Dans cet interminable saga du Brexit, jamais le calendrier n’avait été aussi serré. Selon l’ultimatum informel posé par les Européens, les deux parties n’ont plus que quelques jours, soit jusqu’à vendredi 11 octobre, pour trouver un compromis qui pourrait ensuite être peaufiné puis validé par les Vingt-sept lors du sommet des 17 et 18 octobre. Ce nouveau – peut-être le dernier – marathon de négociations a débuté le 7 octobre à Bruxelles, et il n’incite pas à l’optimisme.
« Nous avons reçu quelques clarifications supplémentaires sur le texte présenté la semaine passée », par les équipes de Boris Johnson, a indiqué, dans la soirée du lundi 7 octobre, une porte-parole de l’exécutif européen. Mais selon des diplomates informés à la fin de cette première journée de discussions, les modifications apportées par les Britanniques « ne sont pas de nature à débloquer les négociations ».
Accord ou pas accord, « deal or no deal » ? Le suspense reste donc total sur les possibilités d’arracher un accord à l’issue de ce énième round de pourparlers.
Une alternative au Backstop…
Dévoilées mercredi 2 octobre par le Premier ministre à Londres, les propositions actuellement débattues visent à élaborer une nouvelle solution pour l’Irlande du Nord, le très controversé backstop imaginé par les Européens ayant été rejetée à trois reprises par le Parlement britannique.
L’objectif reste le même, à savoir éviter une frontière physique entre la région nord-irlandaise et la République d’Irlande. Comment ? En dotant Belfast et sa région d’un statut spécial. La zone resterait, dans les faits, membre du Marché unique pour les biens agricoles et industriels, et donc alignée sur les règles européennes jusqu’à 2025. A cette date l’Assemblée d’Irlande du Nord devrait trancher entre deux options : continuer à suivre les règles européennes ou décider d’appliquer les normes britanniques.
Ce système complexe imaginé par le gouvernement britannique mènerait donc à la création de deux nouvelles frontières. La première en mer – entre le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord – où auraient lieu les contrôles sur le respect des normes agricoles et industrielles. La seconde sur l’île d’Irlande, pour l’application des tarifs douaniers et la vérification de l’origine des produits. Mais « pas question de contrôle sur ou près de la frontière », a promis Boris Johnson.
…Fraîchement accueillies à Bruxelles
Mais pour la Commission, le compte n’y est pas. Deux éléments du plan, en particulier, posent un problème : il envisage, d’abord le retour des contrôles douaniers entre les deux Irlande et accorde, ensuite, un droit de veto au parlement nord-irlandais.
Si Londres ne « revient pas avec de nouvelles propositions sur deux problèmes graves que nous leur avons signalés, je ne vois pas comment nous pourrions avancer », a averti Michel Barnier, le négociateur du Brexit pour l’Union européenne (UE), le week-end passé.
Même son de cloche en République d’Irlande : « les propositions avancées ne sont pas prometteuses et ne constituent pas la base d’un accord », a déploré son Premier ministre Leo Varadkar, rappelant que les contrôles aux frontières n’étaient pas qu’une « question technique », contrairement aux allégations de son homologue britannique.
Se disant disposé à assouplir sa position, Boris Johnson a quant à lui multiplié les déclarations dans la presse appelant les Européens à faire preuve de « créativité et de flexibilité » pour débloquer la situation. Une façon, bien sûr, de faire porter le chapeau à l’UE en cas d’échec de ce nouveau cycle de pourparlers.
Boris Johnson refuse un report du Brexit
A un peu plus de trois semaines de l’échéance du 31 octobre, date du Brexit effectif en cas de non report, le locataire du 10 Downing Street ne cesse de répéter qu’il n’y aura « plus de report » du Brexit, déjà retardé deux fois.
Une loi récemment adoptée par le Parlement britannique le contraint pourtant à demander un délai à ses futurs ex-partenaires, faute d’accord d’ici à la mi-octobre. Une obligation que Boris Johnson chercherait à éviter « coûte que coûte ».
Selon des révélations publiées dans des médias pro-Brexit, plusieurs scénarios seraient donc envisagés par la garde rapprochée du Premier ministre. Première option, le chef du gouvernement britannique pourrait décider d’ignorer la loi mettant alors la Reine Elizabeth au défi de le limoger, selon le Sunday Times.
Autre piste, plus loufoque encore : susciter le veto d’un Etat membre. Un report devant en effet être approuvé à l’unanimité des Vingt-sept, une seule défection suffirait donc à bloquer cette demande. Selon le Telegraph c’est le Hongrois de Viktor Orban qui pourrait dès lors venir au secours du gouvernement britannique.
Dernière solution à l’étude, saboter l’Union de l’intérieur s’il était finalement forcé de demander un nouveau délai. En bloquant, par exemple, l’adoption du futur budget européen ou en nommant un commissaire eurosceptique, comme Nigel Farage – le Président du parti du Brexit – pour perturber les travaux de la Commission.
Le pessimisme domine en Europe
L’heure tourne inéluctablement et la confusion ne s’est toujours pas dissipée.
Lors d’un entretien téléphonique le dimanche 6 octobre, le président français Emmanuel Macron aurait suggéré à son homologue un bilan « en fin de semaine prochaine » sur la faisabilité d’un accord.
Ce mardi 8 octobre, la chancelière allemande Angela Merkel aurait quant à elle estimé un compromis « extrêmement improbable », faute de nouvelles propositions de Londres sur les points les plus épineux de son texte.
Pour le Premier ministre finlandais, Antti Rinne, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE, un report semble désormais inéluctable. « Il semble que Boris Johnson n’ait compris que maintenant de quelle pagaille il s’agit, et il a du mal à faire une proposition pour s’en sortir », a-t-il déclaré, ajoutant : « C’est pourquoi je crains que le sommet d’octobre ne porte davantage sur une prolongation que sur des solutions concrètes à la situation »
Selon la BBC, les collaborateurs de Boris Johnson considèrent eux aussi que les discussions en cours à Bruxelles seraient « sur le point d’échouer ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles