En imposant des surtaxes douanières de 20 %, pour l’instant suspendues et ramenées à 10 %, sur ses importations depuis l’Union européenne, et de 25 % sur l’acier et l’aluminium, l’administration Trump a profondément changé la demande du marché américain de l’emballage, constate une étude de GlobalData.
La nouvelle politique commerciale américaine met en péril un secteur important du commerce extérieur européen, celui des machines d’emballage et de transformation alimentaires. Ses exportations depuis l’UE ont en effet atteint 6,1 milliards de dollars (Md USD) l’an dernier mais sont désormais menacées, comme celles de nombreux autres secteurs. En cause : les répercussions des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium européens qui ont renchéri le coût des matières premières.
A tel point que les fabricants de boissons non alcoolisées outre-Atlantique envisagent de délaisser la canette au profit de bouteille en plastique rigide. Les industriels « pourraient envisager de passer aux bouteilles en plastique en réponse à l’augmentation des coûts associés à l’emballage métallique, une possibilité reconnue par le directeur général de Coca-Cola », avait ainsi estimé Rory Gopsill, analyste principal des consommateurs chez GlobalData, lors d’une conférence téléphonique avec les investisseurs en février, après l’annonce des droits de douane.
Plastique versus canettes
En 2023, 126,2 milliards de boissons non alcoolisées vendues aux États-Unis étaient conditionnées dans des bouteilles en plastique et 60,5 milliards dans des canettes en métal, selon GlobalData. Ces chiffres représentent respectivement 60 % et 28,8 % du marché américain des boissons non alcoolisées. Les droits de douane américains pourraient donc limiter la croissance des boîtes métalliques rigides et favoriser celle des bouteilles en plastique rigide.
Conséquence : la demande américaine pourrait rapidement s’orienter sur des machines de moulage par soufflage. Or, elle dépend en grande partie de ses importations de machines européennes. En effet, bon nombre des plus grands fabricants de machines d’emballage et de transformation des aliments sont européens. Krones, GEA et Syntegon sont des entreprises allemandes, tandis que Sacmi, Coesia, IMA et PFM Group sont des entreprises italiennes.
L’Allemagne, première concernée
Cet écosystème a permis à l’UE d’exporter aux États-Unis, en 2023, pour 3,4 Md USD de machines de lavage et d’embouteillage, pour 1,6 Md USD de machines industrielles de préparation des aliments et pour 1,1 Md USD d’imprimantes industrielles, selon l’Observatoire de la complexité économique.
L’Allemagne représentait à elle seule 24 % des importations américaines de machines industrielles de préparation des aliments en 2023, selon la même source. Des droits de douane de 20 % sur ces exportations de l’UE vers les États-Unis représentent donc une grave menace pour les fabricants de machines de l’UE.
Le marché américain de l’emballage pourrait également être fortement perturbé par l’augmentation des descentes et des expulsions des immigrants sans papiers voulue par l’administration Trump. « De telles actions pourraient entraîner des pénuries de main-d’œuvre dans diverses industries qui dépendent fortement des machines d’emballage et de transformation des aliments, estime Rory Gospill.
Par exemple, selon le Conseil américain de l’immigration, en 2017, d’après une étude de la New American Economy, environ 23 % de la main-d’œuvre de l’industrie américaine du conditionnement de la viande était composée d’immigrants sans papiers, tandis que ce chiffre est d’environ 62 % dans le secteur de la transformation des fruits de mer en 2017…
Sophie Creusillet