Les agences d’évaluation
financière s’inquiètent de la persistance de l’instabilité politique en Égypte.
Preuve en est : après le franco-britannique Fitch, qui a baissé sa note
souveraine de B à B- en fin de semaine dernière, c’est au tour du belge
Ducroire de tirer les conclusions d’une situation chaotique ne permettant pas
d’envisager rapidement des mesures structurelles.
Si l’Office national du Ducroire
(ONDD) avait déjà décidé de dégrader le risque à moyen et long terme en Égypte,
en le passant à 6 au lieu de 5, ce qui est effectif depuis cette semaine, les
évènements récents, liés au coup d’État militaire, l’ont amené aussi à fermer
son guichet des garanties pour le secteur public et à limiter les quotités
offertes au secteur privé.
« Si nous n’avons pas
totalement fermé pour le secteur privé, c’est que, plusieurs États du Golfe ayant
promis d’apporter une aide financière notable, on peut penser que l’état des
liquidités dans le pays va s’améliorer », explique Daan Rowies, analyste à
l’ONDD. De façon concrète, malgré l’éviction de la présidence de la République
du Frère musulman Mohamed Morsi, l’Arabie saoudite, le Koweït et les Émirats arabes unis ont annoncé un soutien global de 12 milliards de dollars sous forme
de dons, de dépôts à la Banque centrale et de produits pétroliers. Le Qatar
pourrait également se joindre à ce mouvement.
L’appui des États-Unis encore incertain
A l’inverse, aux États-Unis, on
s’interroge sur l’appui à donner à un gouvernement qui n’est pas légitime. Washington
déverse sur ce pays tous les ans 1,3 milliard de dollars d’aide militaire et
d’assistance à la sécurité.
Les agences de notation attendent
la constitution d’un gouvernement de consensus. Le nouveau Premier ministre,
l’ancien ministre des Finances Hazem El Biblawi, et surtout l’ancien directeur
de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AEIA) Mohamed El Baradeï,
nommé vice-président en charge des Relations internationales, auront fort à
faire pour convaincre la communauté internationale d’appuyer le gouvernement
intérimaire. A commencer par le Fonds monétaire international (FMI) échaudé par
les atermoiements du Caire depuis deux ans que les deux parties négocient, avec
des interruptions, la mise en place d’un prêt de 4,8 milliards de dollars.
La coalition au pouvoir devra
aussi persuader l’Union européenne (UE), qui lui a versé – UE, Allemagne et
France cumulés – 447 millions d’euros d’aide au développement et humanitaire en
2011, d’après l’OCDE, et s’était engagée en 2009 à verser en moyenne annuelle
jusqu’en 2011 près de 735 millions de dollars.
Un déficit budgétaire qui croît
Aux 4,8 milliards de dollars du
FMI, les institutions multilatérales et l’Occident seraient prêts à ajouter au
pot quelque 14,5 milliards à condition que Le Caire s’engage sur un programme
économique avec le FMI. « Le plus important, souligne Daan Rowies, est de réduire
un déficit budgétaire qui a cru pour représenter 12 % du produit intérieur brut
à fin juin pour l’exercice 2012-2013, d’attirer les investissements et
d’assainir les finances publiques ». Mais, « dans le climat actuel,
toucher au portefeuille des Égyptiens est extrêmement difficile, reconnaît
aussi l’analyste de l’assureur crédit belge, en faisant allusion aux différentes
subventions publiques, qui constituent un gouffre pour le budget national (2,5
milliards de dollars rien que pour le pain).
Non seulement il faudrait
parvenir à un consensus politique pour supprimer ces subventions, mais la vie
quotidienne des 83 millions d’Égyptiens, dont un quart vit déjà sous le seuil
de pauvreté, s’est encore dégradée. Les coupures d’électricité sont légion et
la croissance économique pourrait ne pas dépasser 1 % cette année.
François Pargny