Depuis le Brexit, les incoterms EXW et DDP ne semblent plus adaptés aux échanges commerciaux avec le Royaume-Uni pour les PME françaises. D’autres comme le FCA ou le DAP devraient être privilégiés, car moins risqués pour les exportateurs français.
Quel incoterm choisir pour réduire au maximum ses risques douaniers et fiscaux dans ses ventes à l’export au Royaume-Uni ? Telle a été la question centrale liée à la nouvelle donne du Brexit, lors d’un webinaire organisé par la Chambre de commerce internationale en France (ICC France) le 16 mars.
« La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne représente désormais un triple défi, douanier, logistique et commercial pour les exportateurs français » a indiqué d’entrée Jean-Marie Salva, président de la commission Douane et facilitation du commerce d’ICC France.
Après avoir rappelé que les Incoterms sont les règles conçues par l’ICC qui régissent les accords commerciaux entre acheteurs et vendeurs et précisé la liste des 11 incoterms dans leur dernière version 2020, Christoph-Martin Radtke, président de la commission Droits et pratiques du commerce international d’ICC France, a pointé deux incoterms EXW (Ex Work) et DDP (Rendu droits acquittés) réservés à des situations précises.
Privilégier les incoterms FCA, DAP ou CPT
« L’EXW qui demande à l’importateur acheteur de s’occuper de tout ou presque à partir du départ usine des marchandises de l’expéditeur n’est plus adapté au Brexit, car il est réservé à l’intérieur d’une union douanière. De même, pour l’Incoterm DDP qui demande à l’inverse au vendeur de s’occuper de tout ou presque jusqu’à la livraison de l’importateur. Il est essentiellement réservé aux grands groupes qui disposent d’une implantation ou d’une filiale dans le pays destinataire des marchandises vouée à s’occuper de leur transport et de leur dédouanement sur place » a souligné cet expert.
Pour Christoph-Martin Radtke, les PME tricolores devraient plutôt privilégier avec leurs acheteurs britanniques d’autres Incoterms comme le FCA (Franco transporteur), le CPT (port payé jusqu’à…) ou le DAP (rendu au lieu de destination) qui équilibrent davantage la répartition des responsabilités et des risques sur la marchandise dans un accord commercial.
DDP et EXW les moins appropriés mais les plus utilisés
Or, les vieilles habitudes persistent et les incoterms DDP et EXW les moins appropriés dans les échanges franco-britanniques sont ceux qui sont encore le plus utilisés.
« On observe l’emploi massif des EXW et DDP par des exportateurs avec le Royaume-Uni. Mais ces deux incoterms peuvent complexifier les opérations douanières et fiscales dans les deux pays, avec à la clé un ralentissement voire un blocage de ces procédures » a confirmé Loic Chavaroche, directeur des opérations du groupe de transport international Sterne.
Ce groupe est plus qu’un transporteur, il est aussi déclarant en douane, autrement dit représentant en douane enregistré (RDE) qui a vocation à s’occuper des dédouanements, avec un rôle d’intermédiaire entre exportateur, importateur et douane.
Ce type d’expert peut utilement conseiller les entreprises dans leur choix des règles : « Un RDE peut accompagner les entreprises exportatrices dans le choix de l’Incoterm et leur faire connaître les conséquences douanières et fiscales de l’incoterm choisi dans la négociation commerciale entre vendeur et acheteur » a-t-il assuré.
Impact fiscalo-douanier de l’incoterm DDP post-Brexit
En attendant, une vente en DDP au Royaume-Uni depuis un pays de l’Union européenne (UE) a inéluctablement un impact fiscalo-douanier en période post-Brexit.
C’est ce qu’a démontré Hubert Paquentin, président de la commission Douane de l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF). « Avant, la vente de marchandises outre-Manche était simple, n’occasionnant que le paiement de la TVA locale par le destinataire britannique. Elle se fait désormais en deux étapes : l’importation qui requiert les déclarations en douane à la sortie de l’UE et à l’entrée du Royaume-Uni, avec une notion de transfert de stock, puis la vente locale qui demande la déclaration et le paiement de la TVA britannique » a-t-il résumé.
La donne a également changé pour les exportateurs tricolores de vins et spiritueux au Royaume-Uni, leur deuxième marché à l’international avec 1,3 milliard d’euros de vente par an.
« La question des Incoterms se pose surtout pour les importateurs britanniques de vins qui avaient l’habitude auparavant de travailler en EXW en venant chercher nos vins à la porte de nos chais. Cela a créé quelques tensions avec les exportateurs français. Un certain nombre d’entre eux ont décidé de s’orienter vers l’incoterm FCA en intégrant la fonction de dédouanement dans leur entreprise. Certains importateurs britanniques ont en revanche choisi de rester en EXW » a expliqué Nicolas Ozanam, délégué général de la Fédération des vins et des spiritueux (FEVS).
Une chose est certaine, les PME gagneraient à remettre à plat leur choix d’Incoterms dans les contrats avec leurs clients britanniques.
Bruno Mouly
Pour prolonger :
Pour se former aux incoterms, ICC France organise des sessions de formations. Plus d’information sur son site Internet : www.icc-france.fr
Nous recommandons également le Guide pratique du Moci sur les Incoterms 2020, publié en septembre 2020.