quatre personnes au front office, sur un effectif total de 220 employés pour la filiale française. L’objectif est d’abord d’accompagner ses clients grandes entreprises, mais aussi quelques ETI : « Nous travaillons avec la plupart des exportateurs français dans les métiers du trade, du cash ou du financement export, avec toutefois une approche plus sélective concernant les ETI et PME » précise Vincent Gabrié.
Une trentaine de crédit acheteurs français en portefeuille
Comme la plupart de ses consœurs françaises, la banque allemande regarde d’abord les grosses affaires : « en matière de crédit acheteur, nous allons regarder des opérations d’une certaine taille, 20 millions d’euros minimum » confirme le responsable.
Il remarque au passage les progrès accomplis par la France pour relancer ces produits auprès d’exportateurs de plus petite taille : « en France, nous constatons que les pouvoirs publics ont fait un effort extraordinaire depuis 7 à 8 ans pour mettre à jour leur dispositif de soutien export ». Dans ce contexte, avec ses petits crédit acheteurs de 1 à 20 millions d’euros, « Bpifrance a un rôle d’accroche ».
Pour l’heure, la Deutsche Bank tient son cap : « en France, nous avons une trentaine de crédits acheteurs en portefeuille pour un encours global d’environ 1 milliard d’euros : cela reflète notre positionnement sur ce marché, on ne va pas faire tout pour tous, indique Vincent Gabrié. Et concernant les géographies, nous favorisons celles où l’on estime avoir une vraie valeur ajoutée car nous y connaissons les contreparties de nos clients ».
A cet égard, l’une des géographies sur laquelle la banque a récemment montré beaucoup d’appétit en matière de financement export est le continent africain, l’un des continents qui suscite un regain d’intérêt de la part des entreprises françaises depuis quelques années.
Afrique : 50 % du portefeuille mondial de Deutsche Bank
Partout en Afrique, malgré les soubresauts politiques que traversent certains pays, les projets d’infrastructures se développent, dans les transports, la santé, l’énergie. Il y a bien sûr les projets portés et financés par la Chine, en quête de matières premières et de routes commerciales pour sa stratégie « One belt One road ». Mais d’autres projets voient le jour, avec le soutien des institutions financières internationales et des banques de développement, mais aussi d’organismes panafricains de garantie comme l’Africa Trade Insurance.
Récemment, la Deutsche Bank a ainsi bouclé deux projets au Ghana, dans le ferroviaire et la santé, pour des acteurs européens et africains (notre photo représente le nouveau marché flambant neuf de Takoradi).
« Nous avons structuré plus de 20 opérations de financement export au Ghana en 10 ans, beaucoup dans les infrastructures de transport, en particulier ferroviaires récemment, mais aussi sociales, dans les domaines de la santé et de l’eau, explique Alarik d’Ornhjelm, Head Director, Structured Trade & Export Finance EMEA, qui couvre l’Afrique et le Moyen-Orient depuis Dubaï. C’est un pays que nous connaissons bien, assez sophistiqué avec un accès à des sources de financement innovantes comme l’Africa Trade Insurance. Nous y avons de bonnes relations avec le ministère des Finances ».
Plus largement, la banque allemande est active dans une vingtaine de pays dont elle connaît bien la situation financière pour y avoir monté d’autres types d’opérations, à l’instar de la plupart des pays d’Afrique du Nord (Egypte, Maroc, etc.), de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Cameroun, Côte d’Ivoire, Nigeria, Sénégal), australe (Mozambique, Zambie), et de l’Est (Ethiopie, Kenya, Tanzanie). « Parfois, nous pouvons être un peu plus opportunistes pour accompagner des clients exportateurs dans des pays que l’on connaît pas moins » complète Alarik d’Ornhjelm.
Regain d’intérêt des entreprises allemandes
Incontestablement, les marchés africains sont porteurs actuellement : « l’Afrique représente maintenant près de 50 % du portefeuille de financement export de toute la Deutsche Bank et nous sommes en croissance chaque année » indique le responsable. Secteurs clés : les infrastructures (routes, ferroviaire, énergie), y compris sociales (hôpitaux, écoles…).
Les investissements privés commencent aussi à alimenter le mouvement : « nous voyons de plus en plus de projets industriels dans la transformation des matières premières qui permettent à des PME africaines de devenir de solides entreprises dans leur pays et ensuite dans leur sous-région » assure Alarik d’Ornhjelm.
La banque se faufile sur ce nouveau marché avec des approches adaptées. En Angola, Deutsche Bank finance ainsi indirectement le développement de parcs industriels via un accord cadre de financement export signé avec trois banques angolaises qui leur apporte de la liquidité.
« Le mot clé de notre approche, c’est la sélectivité : nous regardons dans le détail la qualité du crédit, bien sûr, mais sur d’autres pays complexes, ce n’est pas suffisant ; nous regardons aussi la capacité des pays à lutter contre la corruption, c’est un aspect essentiel. Nous menons des due diligences très poussées dans ce domaine » explique Alarik d’Ornhjelm. Le rôle des agents intermédiaires est, notamment, passé au crible.
Les entreprises exportatrices allemandes, notamment les PME et ETI du Mittelstand, s’y intéressent-elles ?
Elles montrent en tout cas davantage d’appétit pour les opportunités des marchés africains depuis le lancement par la chancelière Merkel l’initiative Compact With Africa*, lors du G20 qu’elle présidait en 2017. CWA a notamment permis de dégager de nouvelles capacités de financement pour le développement du secteur privé en Afrique. L’ECA allemande Euler Hermes a pour sa part réouvert des capacités d’assurance-crédit export sur les pays signataires et aligné ses plafonds de couverture sur ceux de l’ECA française Bpifrance assurance export, les portant désormais au cas par cas à 95 %…
Christine Gilguy
*ECA : Export Credit Agency, Agence de crédit export publique comme Bpifrance assurance export pour la France.
** Pays signataires de l’initiative CWA : Egypte, Bénin, Burkina Faso, Ghana, Maroc, Guinée, Côte d’Ivoire, Tunisie, Sénégal, Togo, Ethiopie et Rwanda. Plus d’informations : cliquez ICI.