« Il faut rassurer les entreprises sur le Moyen-Orient après la période de turbulences et les fantasmes
véhiculés à la suite des printemps arabes, », a
estimé Pierre Vincensini, chef du département intelligence marchés à Ubifrance, lors
d’un colloque le 28 juin à Paris. Cette conférence a limité à neuf pays la zone
géographique du Moyen-Orient : les nations de la péninsule arabique (Arabie
saoudite, Emirats Arabes Unis, Qatar, Oman, Yémen), celles du Golfe persique
(Koweït, Irak, Iran) et la nation insulaire de Bahreïn. La « priorisation
de cette zone », décidée par Ubifrance, doit permettre d’étendre le
maillage de la France
dans ces pays porteurs.
Le Moyen-Orient est une région émergente qui prend un
important poids économique. Avec 5 % de croissance en 2010 et une progression
de 42 % des échanges avec la
France en 2010, c’est une zone « dynamique et solvable »,
assure Pierre Vincensini. « Elle a montré une résilience face à la crise et
prend du poids politique en s’ouvrant sur l’extérieur ». D’après Jean-Christophe
Peaucelle, directeur adjoint pour l’Afrique du Nord Moyen-Orient (ANMO) au ministère
des Affaires étrangères, cette zone semble à l’abri du printemps arabe.
Mais peut-on dire que le Golfe a été épargné par ces
révolutions ? « Oui sauf Bahreïn et Oman dans une moindre
mesure », répond Bertrand Besancenot, ambassadeur de France en Arabie
saoudite. Selon lui, cela s’explique par la forte présence d’expatriés dans ces
pays et par un Etat providence fort. « En Arabie saoudite, les autorités
ont réagi aux aspirations du peuple en augmentant les salaires ou en facilitant
les prêts au logement. La société saoudienne est différente de l’égyptienne ou
tunisienne. (…) Certes il y a aussi un problème d’éducation ou de corruption,
mais les pays du Golfe n’ont pas de tradition politique, donc les critiques se
manifestent peu. Il n’y a pas de relais politique. «
Trois défis majeurs
Néanmoins ces pays sont confrontés à trois défis majeurs,
selon Jacques de Lajugie, ministre conseiller pour les Affaires économiques
Moyen-Orient. D’abord, stabiliser la « volatilité politique » :
entre la persistance des problèmes en Irak, l’implosion du Yémen, l’incertitude
nucléaire en Iran et les soubresauts à Bahreïn. Le second défi est d’ordre
économique. La croissance est forte mais pas suffisante pour faire face à
l’augmentation de la population active, ce qui entraîne une hausse du taux de chômage
et une dégradation du marché du travail. En Arabie saoudite par exemple, la
population active augmente plus vite que la population totale.
Enfin le dernier
défi à relever est la diversification de l’économie. Les hydrocarbures
représentent aujourd’hui environ 40 % du PIB de l’Arabie saoudite alors
qu’avant c’était 70 %. « Mais ce n’est pas forcément la panacée, avertit-il.
Le problème est que les places sont déjà prises dans les autres secteurs tels
que le gaz naturel liquéfié (par le Qatar) ou le portuaire (par Dubaï). Mieux
vaut s’orienter vers le tourisme, l’aéronautique et les services financiers »,
préconise-t-il.
« Le Moyen-Orient est une zone peu homogène mais très
stratégique », assure Jacques de Lajugie. Ce marché de 180 millions de
consommateurs est composé de pays producteurs et exportateurs d’hydrocarbures.
« Les flux d’investissements directs étrangers (IDE) explosent : ils
ont été multipliés par vingt en dix ans. » Les exportations de la France au Moyen-Orient ont elles
été doublées en dix ans. Et la part des V.I.E (Volontariat international en
entreprise), relais des PME dans cette zone, ne cesse d’augmenter : ils
sont cette année 242 en poste dans 130 sociétés.
Alix Cauchoix