Le 25 février, le président sénégalais Macky Sall participait à un forum sur l’investissement privé au Sénégal, organisé à la CCI Paris Ile-de-France. Une réunion visant à persuader le secteur privé de participer au Plan Sénégal Émergent (PSE) d’un montant global de 9 685 milliards de francs CFA, (14,76 milliards d’euros) devant être alimenté pour moitié par l’État.
La veille, les partenaires du Sénégal au Club de Paris s’étaient engagés à fournir 3 729 milliards de francs CFA (5,68 milliards d’euros), Dakar comptant ainsi sur le secteur privé pour compléter le financement. De façon concrète, le gouvernement espère recevoir des entreprises 1 111 milliards de francs CFA (1,69 milliard d’euros), ce qui était l’objet de ce séminaire.
Pour autant, on peut s’interroger sur la réussite de ce forum. Si le directeur général de l’Agence sénégalaise de promotion des investissements et des grands travaux (Apix), Mountaga Sy, a annoncé « 1113 participants », difficile de se prononcer sur l’affluence réelle des milieux d’affaires, français, européens ou asiatiques, potentiellement intéressés par le PSE, certains de leurs représentants présents étant déjà investis dans le pays.
Lors de la table ronde sur les infrastructures dans l’après-midi, peu de questions sont venues d’investisseurs intéressés par le PSE. Le décalage entre les attentes des Sénégalais et la réalité était encore plus criant lors du cocktail de réseautage clôturant la journée, pendant laquelle certains opérateurs européens avaient du mal à cacher leur surprise, sinon leur désillusion.
C’est que le Sénégal a beaucoup de chemin à rattraper pour retrouver grâce auprès des investisseurs privés étrangers. Il a même perdu, depuis des années, l’image enviable d’un « grand pays » touristique. Son chef d’État le reconnaissait, d’ailleurs, à demi-mots, quand il déclarait à l’assistance, le matin, qu’il fallait « un tourisme avec de la valeur ajoutée ». Et Macky Sall de conclure par la nécessité de « parler au patronat pour redonner de la confiance ». Des propos interprétés par un administrateur du patronat comme « une critique voilée de l’action des ministres du Tourisme, Youssou N’Dour – l’ancien – et Omar Gueye – l’actuel – voire du Premier ministre Aminata Touré, incapables de s’entendre avec les acteurs locaux », a relevé un observateur.
Le patronat aurait énoncé des propositions : relance du fonds de promotion touristique et lancement d’une campagne, adaptation de la procédure de visa, qui a été rétablie il y a quelques mois. « C’est une question de souveraineté, de lutte contre l’insécurité à nos frontières avec le Mali ou la Mauritanie… Nous ne pouvons pas lutter, mais nous pouvons obtenir des changements », assure l’interlocuteur de la LC.
Comme solution originale, pourrait être instaurée la possibilité pour les hôtels de délivrer eux même le visa. Tout comme il s’agirait d’alléger les démarches pour les groupes touristiques pilotés par des tours opérateurs. En décongestionnant Dakar, le futur aéroport international Blaise Diagne (AIBD), distant de 50 kilomètres, devrait aussi favoriser le tourisme. Ce grand projet – qualifié de « station orbitale » du PSE par le ministre des Infrastructures, Thierno Alassane Sall – doit ainsi favoriser l’envol du Sénégal vers un record de touristes en 2023, soit un chiffre de 3 millions contre la moitié en 2012, selon Ibrahima Wade, directeur de la Stratégie de croissance accélérée (SCA).
Mais ce n’est pas suffisant encore, a reconnu le directeur général d’AIDB, Abdoulaye Mbodj, selon lequel il faudra aussi « réhabiliter, mettre aux normes les aéroports régionaux, comme au Cap Skirring et à Ziguinchor, et régler le problème ardu du Pavillon national, en trouvant un repreneur technique et financier à Air Sénégal International». D’après certaines indiscrétions, Dakar chercherait » du côté de l’Afrique du Sud ou de la France « . Le Sénégal aurait aussi refusé la proposition du Niger, du Mali et de la Mauritanie de rejoindre la Compagnie du Sahel, le transporteur aérien sous-régional que ces trois pays ont décidé de créer et qui devrait prendre son envol dans les mois à venir.
François Pargny