Près de 800 dirigeants d’entreprises de l’Union européenne (UE) et hors UE (Islande, Turquie, Russie, Israël, Amérique latine…) étaient rassemblés les 15 et 16 octobre à Bruxelles pour le Parlement européen des entreprises. Peu médiatisée dans l’Hexagone, cette réunion visant à présenter aux institutions européennes les besoins et les demandes du secteur privé, a, cette année, attiré de nombreuses sociétés tricolores, surtout des PME.
Lors des précédentes éditions en 2008 et 2010, « nous étions obligés de remplir les travées de l’hémicycle avec nos collaborateurs. Cette fois-ci, nous sommes 120 et que des dirigeants. Et la France est la première délégation, devançant même l’Allemagne », a expliqué, le 16 octobre, André Marcon, président de CCI France. Pour le patron de l’organisation française des Chambres de Commerce et d’Industrie, c’est la preuve d’une prise de conscience que « l’Union européenne doit être faite pour les PME ». Des propos faisant écho à ceux du président d’Eurochambres, association de 1 700 CCI originaires de 43 pays (représentant plus de 20 millions de sociétés, dont 98 % de PME), qui venait, quelques minutes plus tôt, d’ouvrir officiellement l’édition 2014 du Parlement européen des entreprises. Richard Weber a affirmé vouloir « une Union européenne pour les entreprises ».
Lutter contre les bureaucraties européenne et nationale
« C’est bien d’une Europe qui soutienne son industrie que nous voulons et pas seulement d’une Union européenne faite pour les consommateurs », a confié au Moci Gilles Curtit, président de la CCI de Franche-Comté et directeur général d’Epau-Nova SAS, un fabricant d’épaulettes et d’accessoires textiles à Mathay, comptant 40 salariés et réalisant 50 % de son chiffre d’affaires à l’export. Ainsi, à la question « est-ce que vous estimez que le marché unique européen est suffisamment intégré et permet à votre entreprise de fonctionner et d’exercer dans le cadre d’une compétition libre ? », Gilles Curtit et les autres délégués rassemblés dans l’hémicycle du Parlement européen ont répondu à une large majorité par la négative (536 votes sur 768 suffrages exprimés)
Lors de la séquence des témoignages d’entrepreneurs consacrée à l’international, le délégué franc-comtois a clôturé son message en interrogeant le Parlement européen sur l’aide qu’il peut fournir aux PME. Le président de cette institution, l’allemand Martin Schulz (sur notre photo, entouré de Richard Weber à gauche et d’Arnaldo Abruzzini, secrétaire général d’Eurochambres), a reconnu que les PME avaient besoin de règles uniques. Lui-même a rappelé qu’avant d’avoir un destin européen, il avait été propriétaire d’une petite entreprise en Allemagne, une librairie appartenant aujourd’hui à une de ses anciennes employées qu’il a formée. Les députés européens « savent que la bureaucratie rend la vie des entreprises plus difficile » et « plus particulièrement celle des PME », a-t-il encore déclaré.
Il n’est pas certain que les propos encourageants de Martin Schulz aient rassuré les représentants des CCI. « Comment voulez-vous que des chefs de PME soient positifs, quand l’Europe – et la France aussi – est si administrative et ne protège pas son industrie », explique Gilles Curtit. Et, de fait, les regrets, mais aussi les critiques se sont succédés pendant la séance de témoignages. Ainsi, a déploré Élisabeth Ali Benali, présidente de France Paratonnerres, à Limoges, « la norme européenne a tué une bonne partie de la filière de la protection contre la foudre en France, alors que nous étions auparavant les meilleurs ». De son côté, la Bulgare Sylvia Petrova, présidente d’une société spécialisée dans le matériel biomédical, s’est élevée contre « l’entrée sur le marché européen de produits étrangers obtenant l’étiquetage européen sans en avoir la qualité ». Elle a ainsi proposé que des certifications soit mises en place et « délivrées par les Chambres de Commerce des pays respectifs ».
Se défendre de la concurrence déloyale de la Chine
Le dumping de la Chine a également été évoqué par plusieurs délégués européens. « Que fait l’Europe ? Les Turcs sont très libéraux en économie. Çà ne les empêche pas de dresser des barrières pour empêcher les produits chinois d’entrer chez eux », observe Gilles Curtit, rappelant, au passage, que le démantèlement de l’Accord multifibres (AMF) en 2005 a précipité le déclin de l’industrie textile européenne et abouti à la main mise de la Chine sur le secteur textile-habillement.
Dans un second vote, les délégués au Parlement européen des entreprises ont demandé à une majorité écrasante (535 suffrages sur un total de 677 exprimés) que l’Union européenne applique des règles commerciales plus strictes pour lutter contre les distorsions commerciales et la concurrence déloyale. Dans une proportion un peu inférieure (487 votes sur 684 suffrages exprimés), ils se sont déclarés favorables à un accord de libre échange (ALE) avec les États-Unis. Sylvia Petrova indiquait ainsi « n’avoir pas peur de ce pays ». Et de façon générale, l’Union européenne reçoit un satisfecit du secteur privé quand il s’agit d’ouvrir de nouveaux marchés.
Selon Christoph Leitl, le président de la Fédération autrichienne des chambres (WKÖ) et de la Plateforme globale des chambres (GCP), qui regroupe 16 organisations consulaires nationales et transnationales, « il faut conclure avec toutes les régions du monde ». Il est également indispensable de « penser à d’autres continents comme l’Afrique », sans oublier « la dimension transcontinentale ». « Pour résoudre les conflits qui perdurent en Europe, estime-t-il, un ALE de Lisbonne à Vladivostok, peut être une solution ».
De notre envoyé spécial
François Pargny