Comment Groupe SEB a remporté une manche contre les contrefacteurs chinois

A l’occasion de la 25e édition du Forum européen de la propriété intellectuelle, Groupe SEB, fabricant lyonnais de petits équipements domestiques, vient de recevoir l’Unifab Award 2021 dans la catégorie « Plus belle décision de justice ». Elle vient récompenser son action victorieuse menée depuis 2015, en Chine, pour violation de son brevet sur le système de pale de sa fameuse machine Actifry. Bestseller de SEB ayant nécessité cinq ans de R & D, celle-ci permet de cuire des frites fraiches avec une seule cuillère d’huile. 

« Nous avons tenu bon, pendant quatre années de procédures avec plusieurs appels du contrefacteur qui a même essayé de contester la validité de notre brevet, mais finalement fin 2019, la cour suprême de Pékin (le plus haut niveau de juridiction chinoise) nous a donnés raison. Le contrefacteur a été condamné à détruire les moules, les stocks et à nous payer une amende d’un million de RMB de dommages et intérêts », se réjouit Isabelle Bissey Pierre Responsable Juridique Propriété Intellectuelle du Groupe SEB.

C’est son équipe qui avait décelé l’arnaque en 2015, sur un stand de la foire de Canton en Chine, salon incontournable de l’export chinois attirant des dizaines de milliers de visiteurs professionnels à chaque édition.

« Tuer les contrefaçons dans l’œuf »

Deux fois par an, la responsable juridique accompagnée de plusieurs membres de son service, débarque sur la foire de Canton en mode commando. Au milieu des centaines de stands dédiés au petit électroménager, elle y traque la moindre velléité de contrefaçon avec l’aide du cabinet d’avocats chinois WanHuida, partenaire historique de SEB.

« Nous sommes attentifs aux technologies utilisées, au design des produits etc. A chaque fois, nous revenons en France avec une besace pleine de suspicions de fraudes. Nous vérifions, nous analysons et nous échangeons avec les managers de nos différentes business units afin de déterminer ensemble les actions prioritaires. Nous sommes vigilants sur l’ensemble de nos gammes, mais encore plus particulièrement sur l’Actifry qui est vraiment un produit emblématique, fabriqué en France ».

Elle raconte comment SEB avait réussi, – dans le cas précis de cette action qui a fini par aboutir fin 2019-, à faire bloquer un conteneur de friteuses contrefaites en partance pour l’export grâce à un enregistrement préalable auprès des douanes chinoises (notre photo). « Nous définissons les actions prioritaires, nous menons les investigations pour remonter à la source de la contrefaçon puis nous déposons une plainte ».

Cette pugnacité a finalement payé pour ce contrefacteur condamné à payer une amende historiquement élevée pour ce sujet en Chine et semble avoir découragé, pour le moment, les velléités analogues.

« Avec cette surveillance renforcée de la Chine, et notamment de la Foire de Canton, notre objectif est de tuer dans l’œuf la contrefaçon avant qu’elle ne se diffuse dans le monde entier. On sait, par exemple, que beaucoup de produits contrefaits de notre marque Moulinex partent de là-bas puis passent par une plaque tournant au Moyen-Orient. Il est plus efficace donc d’agir directement à la source », souligne Isabelle Bissey Pierre. « Nous sommes désormais connus en Chine pour notre politique ultra-vigilante. Sur la foire de Canton, il n’est pas rare que des vendeurs viennent à moi directement, sans que je me présente, en brandissant immédiatement l’argument ‘clean, clean’ ! ».

Un durcissement de la législation chinoise contre la contrefaçon

Pour Isabelle Bissey Pierre, qui ne souhaite pas divulguer de chiffres précis sur les budgets nécessaires à cette politique d’étroite surveillance de ses brevets et modèles, cette décision de la cour suprême de Pékin vient également souligner l’évolution de la politique chinoise en matière de protection industrielle.

« La loi chinoise avance très rapidement. Sur le montant des dommages et intérêts notamment, nous étions plutôt habitués à 20/50 000 RMB. Un million, c’est un vrai signal fort pour les contrefacteurs » estime-t-elle. Et un vrai signal fort aussi pour l’image de marque de la Chine auprès du reste de la planète.

Selon la dernière étude de l’OCDE en la matière (2019), la valeur des produits de contrefaçon importés, à l’échelon international, s’élevait en 2016 à 509 milliards de dollars et la majorité des produits contrefaits saisis lors de contrôles douaniers provenaient de Chine et de Hong Kong. Les États-Unis étaient les principales victimes de ces marques et brevets contrefaits (24%), suivis par la France (17%) et l’Italie (15%).

Une vigilance partout dans le monde

Si l’industriel français surveille très attentivement la Chine, il n’en oublie pas non plus le reste de la planète. Il garde ainsi un œil sur les places de marché et les réseaux sociaux. Une « brand protection » pour laquelle elle se fait accompagner par des sociétés spécialisées.

SEB s’appuie aussi sur ses équipes dans 150 pays, que le groupe forme à la protection industrielle. « Ces équipes vivent et travaillent dans ces pays, elles sont nos yeux sur place », souligne Isabelle Bissey Pierre.

En 2020, SEB a déposé dans le monde 443 brevets, 312 modèles et 166 marques. Au total, il a déposé environ 7 500 brevets et plus de 20 000 marques. SEB a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 6,9 milliards d’euros et emploie 33 000 collaborateurs.

Stéphanie Gallo