Lucibel, entreprise spécialisée dans les luminaires LED, a misé dès 2014 sur une relocalisation en France. Pari réussi : cette stratégie a permis à l’entreprise de favoriser ses innovations produits et a lancé deux innovations qui vont permettre de booster ses ventes, notamment à l’export.
« Nous avons relocalisé notre production en France et si c’était à refaire, je le referais sans hésiter une seconde fois, même si nous avons eu des mauvaises surprises », affirme Frédéric Granotier, fondateur et président de Lucibel, entreprise spécialisée dans les luminaires LED, dans un entretien pour Le Moci.
Une relocalisation réussie
Pour la petite histoire, la PME normande a pris la décision fin 2013 de fermer son usine de fabrication basée à Shenzhen, en Chine, en raison de « gros problèmes opérationnels ». « Nous avons eu affaire à du pillage technologique, des problèmes de corruption de nos propres salariés et des problèmes de qualité », explique Frédéric Granotier.
Par ailleurs, l’entreprise souhaitait « plus de réactivité », dans une volonté de servir plus rapidement ses clients français et européens qui étaient pénalisés par des délais de livraisons liés à la fabrication en Chine. Ces derniers pouvaient aller jusqu’à 6 semaines pour un transport d’acheminement entre la France et la Chine sur des produits spécifiques.
« Cela nous arrivait d’utiliser le fret aérien mais c’était bien évidement un non-sens écologique et économique avec un tiers de la marge brute totale qui était dilapidée par ce coût supplémentaire », se désole le dirigeant.
La relocalisation sur le site industriel de Barentin, près de Rouen s’est toutefois accompagné « d’un important travail d’optimisation de la conception et des processus de fabrication de chaque famille de produits », afin de réduire le temps moyen consacré à l’assemblage de chaque unité.
On peut citer, par exemple, le temps moyen d’assemblage d’un luminaire de la gamme tubular qui est passé de 30 minutes lorsqu’il était fabriqué à Shenzhen à désormais 10 minutes à Barentin.
Selon le président de l’entreprise, cette optimisation a également permis de contrebalancer le coût du travail entre les deux pays afin de rendre la solution de relocalisation viable. « Nous avons réussi à contenir une hausse de prix entre 10 à 20 % liée à la fabrication ce qui est absorbable. Cela a rendu possible un repositionnement stratégique vers le haut », souligne le fondateur. Le positionnement plus premium a permis une augmentation du taux de marge brute qui est passé de 35 % à 52 %.
Autre point positif : accélérer l’innovation et la mise sur le marché des nouveaux produits. « L’équipe de R&D, composée de 12 à 14 personnes, qui était en Chine et en région Rhône Alpes, a été regroupée sur le nouveau site. Ils travaillent désormais en collaboration étroite avec l’équipe de fabrication », développe Frédéric Granotier. Ainsi, dès septembre 2016, Lucibel a lancé le premier luminaire Li-fi au monde, qui permet d’accéder à internet par la lumière.
Li-fi, technologie d’accès à internet par la lumière
Cette solution sans fil conducteur, concurrente du wi-fi, va « exploser » lorsque la norme mondiale va être encadrée. Le sujet est en cours de négociation avec les gros fabricants d’ordinateurs et de smartphones (dont Samsung, HP, Huawei et Apple) et devrait voir le jour d’ici 12 mois, selon le président.
« Aujourd’hui, ce qui coince c’est que l’on doit brancher une sorte de clé usb pour se connecter », précise ce dernier. « L’utilisateur a l’impression de revenir 20 ans en arrière avec les débuts du wi-fi. Or, lorsque le fabricant intègrera directement la technologie dans son appareil, cela va ouvrir le marché », se félicite Frédéric Granotier.
Les avantages sont par ailleurs nombreux avec une sécurisation dans les échanges de données accrues car la lumière ne traverse pas les murs. « Le wi-fi utilise de son côté les ondes radio qui peuvent être interceptées, même avec un wi-fi sécurisé. Ces ondes radio peuvent par ailleurs donner des maux de tête aux personnes électrosensibles », souligne le président de Lucibel.
Une centaine de clients sont déjà preneurs du Li-fi, dont la banque Arkea, la métropole de Toulon, la SNCF avec le salon grand voyageur de la gare de Lyon ouvert en juin 2021, ou encore l’armée de terre qui représente le plus gros client. Interrogé sur le montant du contrat, le président n’a pas souhaité en dire plus.
La cosmétique, un nouveau marché porteur
La PME a également mis sur le marché en 2021 un masque cosmétique LED baptisé Ove, qui traite les rides et les vergetures par photobiomodulation, en émettant de la lumière LED rouge sur un longueur d’onde de 630 nm utilisée en dermatologie et traverse la peau en profondeur. L’entreprise a d’ailleurs signé en décembre 2021 un partenariat avec Dior avec un premier volet qui permet l’intégration du produit dans un certain nombre de spas. Le deuxième volet est en cours de négociation et devrait être annoncé d’ici peu.
Mais cette relocalisation s’est également accompagné de « mauvaises surprises », déplore Frédéric Granotier, avec les coûts de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour un montant de 250 000 euros par an les premières années. Avec la baisse annoncée en janvier 2021 de ces deux impôts par le gouvernement, Lucibel a déjà économisé environ 70 000 euros.
Côté chiffres, Lucibel a publié ses résultats en avril et compte sur ses nouveautés pour booster ses ventes, notamment à l’export.
En 2021, l’entreprise a réalisé un CA de 9,1 millions d’euros (- 10,5 % par rapport à l’année précédente). La dette a augmenté de 13 % pour atteindre environ 3 millions d’euros. S’agissant de l’export, la PME réalise 35 % de son CA sur les produits d’éclairage de musée, notamment en Europe, aux États-Unis et au Moyen-Orient.
Sur le masque Ove, l’export représente déjà 30 % du CA avec une montée en puissance sur les marchés situés au Moyen-Orient et là où se trouvent les hôtels de luxe comme les Seychelles et les Maldives.
Claire Pham
