Pas encore d’affaire conclue mais des recrutements en cours, beaucoup de réseautage, et un plan d’action qui prend forme pour attaquer les salons internationaux ciblés en commun. Le consortium de PME pour l’agriculture décarbonée, lancé à l’automne 2022 avec le support de Stratexio, se construit pas à pas et recrute de nouveaux participants. Retour sur ces premiers pas avec deux de ses membres.
Un peu moins d’an après sa création, le consortium de PME Agriculture décarbonée, qui vise les marchés de l’agriculture et de l’élevage durables, vient de tenir sa première réunion en présentiel sur Space, le salon international de l’élevage de Rennes qui s’est tenu en septembre dernier. De retour dans leurs bases respectives, Olivier Clech, dirigeant de Nor Feed, membre fondateur, et Mathieu Tournat, dirigeant d’Eco Sens, qui a rejoint le Consortium plus tard, sont plutôt satisfaits de cette première rencontre.
Elle a d’abord permis de faire le point sur les recrutements. Le résultat est plutôt encourageant : depuis son lancement, deux sociétés –Synthèse Elevage et Sky Elevage- ont formellement rejoint les six membres fondateurs (Sitia, Nor Feed, Sulky-Farming Together, Mg2Mix, Cooperl, Valorex). D’autres sont sur le point d’entrer. « Notre objectif est d’être douze à quinze sociétés complémentaires », souligne Olivier Clech. Pas question de recruter des sociétés concurrentes de celles qui sont déjà membres. Et priorité au Made in France. Autrement dit, les filiales de groupes étranger qui ont frappé à la porte ont été poliment éconduites.
Autre avancée obtenue : la rencontre lors de Space a permis « de se mettre d’accord sur un plan d’action », souligne Olivier Clech. Avec deux priorités : se rendre plus visibles et initier des actions en commun sur les grands salons internationaux.
Structurer l’offre et les supports de communication
Le consortium est organisé en deux pôles : l’un traite de la production animale, l’autre de la production végétale. Le premier pôle compte six membres, et trois nouveaux sont en cours de recrutement. Le second pôle compte trois membres. Cette organisation se justifie pour des raisons très pratiques : « les focus et les salons ne sont pas les mêmes » souligne Olivier Clech.
Mais l’objectif commun reste le même : promouvoir une offre collaborative « de produits et services innovants et complémentaires visant à réduire l’empreinte carbone » de l’agriculture et de l’élevage, en proposant des solutions pour répondre à diverses problématiques tels que nutritionnelles, d’optimisation de l’eau ou encore de réduction des xenobiotiques (substances synthétiques contenus dans des additifs tels que les antibiotiques).
Nor Feed produit ainsi des additifs nutritionnels naturels destiné à l’alimentation animale. Eco Sens est pour sa part experte dans la mesure et le traitement du méthane entérique, une problématique majeure des producteurs de lait qui doivent réduire les émissions de leur exploitation. Les deux se positionnent de façon complémentaire sur la production animale durable.
Pour élaborer les supports de communication, les membres ont tous participé, à coup d’échanges par mail ou téléphone, avec le support de Stratexio, l’association qui porte le consortium. « Tout est fait de façon très collaborative : les membres jouent le jeu et acceptent de répondre rapidement aux sollicitations du consortium », souligne Mathieu Tournat, le dirigeant d’Eco Sens.
Ainsi, le logo a été élaboré et validé en quelques jours, grâce à l’implication de deux des membres qui disposaient en interne de compétence en matière de communication et de conception graphique. Pour le contenu des flyers, chacun a contribué en présentant son activité en 10 mots et en anglais : « en dix jours ils étaient prêts », se félicite Olivier Clech. Stratexio a assuré la réalisation technique. C’est elle aussi qui administre la page du consortium sur son site et gère les appels à candidature sur le réseau social Linkedin.
Des actions concertées sur les salons cibles
Quant au plan d’action, il prévoit des actions concertées sur les salons cibles.
Sur le prochain salon VIV d’Abu Dhabi (22-23 novembre 2023), des capsules vidéo et des flyers sur le consortium seront disponibles sur les stands des membres participants. La stratégie sera un peu plus élaborée sur le salon EuroTier d’Hanovre, prévu en novembre 2024 : les membres du consortium ont prévu de prendre des stands côte à côte, en village.
En attendant ces événements, la dynamique de groupe et la solidarité entre les membres joue déjà à plein, selon les dires des deux dirigeants. Eco Sens organise en octobre un webinaire à destination des laiteries étrangères ? Il a prévu de présenter le consortium. Et puis il y a les contacts de pairs à pairs. « Nos carnets d’adresses cumulés sont très forts » souligne Mathieu Tournat. « Actuellement, le bénéfice du consortium, c’est beaucoup d’immatériel », complète Olivier Clech. « Il y a quelques années, pour se faire connaître à l’international, il aurait fallu qu’on se paye des pages de pub dans la presse spécialisée asiatique ou américaine » se souvient-il.
Sécuriser les clients sur un marché neuf et complexe
Pour l’heure, les deux dirigeants sont convaincus de la pertinence de la démarche. Elle sécurise en effet les clients étrangers, confrontés aux nouveaux impératifs de la décarbonation, tout en leur facilitant l’orientation vers les bons interlocuteurs.
« Des clients nous posaient souvent des questions auxquelles on ne savait pas répondre : aujourd’hui, on peut les orienter vers d’autres membres du consortium s’ils ont des réponses », explique Olivier Clech. Et être recommandé par un fournisseur que le client connaît déjà, rien de mieux pour rassurer à l’export. « Les gens veulent gérer leurs risques », ajoute le dirigeant de Nor Feed.
Le sujet de la décarbonation se prête d’autant plus à des approches collaboratives que les problématiques de l’agriculture durable sont « compliquées », indique Mathieu Tournat. « Chaque client va avoir ses angles et ses problématiques spécifiques » selon ce qu’il produit, comment et où il le produit. Des situations pour lesquelles les offres standards sont peu adaptées, nécessitant au contraire beaucoup de flexibilité, de sur-mesure. Et dans ce domaine, le consortium bénéficie aussi de l’aura du Made in. « On mise aussi sur la carte de la crédibilité européenne et française », indique Olivier Clech.
« On était en phase d’organisation mais on va passer à un mode plus actif et faire connaître nos solutions » souligne encore Olivier Clech. Le marché est porteur : partout dans le monde, éleveurs et agriculteurs cherchent des solutions pour réduire l’empreinte carbone de leurs exploitations. Les multinationales de l’alimentation font pression, à l’instar de Mc Donald qui, en augmentant ses exigences en matière de décarbonation des composants de ses sandwichs, « font bouger les choses y compris dans des pays encore peu sensibilisés à ces problématiques ». « En Corée du Sud, au Vietnam, ils vont très vite pour réduire la production de méthane entérique » illustre Mathieu Tournat.
Une des prochaines étapes, passée cette phase de recrutement et de structuration, sera d’examiner les leviers des aides à l’export susceptibles d’aider à faire aboutir des projets. Le consortium s’intéresse notamment au Fasep (Fonds d’aide au secteur privé), mécanisme géré par la DG Trésor qui finance des études de faisabilité et des démonstrateurs. Mais ce n’est pas encore à l’ordre du jour.
De quoi nourrir durablement les ambitions du consortium.
Christine Gilguy