Mis à jour le 22/07/2021, 15H50.
Lors d’un colloque sur la Côte d’Ivoire organisé par Business France et la Team France Export, qui s’est tenu le 12 juillet au Sénat à Paris, les nombreux débats entre experts, dirigeants d’entreprises, ministres ivoiriens et consultants ont révélé la myriade d’opportunités d’affaires qu’offre le pays dans de nombreux secteurs transport, numérique, agriculture, construction…où les PME françaises ont une carte à jouer.

Poumon économique, locomotive, hub ou champion régional de l’Afrique de l’Ouest … Les qualificatifs n’ont pas manqué pour décrire la bonne santé de l’économie ivoirienne lors du colloque qui lui était consacré au Sénat, devant un parterre d’une soixantaine dirigeants d’entreprises françaises.
Il faut dire que le pays a démontré sa solidité économique depuis près d’une décennie. « De 2012 à 2019, la Côte d’Ivoire a affiché une croissance de près de 8% par an et ses fondamentaux restent bons » a déclaré Gérard Larcher, président du Sénat en ouverture de l’évènement.
Mieux, le pays a même montré sa résilience économique en 2020 en pleine crise sanitaire, avec une croissance de + 2 %, alors qu’une récession globale de -3,4% a touché l’Afrique du l’Ouest !
Le pays doit entrer dans les stratégies des PME françaises
Du coup, les entreprises françaises ont une belle carte à jouer sur ce marché ivoirien résilient et dynamique, d’autant que le pays mise sur une croissance de l’ordre de 6,5 % en 2021 et de 6 % en 2022.
« La Côte d’Ivoire est un partenaire clé de la France. Plus de 600 entreprises tricolores y investissent dans de nombreux secteurs où l’offre française doit continuer à briller » a lancé Franck Riester, le ministre français chargé du Commerce extérieur et de l‘attractivité.
« La Côte d’Ivoire doit rentrer dans les stratégies d’export ou de développement international des PME et ETI tricolores, en utilisant notamment des V.I.E pour défricher son marché » a renchéri Benoît Trivulce, directeur général délégué de Business France.
Accélérer les projets d’investissements dans un climat d’affaires amélioré
Pour assurer la croissance de son pays dans les 10 prochaines années, le gouvernement ivoirien du premier ministre Patrick Achi veut notamment accélérer les projets d’investissement qui s’inscrivent dans son Plan national de développement 2021-2025 (PND 2021-2025), en donnant la priorité au secteur privé.

« Le secteur privé sera le principal levier de la création d’entreprises et de richesse. De plus, notre gouvernement a engagé 80 réformes structurelles depuis 10 ans pour améliorer le climat des affaires et favoriser les investissements étrangers. L’objectif de notre Plan national de développement, qui concentre de nombreux projets d’investissement, est de doubler le PIB par habitant en 2025 et de le tripler à l’horizon 2030 » a exposé.
Profiter d’une économie très diversifiée
Premier investisseur en Côte d’Ivoire en flux (214 millions d’euros en 2019) et en stocks (2 194 millions d’euros), la France à un rôle important à jouer dans le PND du pays, son deuxième client en Afrique derrière l’Afrique du Sud, avec 1,1 milliards d’euros exportés en 2020.
« Si la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de cacao et un grand pourvoyeur de noix de cajou, d’ananas, de bananes, de mangues…son secteur agricole ne pèse que 22 % à 23 % du PIB. L’économie ivoirienne est très diversifiée puisque le secteur industriel a le même poids que son homologue agricole et que les services représentent plus de la moitié du PIB » a observé François Sporrer, chef du Service économique régionale (SER) à la direction générale du Trésor.
« Il reste cependant au gouvernement ivoirien à élargir son assiette fiscale, notamment en s’attaquant au secteur informel » a nuancé Éric N’Guessan, directeur associé de EY Côte d’Ivoire, cabinet d’audit financier et de conseil.
Soutien aux PME locales et étrangères
En attendant, les banques françaises participent activement au financement des entreprises ivoiriennes et étrangères sur place.
« On a créé les Maisons de la PME, lieux d’échanges entre investisseurs, experts comptables, banquiers et entrepreneurs pour lever les principaux obstacles à la création et au développement des entreprises » a révélé Philippe Dubois, directeur marché entreprises Afrique de la Société Générale.
De son côté, Bpifrance propose, en dehors de ses crédits export, un dispositif de garantie des projets internationaux pour aider les PME tricolores à s’implanter avec un risque limité. « On rembourse la moitié du crédit si l’implantation ne marche pas » a relevé Pedro Novo, son directeur exécutif en charge de l’export. Concrètement, cette garantie couvre 50 % de l’apport en capital ou comptes courants, dans la limite de 1,5 million d’euros, du risque contre l’échec économique. Si la filiale doit être liquidée Bpifrance est en mesure d’indemniser donc 50 % des apports injectés.
Un gros besoin de transformation locale de produits agricoles
Dans le secteur agricole, les implantations d’entreprises étrangères sont bienvenues dans la transformation des produits.
« Notre défi est de développer la transformation locale des produits agricoles qui reste faible. Pour cela, nous comptons sur les investissements étrangers privés. Nous avons d’ailleurs mis en place un programme pilote de transformation agricole dans lequel les investissements français peuvent jouer un rôle de catalyseur » a confirmé Kobenan Kouassi Adjoumani, ministre ivoirien de l’Agriculture et du développement rural.
Message entendu par Cemoi, l’industriel français du chocolat. « On a réalisé une première usine de transformation de cacao sur place. On travaille ainsi avec les coopératives qui regroupent une multitude de planteurs de cacaoyers qu’on souhaite aider à se professionnaliser » a expliqué Patrick Poirrier, son président.
Mais le secteur agricole offre aussi un bon potentiel de développement commercial. La PME Bouchard, qui commercialise du matériel agricole, mise sur la croissance et la professionnalisation de l’agriculture du pays pour y vendre ses équipements. « On réalise 2 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires au bout de 6 ans de présence » a précisé Philippe Bernard son président.
Hub logistique régional grâce au port d’Abidjan
La Côte d’Ivoire se positionne également comme hub logistique régional de l’Afrique de l’Ouest, grâce à sa position géographique stratégique. Là aussi, les opportunités d’investissement dans les secteurs portuaire et du transport sont importantes.
« Il nous faut accélérer la modernisation du port d’Abidjan pour absorber la forte de croissance de 6 % par an de son trafic » a expliqué Amadou Koné, ministre ivoirien des Transports. Au menu : deux nouveaux terminaux roulier et fruitiers, un deuxième de conteneurs…
La PME normande Hafa Lubrifiants, spécialisée dans les lubrifiants pour véhicules, voient ces projets d’un bon œil. Elle se sert déjà du port d’Abidjan comme hub pour la sous-région d’Afrique de l’Ouest. Or, pour acheminer les marchandises du Port d’Abidjan vers l’hinterland et les pays limitrophes, le gouvernement compte aussi investir massivement dans le réseau routier.
Les PME tricolores attendues dans les infrastructures de transport
« Les PME françaises devraient s’intéresser au marché de l’amélioration des routes » a glissé Alain Kété, associé transaction au cabinet EY Côte d’Ivoire. « Nous souhaitons aussi développer le fret aérien qui soulagerait le transport maritime » a ajouté le ministre.
« Le pays relance ses infrastructures de transport. Il a notamment le projet de doubler la capacité d’accueil voyageurs de l’aéroport d’Abidjan sur lequel les PME tricolores pourraient se positionner dans la billettique, la sécurité, les équipements… » a conseillé Jean-César Lammert, directeur Business France Côte d’Ivoire.
Un évènement transport urbain à Abidjan au premier semestre 2022
Pour l’heure, la métropole d’Abidjan concentre toutes les convoitises.
« La ville a de grands besoins de rénovation urbaine dans une centaine de quartiers précaires, ainsi que de logements avec un déficit de 600 000. Mais aussi dans le secteur hôtelier, les voiries…On a du retard sur la modernisation d’Abidjan » a admis Bruno Nbagné Koné, le ministre ivoirien de la Construction, du logement et de l’urbanisme.
Mais le grand projet de la capitale économique ivoirienne est celui de son métro, un réseau ferroviaire de transport urbain qui s’articulera autour de deux lignes et qui devrait être opérationnel fin 2025 / début 2026.
« Ce projet de plus d’un milliard d’euros, dont le matériel ferroviaire a été attribué au consortium Bouygues / Alstom, s’inscrira dans un évènement consacré au transport urbain à Abidjan au premier semestre 2022. L’occasion pour les entreprises françaises de se positionner sur les appels d’offres » a souligné Jean-César Lammert.
Priorité au numérique
Enfin, l’économie numérique ivoirienne commence à prendre du poids.
« Le secteur du digital représente 11 % du PIB, 4 000 emplois directs et 400 000 indirects. 23 millions de personnes sont connectées au Mobile Banking et à l’Internet mobile » a présenté Roger Félix Adom, le ministre ivoirien de l’Économie numérique, des télécommunications et de l’innovation.
Famoco, une fintech française qui fabrique des terminaux mobiles sécurisés sur les transactions et les données personnelles, a flairé la bonne aubaine en s’installant dans le pays. « La Côte d’Ivoire et l’Afrique en général sont en avance sur le paiement par mobile. Nos solutions peuvent se plugger sur des applications métier pour les banques, la police et même l’agriculture » a assuré Lionel Baraban, son président.
« La Côte d’Ivoire pourrait devenir une plateforme offshore dans le développement de logiciels pour les entreprises françaises. Comme nous le faisons. Mais la formation des compétences locales est encore insuffisante » a estimé Patrick Kouassi, président de Smile CI, entreprise ivoirienne spécialisée dans le développement de logiciels à base d’intelligence artificielle.
Quant à HD Rain, une startup française qui développe une solution de prévisions météorologiques, elle a pris l’opportunité de faire une levée de fond auprès d’un acteur important du cacao, pour déployer en coopération avec Météo France International, 140 capteurs météo pour les plantations de cet acteur au nord de San Pedro.
« Notre stratégie est d’accélérer les infrastructures numériques sur tout le territoire, de développer les services e-gouv, e-santé, e-éducation ainsi que la cybersécurité, de renforcer nos compétences dans le domaine et de structurer l’innovation » a conclut Roger Félix Adom.
Bruno Mouly