« Ça devient grotesque », soupire un bon observateur du microcosme du commerce extérieur. Le match Bercy/Quai d’Orsay pour le leadership de la diplomatie économique commence à sérieusement lasser les partenaires de ces deux administrations et une partie des milieux d’affaires qui, un temps amusés, commencent à s’en inquiéter.
Le retour de Bercy dans les radars des entreprises, orchestré par la DG Trésor avec l’aval de Pierre Moscovici et le soutien de Nicole Bricq -un temps méfiante vis-à-vis de cette administration dont elle n’a pas la tutelle directe-, était certes compréhensible après la campagne de communication menée avec succès en 2013 par le Quai d’Orsay et sa nouvelle Direction des entreprises et de l’économie internationale pour installer ses services et son réseau dans les radars des entreprises et promouvoir l’action de Laurent Fabius dans ce domaine. Il était vivement souhaité par le réseau des Services économiques régionaux (SER).
Il s’est concrétisé à Paris par l’organisation du volet économique du Sommet Afrique-France, avec une conférence qui a attiré près de 600 entreprises. Le 14 janvier, l’essai était transformé avec la première conférence-rencontre « France international, Bercy pour les entreprises », décidée en décembre pour profiter de la réunion annuelle des chefs de SER à Bercy*. Cette dernière a été ouverte à quelque 250 entreprises et les représentants des « partenaires » : Ubifrance, AFII, Douanes, CCI, CCEF, Medef International…
Mais la crispation demeure, évidente. Le 14 janvier, les observateurs avertis ont bien noté la présence de Jacques Maire, directeur des entreprises et de l’économie internationale du MAE -d’ailleurs plutôt souriant- à l’ouverture de la conférence de Bercy. Mais ils ont aussi relevé que c’est à lui que s’adressait Nicole Bricq lorsqu’elle a martelé que « aujourd’hui nous rassemblons nos forces avant de repartir ensemble à l’assaut du monde…Je termine en disant que c’est ici que ça se passe, à Bercy ». Et la ministre n’a pas mentionné une seule fois le MAE. Et si Ramon Fernandez, le directeur général du Trésor, a eu des propos plus consensuels en mentionnant « la coordination de l’ambassadeur » sur le terrain, l’impression de crispation persiste.
Ce n’est pas qu’une impression. Lors de la première réunion qu’organise la DG Trésor avec ses « partenaires » à l’international, prévue le 24 janvier prochain, tous les grands acteurs institutionnels ont été conviés. Sauf le Quai d’Orsay. Ce dernier n’avait pas non plus été associé aux préparatifs du volet économique du Sommet France-Afrique. « Ça commence à bien faire, on marche sur la tête », soupire notre interlocuteur, fatigué de compter les points. Car en attendant, le jeu collectif en prend un coup et les interlocuteurs des deux ministères ont l’impression de marcher continuellement sur des œufs, au risque de rater les buts.
Christine Gilguy
*Lire : Commerce extérieur : Nicole Bricq veut réaffirmer le leadership de Bercy