Avec 12 214 entreprises inscrites début mars 2018 dans la base européenne des exportateurs enregistrés REX (Registred Export System), le sésame pour commercer avec le Canada dans le cadre du CETA (Comprehensive economic and trade agreement), les Britanniques ont fait très fort, les meilleurs élèves de la classe de très loin, faisant pâlir d’envie nombre de leurs collègues européens tout en leur mettant la pression.
D’autant plus que ce score a été atteint outre-Manche quelques semaines seulement après l’entrée en vigueur partielle du traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada, le 21 septembre 2017. Qu’on en juge : au 5 mars 2018, même l’Allemagne était loin du compte avec 2 957 entreprises enregistrées, soit quatre fois moins que le Royaume-Uni, un comble pour le 1er exportateur européen et le 3ème mondial ! En réalité, il s’agit d’une mystification, peut-être involontaire de la part des autorités outre-Manche.
Vérification faite, les Britanniques ont en fait été un peu vite en besogne, quitte à enregistrer des opérateurs qui ne sont pas vraiment prêts où n’ont pas le profil adéquat pour exporter vers le Canada dans le nouveau cadre du CETA, et à provoquer au passage l’agacement général des services des douanes de leurs partenaires européens, piqués au vif par ce score incroyable.
La DG Trade mécontente de la méthode britannique
« Les Britanniques se sont contenter de basculer les bases de leurs exportateurs enregistrés pour d’autres accords de libre-échange dans REX », souligne Hélène Guillemet, sous-directrice Commerce international à la Direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Sans même se préoccuper de savoir si les produits de ces opérateurs étaient dans la liste des nouvelles préférences ou respectaient les règles d’origine conformes au CETA, un pré-requis pour pouvoir bénéficier des avantages préférentiels accordés par le nouveau traité.
La DG Trade de la Commission européenne, alertée par les administrations d’Allemagne, d’Italie et de France, aurait fait part aux Britanniques de son mécontentement à l’égard de leur méthode dès novembre 2017. « L’étalon britannique n’est pas le bon », insiste Hélène Guillemet. Autrement dit, la France ne serait pas aussi en retard que le score britannique, six fois plus élevés que celui de l’Hexagone, le laisse penser. Et la Douane française tient à rétablir une certaine vérité à ce sujet.
Certains produits n’ont pas besoin de REX
Car si être un exportateur enregistré dans REX reste indispensable pour tirer tous les bénéfices du CETA, ce n’est pas suffisant. « Il faut aussi que le produit soit d’origine Union européenne, et donc France », explique Hélène Guillemet.
Il doit également correspondre aux nouvelles préférences délivrées par le CETA : les cuirs, peaux, produits pharmaceutiques, champagne, par exemple, bénéficiaient déjà de droits de douane nuls à l’importation au Canada avant le CETA, et leurs producteurs n’ont pas besoin d’être dans REX pour continuer à en bénéficier. Un élément qui explique aussi que le score français – 1910 début mars- semble modeste comparé à ses homologues italiens (2574) et espagnols (1955).
À cet égard, la Douane française, via ses pôles Action économique et entreprises dans les régions, tient à rappeler qu’elle accompagne les entreprises qui veulent s’enregistrer sur REX en les informant au préalable sur les règles à respecter et la démarche d’obtention d’une origine garantie pour leur produit.
« On souhaite que cette exportation se pérennise »
Plus largement, sa priorité est aussi de contribuer à mieux préparer ces PME à l’exportation. « Seulement 30 % des PME françaises pérennisent leur présence à l’exportation d’une année sur l’autre : CETA ou pas CETA, beaucoup ont besoin d’une démarche à l’export plus structurée et sécurisée, plus globale ». Choix des Incoterms, réglementation import des pays de destination, dont les règles d’origine, font partie des éléments sur lesquels la Douane se positionne en accompagnement des entreprises.
« On n’a pas 12 000 exportateurs enregistrés dans REX mais nos 2 000, on est sûr qu’ils ont un vrai désir de Canada, qu’ils sont sensibilisés aux règles d’origine, qu’ils ont été informés sur le fonctionnement de l’accord et que leurs flux de marchandises correspondent bien à la demande préférentielle », résume Hélène Guillemet. « On n’est pas sur du quantitatif en masse car on souhaite que cette exportation se pérennise », ajoute-t-elle.
Une fois l’entreprise préparée, l’obtention de l’agrément est une formalité qui va très vite. « Nous sommes le seul État, avec l’Espagne à avoir mis en place un système totalement dématérialisé », se félicite Hélène Guillemet. Le dépôt de la demande et la délivrance de l’autorisation se font en ligne ; une fois délivrée, l’autorisation est immédiatement transmise à la DG Trade et à l’ensemble des autres États membres de l’UE.
Christine Gilguy
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