Annoncée le 27 décembre, la perte par le groupe français Areva d’un très gros contrat à Abou Dhabi (Emirats arabes unis) de 20 milliards de dollars pour la fourniture de quatre centrales nucléaires civiles, va entraîner pour la filière nucléaire française une remise en cause de sa stratégie.
C´est en effet le consortium conduit par la compagnie publique sud-coréenne Kepco (Korea Electric Power Corp) incluant Samsung, Hyundai, Doosan Heavy Industries, Westinghouse, et Toshiba, qui a été choisi par l´Agence émiratie de l´énergie nucléaire (Emirates Nuclear Energy Corporation) pour construire ces quatre centrales nucléaires, au détriment du consortium français, qui regroupait Areva, EDF, GDF Suez, Total, Vinci et Alstom.
Deux raisons principales peuvent expliquer cet échec français :
Première raison : l´absence de cohésion du consortium français. Elle a été regrettée dès le 28 décembre par Claude Guéant, le secrétaire général de l´Elysée. Dans un commentaire publié dans Les Echos, il a déploré que « l’équipe de France ait mis trop de temps à se mettre en ordre de bataille ». Au départ du projet, en janvier 2008, EDF ne faisait pas partie de ce consortium, qui était constitué uniquement d´Areva, de GDF Suez et de Total. C´est en mai 2009 qu´EDF a été finalement appelé à la rescousse, sur instigation de l´Elysée, afin de renforcer les chances de succès du projet français.
Le consortium français a été également tiraillé entre les stratégies divergentes de ses membres : Areva et sa dirigeante Anne Lauvergeon, qui souhaitait rester chef de file, les patrons de GDF Suez et de Total, qui ont manqué d´enthousiasme pour défendre le projet comme le souligne le quotidien Libération et « le nouveau patron d´EDF, Henri Proglio, qui affirmait-il y a peu vouloir regrouper la filière nucléaire française sous sa bannière ». Ce dernier est d´ailleurs « bien décidé à refaire de l’électricien le nouveau chef de file du secteur nucléaire en France », estime La Tribune.fr dans un article du 28 décembre.
Deuxième raison : le prix trop élevé de l´offre française. Selon L´Expansion.fr et selon Les Echos le différentiel de prix serait de 30 % entre les offres française et sud-coréenne. D´où la question qui se pose de la vente d´une technologie certes sophistiquée, l’EPR, mais trop chère. C´est à cette question que devra entre autres répondre l´ex-patron d´EDF, François Roussely. Celui-ci s´est vu confier début décembre par le président Nicolas Sarkozy une étude sur « l´évolution du nucléaire civil à l´horizon 2030 dans l´ensemble de ses dimensions ». Celle-ci devrait être remise au chef de l’Etat au printemps prochain.
Isabelle Verdier