La visite qu’entame aujourd’hui Nicole Bricq aux Emirats arabes unis (EAU) (20-21 janvier) puis au Sultanat d’Oman (22 janvier) s’inscrit dans la poursuite des efforts de Paris pour dynamiser la présence française dans les pays du Golfe, terres de grands contrats et de ressources financières abondantes.
Aux EAU, ses échanges sont largement excédentaires (+ 2,3 milliards d’euros en 2012) mais sa part de marché a chuté à 2,4 % (7 % au début des années 2000) sous l’effet de la concurrence étrangère. Même chose à Oman, pays il est vrai de plus petite taille, où, malgré un excédent confortable (+ 280 millions d’euros en 2012), sa part ne dépasse pas 1,5 %.
C’est clairement aux EAU, où le président François Hollande s’était rendu il y a un an jour pour jour, que les enjeux sont les plus importants. Côté grands contrats, la France a déjà engrangé de beaux résultats dans l’aéronautique avec 30 milliards d’USD de commandes d’Airbus lors du dernier Dubai Air Show (dont la commande géante d’Emirates pour 50 A380) et quelque 2 milliards supplémentaires pour des contrats liés à de grands chantiers d’infrastructures. Les espoirs français se portent à présent sur de nouveau projets d’infrastructures urbaines, notamment dans les systèmes de transports à Abou Dhabi et Dubaï.
Abou Dhabi, où se jouent les gros enjeux financiers, entre en période d’appel d’offres pour un gros programme d’investissements de 7 milliards USD pour deux ligne de métro, deux lignes de tramway et des lignes de bus. Quant à Dubaï, l’émirat vient de remporter l’organisation de l’exposition universelle de 2020 et quelque 7 milliards USD d’investissements sont prévus pour préparer cet événement que les Emiriens veulent résolument placer sous l’angle de la ville du futur. Sans oublier les projets liés à la ville nouvelle de Masdar. Alstom doit faire, à l’occasion de la visite de la ministre du Commerce extérieur, les premiers essais de la première rame du tramway dubaïote d’Al Soufouh, le 21 janvier.
Les Français décidés à se présenter groupés
En l’occurrence, les Français semblent décidés à se présenter groupés sur ces différents enjeux d’autant plus que leurs hôtes son demandeurs de systèmes clés en mains. Les leçons des gros échecs passés (sur le nucléaire notamment, en décembre 2009, face aux Sud-coréens) semblent avoir été tirées.
Nicole Bricq doit représenter la France à l’ouverture du World Future Energy Summit (WFES) d’Abou Dhabi, le 20 janvier. Ubifrance a organisé un pavillon réunissant une trentaine d’entreprises françaises des secteurs des énergies renouvelables et de l’eau sous la bannière Vivapolis (qui fédère les entreprises des secteurs liés à la ville durable). Michèle Papparlado, la représentante spéciale de la ministre pour la famille de produits « mieux vivre en ville », animera plusieurs tables-rondes lors du WFES.
Des entreprises françaises spécialistes des infrastructures d’accueil et de l’événementiel, intéressées par les contrats liés à l’exposition universelle de 2020, seront dans la délégation de la ministre (GL Events, Accor, Seiten Event) qui rencontrera à Dubaï les principales autorités chargées du projet Expo Dubaï 2020.
Le ferroviaire sera aussi un point d’orgue de cette visite avec la tenue d’un séminaire, organisé à la demande des Emiriens, sur le thème « transports ferroviaires et urbains », en présence de représentant du département des transports d’Abou Dhabi et d’Etihad Rail. « Les Emiriens sont intéressés par l’ensemble de l’offre, confirme-t-on dans l’entourage de la ministre, où on insiste sur le fait que l’ensemble des grands acteurs du secteur ferroviaire français seront présents : Sncf, Ratp Développement, Moviken, Alstom, Vossloh Cogifer, NFM Technologies, Systra, Egis, TSO.
D’autres sujets seront également à l’ordre du jour, dont le projet de second aéroport de Dubaï (aéroport Al Makyoum International), dont ADP International (ADPI), représenté dans la délégation, a déjà réalisé certaines études (tour de contrôle, terminal low cost). Et toujours l’énergie : cette visite intervient alors que les EAU, qui fournissent 18 % des approvisionnements en hydrocarbures de la France, sont entrés dans la période de renégociation des concessions pétrolières : Total, qui détenait 9,5 % de la concession ADNOC à parts égales avec BP, Exxon et Shell, veut conserver une part significative alors que de nouveaux acteurs, notamment chinois, sont intéressés.
Mobiliser des ressources des fonds souverains émiriens
En dehors des grands contrats commerciaux, la France tient également à soigner ses relations avec les EAU au plan financier car elle est intéressée par une coopération financière plus active. L’enjeu : mobiliser les ressources financières des fonds souverains émiriens – dont le montant cumulé est estimé à 650 milliards USD – pour des projets d’intérêt commun.
En l’occurrence, Nicole Bricq doit notamment rencontrer Khaldoun Al Moubarak, co-président du Dialogue stratégique franco-émirien et président du Fonds Mubadala, le principal fonds émirien avec l’ADIA (Abu Dhabi Investment Authority). Les Français veulent notamment intéresser les Emiriens à des financements de projets d’infrastructures et de crédit export liés à des grands contrats commerciaux.
Enfin, à Oman le 22 janvier Nicole Bricq cherchera à promouvoir les intérêts français dans le cadre des projets de diversification économique du sultanat. Plus petit que ses voisins émiriens (80 milliards USD de PIB, contre 400 milliards pour les EAU), le sultanat d’Oman est aussi moins doté en richesses pétrolières et nourrit le projet de se transformer en véritable hub de services et de tourismes pour préparer l’après-pétrole.
D’où un programme d’investissements colossal dans les infrastructures de transports (réseau ferroviaire, rénovation de l’aéroport, équipements portuaires) et d’accueil touristiques. Paris est également intéressé par les ressources des fonds souverains omanais.
La venue d’un ministre français du Commerce extérieur, dans le cadre d’une journée marathon, sera la première d’un représentant du pôle économique du gouvernement français depuis près de 6 ans. Ministres des Transports, du Tourisme, du Commerce et de l’Industrie, ainsi que hauts responsables de programmes d’investissements publics omanais (projet ferroviaire, zone portuaire de Duqm, Autorité de l’eau et de l’électricité) sont dans son agenda. Nicole Bricq parrainera, à cette occasion, la création d’un centre de formation axé sur la distribution de l’électricité Veolia-Electricity Holding.
Christine Gilguy