L’OCDE publie son Indice de restrictivité des échanges de services (IRES), un outil fournissant des informations sur les réglementations encadrant les échanges de services de 22 secteurs dans une cinquantaine de pays. Un bon indicateur de la jungle réglementaire parfois excessive qui freine leur commerce.
Si le commerce extérieur français de biens a enregistré en 2022 des résultats catastrophiques, affichant un déficit record de 164 milliards d’euros (Md EUR), les services ont affiché un confortable excédent de 50 Md EUR. De fait, les services représentent plus des deux tiers du PIB mondial et attirent trois quarts des investissements étrangers dans les économies avancées.
Qu’ils soient intrinsèquement liés au commerce transfrontalier (transport et logistique, banques, services juridiques, support et maintenance…) ou directement issus de l’essor des technologies de l’information et de la communication (audiovisuel, musique…), ils relèvent de différents modèles opérationnels et d’une multitude de cadres réglementaires. Un casse-tête pour les entreprises de services qui veulent pénétrer de nouveaux marchés, mais également pour les exportateurs de marchandises : les services représentent en effet plus de 30 % de la valeur ajoutée des exportations de produits manufacturés, selon les calculs de l’OCDE.
IRES : des données recouvrant 80 % des échanges
L’indice IRES de l’OCDE, publié depuis 2014, permet d’y voir un peu plus clair dans le dédale réglementaire qui sert de cadre aux échanges de services. Accessible en ligne, il compare les réglementations des pays membres de l’OCDE ainsi que de l’Afrique du Sud, du Brésil, de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie, du Kazakhstan, de la Malaisie, du Pérou, de Singapour, de la Thaïlande et du Vietnam, soit 80 % des échanges de services dans le monde.
Il fournit :
– Un suivi annuel de l’environnement réglementaire du commerce des services.
– Une base de données sur les lois et réglementations en vigueur, actualisée chaque année.
– Des indices composites pour chaque pays et secteur : évaluation chiffrée des restrictions à l’entrée des marchés étrangers, des données sur les obstacles à la concurrence, la transparence des réglementations, les autres mesures discriminatoires…
– Des indices composites des barrières réglementaires aux services commercialisés sous forme numérique (Digital STRI) et dans l’espace économique européen (intra-EEA STRI).
– Des indices d’hétérogénéité des réglementations qui mesurent pour chaque secgteurs les différences de réglementation entre deux pays.
– Une évaluation empirique de l’impact des politiques d’échanges de services sur la performance économique et les coûts des échanges.
Des conditions réglementaires de plus en plus fragmentées
En 2022, l’environnement réglementaire mondial pour le commerce des services a été dynamique avec une augmentation du volume des changements réglementaires par rapport à 2021, souligne l’OCDE. Mais ces changements positifs ont été contrebalancés par l’apparition de nouveaux obstacles, notamment des limitations imposées aux entreprises étrangères pour fournir des services localement, à la circulation des personnes et aux investissements directs étrangers.
Le niveau moyen des restrictions dans les pays non membres de l’OCDE dans les 22 secteurs est ainsi 1,5 fois plus élevé que dans les pays de l’OCDE en 2022, ce qui indique une fragmentation réglementaire continue et des conditions inégales d’accès au marché des services.
Tous pays confondus, les réglementations les plus favorables aux échanges sont sans surprise celles du Japon, du Royaume-Uni et des Pays-Bas. Le pays du soleil levant est également, aux côtés du Vietnam et du Kazakhstan, le pays qui a fourni le plus gros effort de libéralisation des échanges de services en 2022.
Le Kazakhstan, le Brésil et la Chine, pays les plus actifs
Sur la période 2014-2022, le Kazakhstan, le Brésil et la Chine ont en revanche fourni le plus d’efforts d’ouverture.
Le Kazakhstan a progressivement introduit plusieurs mesures de libéralisation, notamment après son adhésion à l’OMC en 2015. Une partie de ces mesures comprennent la levée des quotas et des tests du marché du travail pour la circulation des prestataires de services, ainsi que l’amélioration de la transparence réglementaire.
Le Brésil a également fait preuve d’une libéralisation progressive ces dernières années, en combinant des mesures transversales avec des efforts de libéralisation plus complets dans des secteurs de services clés tels que les services financiers et le transport aérien. Il a également introduit plusieurs nouveaux changements réglementaires en 2021-22.
Ainsi de la suppression des exigences de résidence pour les cadres dans la plupart des secteurs (à l’exception des services juridiques et comptables). Les gestionnaires ne sont plus tenus de résider dans le pays mais doivent désigner un représentant dans le pays à des fins juridiques.
Le Brésil a été particulièrement actif pour ouvrir davantage ses services financiers. En 2021, il a ainsi introduit d’importantes réformes sur l’organisation de la Banco Central do Brasil (autorité de surveillance bancaire du Brésil). En 2022, d’autres réformes sont entrées en vigueur par le biais de la loi sur le marché des changes : elle a libéralisé les mouvements de capitaux étrangers, l’accès aux crédits et aux prêts pour les entreprises à participation étrangère majoritaire, et elle a assoupli les conditions d’acquisition par des étrangers de parts dans les banques brésiliennes.
La Chine a enregistré des baisses significatives de son ISTC entre 2014 et 2022 en raison de la libéralisation progressive des réglementations régissant les investissements directs étrangers (IDE). Les révisions annuelles des mesures administratives spéciales pour l’accès des IDE, depuis son introduction en 2017, ont ainsi contribué à réduire progressivement la portée des restrictions affectant les investisseurs étrangers.
La baisse de son score STRI au cours des cinq dernières années est également du à la libéralisation des mesures relatives à la propriété, à l’établissement et au contrôle des entreprises étrangères dans des secteurs tels que les services financiers, les transports, les services logistiques, les services de construction, les télécommunications à valeur ajoutée et les services professionnels.
150 milliards de dollars d’économies potentielles
Malgré ces progrès, la marge de progrès est encore importante sur le plan mondial. En 2021, une analyse conjointe de l’OCDE et de l’OMC a identifié des économies potentielles annuelles de coûts commerciaux de l’ordre de 150 milliards de dollars si les disciplines de la réglementation intérieure des services étaient pleinement mises en œuvre dans tous les secteurs.
Sophie Creusillet
* Les 22 secteurs étudiés sont : les services informatiques, la construction, les services juridiques, les services de comptabilité, l’architecture, l’ingénierie, les télécommunications, la distribution, la diffusion, le cinéma, les enregistrements sonores, la banque, les assurances, le transport aérien, le transport maritime, le transport routier, le transport ferroviaire, les services de messagerie et de logistique (manutention de la cargaison, entreposage et stockage, transport de fret, courtage en douane).