Cet article a fait l’objet d’une Alerte diffusée auprès des abonnés de la Lettre confidentielle le 26 septembre à 15H40.
Une fois de plus, pourrait-on dire, mais cette fois pourrait être la bonne pour les investissements sud-africains dans l’énergie nucléaire. « La ministre sud-africaine de l’Énergie Tina Joemat-Pettersson a annoncé son intention de lancer des appels d’offres pour des réacteurs nucléaires dans une semaine » livrait ainsi à la Lettre confidentielle du Moci un consultant présent aux Rencontres Africa 2016, les 22-23 septembre au Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Cette annonce du prochain lancement du nouveau chantier nucléaire sud-africain paraît d’autant plus crédible que la compagnie nationale d’électricité, Eskom, qui gère la centrale nucléaire de Koeberg, à 30 kilomètres au nord du Cap, a indiqué qu’il disposait de 10 milliards d’euros pour un programme nucléaire de dix ans. Sauf qu’il faudra beaucoup plus, « de 50 à 100 milliards », selon l’expert approché par la LC, pour fournir les 10 gigawatts (GW) évoqués par l’Administration sud-africaine, ce qui représenterait six nouveaux réacteurs, auxquels s’ajouteraient des équipements complémentaires et un réacteur de recherche (test).
Une autre raison d’y croire : les protagonistes français, russe et chinois sont sur les dents. Fin 2014, Pretoria avait signé toute une série d’accords, d’abord avec le russe Rosatom dans l’espoir de se doter de 9,6 GW d’ici 2030, puis avait conclu des accords de coopération avec Paris et Pékin, avant de signer encore avec China National Nuclear Coporation (CNNC) et Industrial & Commercial Bank of China.
Les énergies renouvelables trop coûteuses pour Eskom
Aujourd’hui, la centrale de Koeberg, avec ses deux réacteurs de 920 mégawatts (MW) chacun, fournit près de 6 % de l’électricité sud-africaine. Ces dernières années, Pretoria a développé un ambitieux programme d’énergies renouvelables, lequel aurait procuré 6 000 MW au pays, font valoir les partisans du solaire et de l’éolien, qui s’alarment des intentions d’Eskom.
De fait, Brian Molefe, le directeur de la compagnie électrique, estime que les technologies actuelles ne permettent pas au solaire et à l’éolien de fournir l’électricité dont le marché à besoin et de façon optimale. Plus encore, ce type d’énergie, qu’Eskom doit acheter à des producteurs indépendants, serait plus cher que dans les centrales de l’électricien national. Brian Molefe aurait été entendu de la ministre, au grand dam de Greenpeace et d’autres ONG.
Mais du côté des industriels, on fait valoir l’intérêt que représenterait une filière nucléaire en Afrique du Sud. Selon un haut fonctionnaire, les entreprises intéressées répètent à l’envi au ministère de l’Énergie que le pays, « avec une vision à long terme », pourrait créer une filière industrielle intégrée, avec « localisation d’équipementiers » et « création d’emplois », notamment d’emplois qualifiés. Non pas que l’Afrique du Sud ne dispose pas de savoir-faire. Bien au contraire, la nation arc-en-ciel est ainsi devenue l’un des principaux producteurs d’isotope médical issu de l’irradiation d’uranium enrichi. Mais les ressources sont insuffantes : « ils ont du monde sur toute la filière, mais pas en nombre suffisant », précisait ainsi à la LC un responsable d’entreprise.
La France et EDF en pointe
Encore très dépendants du charbon, les Sud-Africains avaient reçu en juin Pascal Colombani, l’envoyé spécial de la France sur le nucléaire, accompagné d’une délégation d’entreprises. Seule centrale nucléaire d’Afrique, Koeberg a été construite par la France dans les années 80, et, depuis, EDF a étendu ses coopérations avec le fournisseur d’électricité sud-africain. Échange d’informations et d’ingénieurs, formation d’équipes d’exploitation, ce partenariat avec Eskom est encore nourri par l’assistance que lui donne Électricité de France dans la sûreté et la réduction des coûts de production.
EDF aura, toutefois, fort à faire face à Rosatom et CNNC. Pour faire face, le groupe français pourrait associer à son offre son partenaire chinois CGN, comme il vient de le faire pour trois centrales nucléaires au Royaume-Uni, dont Hickley Point, projet jugé comme risqué financièrement pour l’opérateur français. Dans tous ses contrats, le champion tricolore doit maintenant tenir compte de son endettement, considéré comme important.
François Pargny
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