Concevoir et fabriquer des mannequins de vitrine ? On pensait ce métier disparu sous le tsunami des productions à bas coûts. Ce n’est pas le cas : Cofrad Mannequins résiste depuis sa reprise en 2017 grâce à une réactivité sans faille. Elle s’exporte grâce aux clients prestigieux et fidèles des grandes griffes du luxe.
(Mis à jour le 7/06/24 11H30)

« Je vois parfois davantage nos produits dans les vitrines de New-York qu’à Paris ». Depuis le siège de Cofrad à Gémenos, dans les Bouches-du-Rhône, Christophe Israël (ci-contre), président de Cofrad Mannequins et de Manex France (société spécialisée dans la fourniture d’équipements aux commerces), livre au Moci le parcours de ce fabricant de mannequins de vitrine, un métier que l’on pensait disparu de nos territoires, laminé par la concurrence des pays à bas coûts. La Compagnie française d’agencement et de décoration (Cofrad) résiste, grâce à des trésors de créativité et d’agilité, comptant parmi ses clients les grands du luxe français et européen, Vuitton, Balmain, Dior, Balenciaga…
Ce sont ces marques prestigieuses, auxquelles s’ajoutent de grandes enseignes multinationales comme H&M ou Marks & Spencer, qui génèrent aujourd’hui une bonne part du chiffre d’affaires de l’entreprise (entre 7 et 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, selon les années, dont 40 % à l’export) et constituent les principaux vecteurs d’exportation des mannequins.
Une partie de ceux-ci est fabriquée en France, dans l’atelier de Gémenos, et une autre partie au Philippines, dans un atelier appartenant en propre à Cofrad. « Nous avons la capacité de faire 10 000 pièces par mois, à 100 % en interne » souligne Christophe Israël, à la tête du groupe familial (Clément assure la direction générale de Cofrad et Sabine, la direction de Manex).
Une fabrication maîtrisée, entre la France et les Philippines

Une organisation qui a permis au repreneur de Cofrad de garder la maîtrise complète de la conception et de la fabrication de ses modèles, et de résister à la concurrence des pays à bas-coût. Car cette PME revient de loin.
Créée en 1975 pour distribuer en France en exclusivité la marque danoise de mannequins Hinsgaul, elle était au départ une société commerciale qui ne possédait aucun savoir-faire dans ce domaine en matière de fabrication. Cofrad s’est ensuite lancé sur un développement propre en s’appuyant sur une fabrication essentiellement en Chine. Ce qui a sans doute contribué, à la longue, à sa perte. D’autant qu’avec la disparition des petites boutiques indépendantes, laminées par les grandes enseignes ou par le E-Commerce, les budgets se sont faits plus rares et il a fallu se réinventer.
« Lorsque nous avons racheté Cofrad en 2017, elle était en grande difficulté, relate Christophe Israël. Nous l’avons restructuré. Nous avons conservé les commerciaux et rapatrié toute la production pour l’assurer en interne ». C’est l’atelier aux Philippines, qui emploie 150 personnes, qui, assure la plus grande partie de la fabrication des pièces.
Outre un atelier de plus petite capacité où se réalisent la conception des projets, Cofrad dispose à Gémenos également d’un entrepôt. Son réseau commercial comprend un showroom dans le 3ème arrondissement de Paris et des bureaux au Royaume-Uni, en Allemagne, en Espagne et aux Etats-Unis. Une équipe de six commerciaux opère sur le terrain, à l’affut de la moindre opportunité ou du moindre projet nouveau des clients.
Car pour résister dans ce marché de niche où le client est roi, parfois capricieux, demandant du sur-mesure mais toujours exigeant sur les délais de livraison -courts évidemment-, être réactif est atout majeur. « Nous sommes plus réactifs que nos concurrents car c’est nous qui fabriquons » se réjouit Christophe d’Israël.
L’entreprise, qui emploient toujours des sculpteurs pour modeler ses modèles, capables aussi d’assurer des finitions ou de réaliser des modifications sur les pièces, travaille désormais avec les technologies 3D. « Cela nous permet de communiquer plus vite avec les clients et de réaliser des modèles miniatures » souligne le président de Cofrad. Celle-ci s’est aussi diversifiée dans les éléments de décoration de vitrines et magasins pour des opérations spéciales, à l’instar d’une collection de lapins en résine conçus pour Marks & Spencer.
Enfin, pour répondre à la demande croissante de grandes marques désireuses de « verdir » leur activité jusque dans les mannequins qui portent leurs créations, l’entreprise a développé de nouveaux matériaux biosourcés ou à base de fibres naturelles pour remplacer la traditionnelle résine polyester. « Notre volonté est de proposer une offre 100 % durable » insiste Christophe Israël.
Et elle se tient prête à relever les défis les plus fous lancés par ses clients. Pour le prestigieux musée Dior, elle restaure près de 200 mannequins iconiques dans les règles de l’art. Pour le grand magasin parisien Printemps Haussmann, elle livre deux collections sur mesure de mannequins au style sportif et au design inspiré de l’antiquité grec pour ses corners « bains », mis cette année aux couleurs des JO de Paris 2024 (notre photo en couverture). La résistance continue, elle n’est pas près de s’arrêter !
Christine Gilguy