Créée en 2015 par Romain Moulin et Renaud Heitz, deux ingénieurs en robotique, l’ancienne jeune pouce spécialisée en robots pour les entrepôts, est devenue grande avec une valorisation à 2 milliards de dollars (Md USD) grâce à une deuxième levée de fonds de 335 millions de dollars (334,9 millions d’euros) mi-janvier. Histoire de la 1e licorne française du secteur industriel qui part à la conquête du monde.
La PME basée à Croix, près de Lilles, a réussi une levée de fonds de 335 millions de dollars mi-janvier, à l’issue d’un tour de table de série D mené par Goldman Sachs Asset Management, aux côtés de Bpifrance. Aujourd’hui valorisée à 2 Md USD, la jeune pousse ambitionne d’accélérer son expansion à l’international.

Exotec, c’est l’histoire de Romain Moulin et Renaud Heitz, deux ingénieurs qui travaillent tous les deux pour General Electric Medical System, filiale de l’américain GE spécialisée dans l’imagerie médicale (notre photo ci-contre). En mars 2012, ils voient passer l’actualité selon laquelle le géant Amazon rachète pour 775 M USD Kiva Systems, entreprise spécialisée dans les robots adaptés aux fonctions d’expédition. Le tout pour améliorer sa logistique interne, et plus précisément pour optimiser sa productivité « en apportant directement les produits aux employés afin qu’ils les prennent, les emballent et les chargent », précise Dave Clark, responsable des expéditions chez Amazon, cité dans un communiqué du géant américain.
Le déclic est là. « Les deux fondateurs se disent : c’est notre domaine, on connaît ce métier. Alors si Amazon rachète pour un montant conséquent dans ce domaine de la robotique, c’est qu’il doit y avoir un marché ! », explique au Moci Thomas Genestar, directeur général Europe de l’Ouest d’Exotec.

Ils partent donc d’une feuille blanche et se lance pour objectif de changer les règles de la logistique chez les e-commerçants.
Après moins d’un an de réflexion, le système robotisé skypod voit le jour. Ce dernier permet d’aller chercher des bacs dans les entrepôts d’un client. Principale nouveauté ? « Notre robot se déplace en trois dimensions, c’est-à-dire qu’il se déplace sur le sol, mais également sur les étagères » (voir la photo), détaille le directeur général. Et d’ajouter : « on peut ainsi stocker des bacs jusqu’à 12 mètres de haut ! ».
De plus, les produits sont directement amenés à l’opérateur. Les robots peuvent aller et venir, dirigés par un logiciel maison baptisé Astar. Les avantages sont multiples : financier évidemment pour l’entreprise, avec une optimisation des surfaces et un gain de temps. « Sans oublier l’avantage ergonomique pour les opérateurs qui ont moins à se baisser et à courir partout dans les immenses espaces de stockage », souligne Thomas Genestar.
En 2016, Cdiscount, premier client de la startup, achète une flotte de 8 robots, avec une mise en service dès 2017 pour son entrepôt situé à Cestas, près de Bordeaux. Un premier contrat qui a mis le pied à l’étrier à la PME.
Aujourd’hui, Exotec a vendu plus de 3 000 robots ; « on a des systèmes qui tournent sur des sites clients au Japon avec 500 robots », se félicite le directeur général. L’entreprise s’est fait rapidement un nom dans le secteur et des Carrefour, Leclerc et Showroom Privé s’équipent en robots Exotec en France.
Une évolution rapide, le milliard visé en 2025
En 2018, l’entreprise réalise 7 millions d’euros de chiffre d’affaires. Un an plus tard, elle culmine à 20 millions d’euros de CA, avec un démarrage à l’international. « Nous avions ciblés au départ l’Europe, notamment le Bénélux du fait de la langue et de la proximité », explique le responsable export. « Mais la marque japonaise de fast retailing Uniqlo, que l’on a rencontré sur le salon Logimat en Allemagne, voulait nos robots pour leur entrepôt japonais. On leur a plutôt proposé de commencer par un projet en Europe et c’est comme cela qu’on est rentré aux Pays-Bas avec un contrat d’une quarantaine de robots », indique Thomas Genestar.

Et c’est le bond en avant. En 2020, deux gros contrats toujours avec Uniqlo sont signés pour la fourniture de 900 robots sur deux sites au Japon. Ils ont été mis en service l’année suivante. « Ce n’était pas facile surtout en plein Covid. Mais notre avantage est la standardisation de nos produits qui nous aide à nous développer rapidement », précise ce dernier.
Le CA de l’entreprise grimpe encore et atteint 45 M EUR en 2020 , puis 105 M EUR en 2021. Pour 2022, l’entreprise vise les 200 millions, avec un objectif d’un milliard en 2025. « C’est ambitieux mais atteignable », selon le dg.
Une production Made in France
Côté production, les robots sortent tous de l’usine de Croix. Au départ, les deux fondateurs étaient dans un incubateur en région parisienne. Très vite, ils déménagent à Lille, dans des locaux qui grandissent au fur et à mesure. « On a fabriqué les premiers robots dans un petit atelier dans un coin de l’entreprise. Ce n’était pas forcément adapté à une production de masse. On disposait tout de même d’un système de racks et de bacs, comme un site client mais en miniature », se rappelle Thomas Genestar.
Un autre déménagement est nécessaire en 2019 dans la banlieue lilloise sur le site actuel de Croix, avec 8 lignes de production. « On avait un peu de surcapacité au début mais ça nous a permis de rester sur une durée assez longue », précise le responsable export. Pas suffisamment longue apparemment, car à peine 3 ans plus tard, au vu de sa croissance rapide, un deuxième déménagement est déjà sur les rails.
« C’est en projet car la production augmente mais également le nombre de personnes, avec l’ambition d’ici 3 ans d’embaucher 500 ingénieurs en recherche & développement », s’enthousiasme ce dernier.
L’entreprise souhaite regrouper sur un même site, la production et la R&D, alors qu’ils sont actuellement dans 4 locaux différents. Les nouveaux bureaux devront pouvoir accueillir 1 000 personnes environ. Interrogé sur le nombre de lignes de production et le montant d’investissement de la nouvelle usine, le dirigeant n’a pas souhaité en dire plus au Moci pour le moment. Sur le site actuel, l’usine produit 60 robots par semaine sur un seul « ship » et peut encore pousser sa capacité.
Adapter sa stratégie d’approvisionnement pour éviter les ruptures
L’entreprise n’a pas connu de rupture de production ces deux dernières années. « Nous avons eu des secousses, notamment dans les installations de racks et bacs avec nos prestataires locaux. En termes de prix, l’acier et le plastique ont doublé en un an. Nous avons alors inclus dans nos contrats des formules de révision de prix. Mais nous avons toujours tenu nos délais », explique Thomas Genestar.
Sur les robots, notamment la partie électronique avec de gros risques de ruptures d’approvisionnement, l’entreprise a choisi de changer de stratégie : elle approvisionne désormais ses fournisseurs en composants électroniques et passe commande pour eux. Elle s’assure ainsi qu’ils puissent produire ses fameuses cartes électroniques. « C’est de l’avance de trésorerie mais pas de la perte », indique le dirigeant.
La stratégie à l’export de la jeune pousse est basée sur la taille du marché. « Nos cibles prioritaires sont les gros marchés, qui ont besoin de solutions du type de celles que l’on propose. On parle bien évidemment de l’Amérique du Nord, de tous les pays européens hormis ceux de l’est et du Japon », explique le responsable export. Cette année, Exotec vient de signer avec le Royaume-Uni, le Portugal et l’Allemagne. « Au fur et à mesure, on est entrain de conquérir les marchés européens, les uns après les autres », ajoute-t-il.

Mais pour partir à cette conquête des marchés, l’entreprise s’est organisée en 4 filiales, des Business Unit (BU) dotées de bureaux dédiés : Atlanta pour le marché nord-américain, Tokyo pour le Japon, Croix pour l’Europe de l’Ouest et le dernier à Munich pour l’Europe centrale. « Chaque responsable des Business Unit est un local ; c’est important pour la compréhension du marché », souligne Thomas Genestar, responsable de la BU Europe de l’Ouest.
Côté chiffres, Exotec réalise deux tiers de son CA à l’international. « Ce qui veut dire que la France représente encore un tiers. Mais au vu du nombre de pays, l’export va continuer à grossir », explique-t-il. Les pays asiatiques et la zone pacifique restent une cible, même s’ils sont pour le moment en veille. « On reste bien évidemment ouvert à toutes opportunités », conclut Thomas Genestar.
On l’aura compris, Exotec va vite, et souhaite aller toujours plus loin à l’international.
Claire Pham