Dans un règlement d’exécution (UE 2025/1197 ) publié le 19 juin, la Commission européenne instaure une restriction drastique à l’accès aux marchés publics européens des dispositifs médicaux visant les producteurs chinois. Une réponse du berger à la bergère alors que la Chine refuse d’assouplir la préférence chinoise appliquée massivement à ses propres marchés publics dans ce domaine. Revue de détail.
C’est une mesure de « réciprocité » typique du durcissement de la stratégie européenne en matière de politique commerciale, particulièrement vis-à-vis de la Chine, avec laquelle les contentieux commerciaux se multiplient. Et c’est la première prise à la suite d’une enquête menée par la Commission au titre du nouvel instrument sur les marchés publics « International Public Procurement Instrument (IPI) » adopté en 2022.
La Commission européenne a décidé d’exclure les entreprises chinoises des marchés publics de dispositifs médicaux d’un montant supérieur à 5 millions d’euros et de plafonner à 50 % la part des intrants Made in China dans les offres retenues par les acheteurs publics.
Seule exception tolérée : lorsqu’il n’existe pas d’autres fournisseurs pour le marché. « Ces mesures sont conformes aux obligations internationales de l’UE, y compris dans le cadre de l’OMC, car l’UE n’a pas d’engagements contraignants vis-à-vis de la Chine en matière de marchés publics » précise un communiqué de la Commission. « Il s’agit d’une réponse à l’exclusion de longue date par la Chine des dispositifs médicaux fabriqués dans l’UE des contrats gouvernementaux chinois » ajoute-t-elle.
Défendre les entreprises de l’UE contre les traitements injustes
Masques, tubes, vêtements de protection, seringues, machines de mesures et d’analyses, scanners, dispositifs pour la compression ou l’orthopédie, lits médicaux … D’après les estimations de la Commission, les marchés publics mondiaux des dispositifs médicaux représentent plus de 11 000 milliards d’euros par an et constituent une opportunité commerciale importante pour les entreprises européennes.
Les marchés publics de l’Union européenne (UE) sont parmi les plus ouverts au monde : les exportations chinoises de dispositifs médicaux vers l’UE ont plus que doublé entre 2015 et 2023, et ils ont explosé durant la crise Covid et la pénurie de masques et autres équipements de protection en 2020.
Mais ce n’est pas le cas pour le marché chinois. D’après les résultats de l’enquête menée à partir de mars 2024 par la Commission pour la première fois au titre du Règlement IPI, 87 % des marchés publics de dispositifs médicaux en Chine ont fait l’objet de mesures et de « pratiques d’exclusion et discriminatoires » à l’encontre des dispositifs médicaux fabriqués dans l’UE et des fournisseurs de l’UE.
Pékin pratique une préférence généralisée pour le Made in China
Citées dans le règlement d’exécution du 19 juin de la Commission, les principaux résultats de cette enquête mettent en exergue la mise en place par les pouvoirs publics chinois d’un « système global de préférences générales » applicables à l’acquisition de dispositifs médicaux nationaux. « L’élément central de ce système, souligne le texte, est l’obligation juridiquement contraignante faite aux entités adjudicatrices d’acheter des dispositifs médicaux nationaux chaque fois qu’ils sont en concurrence avec des dispositifs médicaux importés et constituent une solution raisonnable ».
S’ajoute à cette préférence nationale des barrières à franchir si le produit retenu provient de l’étranger. Il doit être accompagné d’un « transfert de technologie à des entreprises nationales ». C’est un cas concret de « transfert de technologie forcé ».
La Chine a aussi instauré des mesures sectorielles pour booster sa production nationale et restreindre l’accès aux fournisseurs étranger. C’est le cas pour le secteur des hôpitaux publics. « Les pouvoirs publics chinois donnent l’instruction aux hôpitaux publics d’atteindre des objectifs spécifiques d’achat de produits nationaux pour plusieurs catégories de dispositifs médicaux et appellent à l’exclusion totale des dispositifs médicaux importés en ce qui concerne 137 catégories » observe la Commission.
The last but not the least, les dispositifs médicaux à haute performance ont été intégrés dans la liste des priorités sectorielles de la stratégie « Made in China 2025 » lancée par Xi Jinping en 2015. Dans ce cadre, note la Commission, « les hôpitaux régionaux ont l’instruction d’atteindre des objectifs très élevés en ce qui concerne la part des produits fabriqués au niveau national dans les achats de dispositifs médicaux haut de gamme — 70 % d’ici à 2025 et 95 % d’ici à 2030 —, ce qui écarterait presque complètement, de facto, les possibilités d’accès des produits importés à une grande partie des marchés publics chinois ».
Face au refus de Pékin d’apporter des correctifs, Bruxelles s’est donc résolu à appliqué le principe de réciprocité dans sa propre politique de marchés publics. Mais comme à son habitude, elles laisse la porte ouverte au dialogue : « Si la Chine propose des solutions concrètes, vérifiables et satisfaisantes qui répondent efficacement aux préoccupations identifiées, le cadre de l’IPI permet la suspension ou le retrait des mesures ».
A suivre…
Christine Gilguy
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