Chômage partiel (Kurzarbeit), aides en matière de trésorerie, de fiscalité ou encore de contribution sociale : de toutes ces mesures de soutien à l’économie, annoncées il y une semaine par Berlin, les entreprises françaises installées sur place peuvent bénéficier. La condition est de disposer d’une filiale, d’une succursale ou d’un établissement stable outre-Rhin.
Confrontée aux conséquences désastreuses de la pandémie sur son activité, la première puissance économique d’Europe, dont l’industrie contribue à 25 % du produit intérieur brut (PIB), a décidé de contre-attaquer, à l’instar de la France.
Le 25 mars, le ministre des Finances Olaf Scholz annonçait « un paquet d’aide de 1 200 milliards d’euros, soit l’équivalent du coût de la réunification », a pointé Frédéric Berner, directeur général de la CCI France Allemagne (CCFA), lors d’un webinaire, le 1er avril, intitulé « Covid19 : quelles aides aux entreprises et comment en bénéficier pour sa filiale locale ? ».
Trois types d’aides financières
Dans le détail, le fameux » bouclier » anti Covid-19 comprend trois types d’appui :
– des aides à la trésorerie (reports d’échéance, crédits garantis) pour 550 milliards d’euros par l’État fédéral,
– des aides d’urgence de 50 milliards pour les PME et indépendants,
-et enfin un fonds de stabilisation économique de 600 milliards, composé pour 400 milliards de garanties d’emprunts obligataires pour la levée de fonds sur les marchés notamment des grandes entreprises, 100 milliards pour investir dans les fonds propres de sociétés en difficulté ou fragilisées par la crise et 100 milliards encore pour le refinancement de la banque d’investissement publique KfW, homologue de la Caisse des dépôts en France.
L’effort social et financier est à la hauteur de la catastrophe annoncée : l’Allemagne a subi un recul de son PIB de -2 % au premier trimestre, soit plus que le – 1,5 % enregistré pendant le trimestre 2018 pendant laquelle la crise a éclaté. Sur les douze mois de cette année, les observateurs s’attendent à un recul du PIB de – 6 % chez le premier partenaire commercial de l’Hexagone.
Chômage partiel : une indemnité de compensation
S’agissant du chômage partiel, un salarié recevra une indemnité de 60 % ou 67 % en cas d’enfant de la différence entre la rémunération nette prévue et le revenu net réellement perçu après réduction du temps de travail. . C’est l’Agence nationale de l’emploi (Bundesagentur für Arbeit/BA), qui verse l’indemnité de compensation. « Les travailleurs temporaires y ont aussi droit, mais pas les titulaires d’un mini-job, les apprentis, les stagiaires conventionnés, les salariés en préavis de démission et licenciement et ceux en incapacité de travail avant le chômage partiel », a précisé Hans-Georg Herrmann, avocat chez Rechtsanwaltspraxis Dr. Thalhofer, Herrmann & Kollegen, lors du wébinaire de la CCFA. Au 30 mars 2020, l’Agence nationale pour l’emploi aurait ainsi reçu au total 470 000 demandes d’indemnité partielle, alors qu’en temps normal environ 1 700 demandes lui parviennent chaque mois.
A ce jour, des entreprises françaises disposant uniquement de commerciaux en Allemagne ne peuvent enclencher le processus de chômage partiel. Une situation paradoxale, dans la mesure où les sociétés allemandes opérant de même dans l’Hexagone bénéficient, elles, du système français de chômage technique. Les discussions bilatérales aux niveaux gouvernemental et parlementaire seraient en cours pour que Berlin s’aligne sur le modèle français.
S’agissant du bouclier de protection, l’entreprise doit s’adresser à l’Administration fiscale. En matière d’aides fiscales, a détaillé Dorothée Gambier, experte comptable et commissaire aux comptes chez MNT French Desk GmbH, réductions, voire annulations, et reports sont possibles pour l’impôt sur les sociétés, la taxe professionnelles et la TVA.
Des reports de paiement et des exemptions de charges sociales peuvent encore être accordées. Pour soutenir la trésorerie des entreprises, la banque publique KfW offre à la fois des prêts garantis et les länder versent des subventions.
Un confinement progressif
Par ailleurs, en matière d’organisation du travail, les mesures de protection au coronavirus doivent être adoptés sur le lieu de travail (distance de 1,5 mètre, ne pas partager ses outils de travail…). En Allemagne, comme le confinement est progressif et qu’il est toujours possible de se rendre dans son entreprise, les employeurs ont le droit de demander à leurs employés de travailler et les salariés doivent trouver les moyens de se déplacer jusqu’au lieu de travail, quelque soit l’état des transports.
L’Allemagne estime que sa capacité hospitalière et en lits équipés d’appareils de respiration est suffisante pour gérer la contamination jusqu’à ce l’épidémie s’épuise. Ce qui explique que ce pays comptabilise moins de décès que la France par rapport à leur population respective (1,1 % outre-Rhin et 7 % dans l’Hexagone) et la population mondiale (2 % en Allemagne, 8 % en France).
Au 31 mars, l’Allemagne comptait au total 67 360 cas de contamination et 732 décès. Les länder les plus touchés sont à l’ouest, mais c’est la Bavière qui arrivait en tête, avec 24 % des cas et 31 % des décès, et le taux de pénétration dans la population le plus élevé du pays (13 cas pour 10 000 habitants).
Certains sujets d’importance sont encore au stade du débat outre-Rhin, sans qu’une solution soit encore dégagée. Les discussions tournent notamment autour du paiement des loyers des entreprises. « A ce jour, a souligné Frédéric Berner, aucune disposition n’indique que les loyers ne sont pas dus. Pour autant, rien n’empêche un locataire de négocier avec son propriétaire ». Le cadre légal pourrait, toutefois, être adapté au cas du Covid-19. Un sujet à suivre.
François Pargny