Le gouvernement a présenté le 29 avril son plan d’action pour faire face à un éventuel afflux de colis venus de Chine. Mais la bataille se joue au niveau européen. D’où la volonté de Paris de convaincre ses partenaires européens d’accélérer la mise sur pied d’une réponse coordonnée, incluant une taxe pour frais de gestion. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
« Il s’agit de faire payer aux importateurs, aux plateformes, et non pas aux consommateurs, un petit montant forfaitaire sur les colis » a lancé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, au cours d’une visite de pas moins de quatre ministres français dans un entrepôt logistique de l’aéroport de Roissy.
Face à l’afflux de petits colis chinois posant des problèmes liés à la sécurité des consommateurs, à l’environnement et aux règles de concurrence, et qui pourrait encore s’accélérer avec la mise en place de droits de douane américains massifs sur ces produits, effectifs depuis vendredi [2 mai], la France entend ainsi susciter une réaction européenne rapide.
Concrètement, la France entend ainsi mettre en place des « frais de gestion douanière » pour les colis d’une valeur inférieure à 150 euros – aujourd’hui exonérés de droits de douane en vertu des règles européennes. Ces frais permettraient de financer le renforcement des contrôles douaniers, que la France prévoit de tripler et de mieux cibler, tout en restaurant une équité fiscale face aux acteurs européens.
Accélérer la cadence européenne
L’idée agitée par Mme de Montchalin n’est certes pas nouvelle : dans une communication publiée en février, la Commission européenne envisageait déjà de mettre en place « la perception d’une taxe de traitement non discriminatoire sur les articles de commerce électronique », « proportionnelle » à la valeur de l’article en question et qui viendrait « compenser » l’augmentation des dépenses liées aux contrôles douaniers.
Paris entend toutefois accélérer la cadence. Alors que cette mesure est examinée dans le cadre de la réforme douanière européenne, qui doit être mise en œuvre en 2028, la France plaide pour la mise en place de mesures transitoires, qui s’appliqueraient dès 2026.
Des discussions déjà engagées avec les Pays-Bas et l’Allemagne
Pour y parvenir, le gouvernement va tenter de convaincre au plus vite ses partenaires européens. « Nous gardons à l’esprit que nous faisons partie d’une union douanière, nous ne pouvons agir seuls, parce que si nous agissons seuls, les flux iront dans un autre pays », a ainsi expliqué le ministre de l’Économie, Éric Lombard.
Le gouvernement français a précisé que des discussions étaient déjà engagées avec les Pays-Bas ainsi qu’avec le nouveau gouvernement allemand.
La France tentera également de faire progresser l’idée de mesures transitoires à Bruxelles, auprès de la Commission européenne et au cours des prochaines réunions des ministres de l’Économie et des Finances.
Ces mesures transitoires, si elles voient le jour, ne devraient a priori pas contenir la principale disposition visant à contrer Shein, Temu et consorts : la suppression des règles dites de minimis, qui permet l’exemption de droits de douane pour les colis de valeur inférieure à 150 euros dans l’UE.
Chute des ventes du E-commerce chinois aux États-Unis
Cette règle représente pour l’heure une brèche particulièrement exploitée par les plateformes extra-européennes.
En 2024, près de 4,6 milliards de colis de moins de 150 euros ont été importés dans l’Union européenne, dont plus de 90 % provenaient de Chine, selon la Commission européenne. Pour la France, sur le milliard et demi de colis annuel près de la moitié serait concerné par l’exemption. La suppression de cette règle de minimis devrait toutefois attendre 2028 et la mise en place de la réforme douanière de l’UE pour être effective.
À moins que l’évolution de la situation aux États-Unis ne crée une redirection massive qui changerait la donne. La mise en place des droits de douane sur les petits colis a en effet déjà provoqué l’arrêt des ventes de Temu depuis la Chine vers les États-Unis quand ceux de Shein subissent des augmentations de prix vertigineuses. Jusque-là, 4 millions de colis par jour entraient sur le territoire américain.