Coface a annoncé début octobre sa décision de renforcer son soutien au financement et à la réalisation de projets ESG (Environnement, social, gouvernance) de long-terme en doublant ses capacités en solutions d’assurance « Single Risk », dédiées à ce type de projet. Antonio Marchitelli, directeur de Coface Global Specialities (caution, Single Risk et recouvrement), en a dit plus au Moci sur cette stratégie, en lien avec l’engagement RSE (responsabilité sociale des entreprises) du groupe.
Le « Single Risk », c’est le métier d’art de l’assurance-crédit : les tickets sont plus élevés pour des gros projets, l’assureur-crédit intervient sur une seule transaction, sur des durées plus longues (de 2 ans à 20 ans), et avec une exposition importante puisque son engagement est « non annulable ».
Les clients ? Des entreprises (maîtres d’ouvrage, développeurs…), des banques, ou des institutions multilatérales. Risques couverts : impayés, non transfert, rupture de contrat, risque politique… Les transactions couvertes concernent le plus souvent de grands projets d’infrastructures ou d’équipement, fréquemment dans des pays en transition ou en développement. Autrement dit du sur mesure, un « un métier d’expert » souligne Antonio Marchitelli.
Coface veut rester discrète sur les données financières clés de cette activité de spécialité, sur un marché ou elle est un des challenger face à des géants comme Axa ou les acteurs du Lloyd’s de Londres. Selon son service communication, en 35 ans d’existence, Coface Single Risk (dont l’ancêtre s’appelait Unistrat), qui dispose d’une équipe d’une trentaine de personnes (Paris, Londres, Singapour, Mayence), a accompagné 500 projets dans plus de 100 de pays. Elle affichait environ 3 milliards d’euros d’exposition à fin 2021.
D’origine italienne mais parlant parfaitement le français, Antonio Marchitelli a pris les rênes de cette spécialité en 2022. Dans le cadre du nouveau plan stratégique de Coface, l’objectif qui lui a été assigné est « d’accélérer la croissance et repositionner ces lignes de métier », précise-t-il au Moci. Pour le « Single Risk », ce sera donc d’augmenter la voilure sur le marché porteur des projets répondant aux critères ESG.
« A présent, nous voulons être market player,
leader ou co-leader sur les dossiers »
Concrètement, Coface va ainsi doubler l’enveloppe de capacités dédiée à l’accompagnement de ce type de projets dans le monde d’ici 2025 par rapport à son montant 2022.
Antonio Marchitelli reste discret sur le montant. Mais l’évolution est significative puisqu’elle permet à l’assureur-crédit de changer d’ambition sur ce marché de niche, passer d’acteur suiveur à acteur leader : « historiquement nous étions sur de petits tickets, le plus souvent en tant que co-assureur, explique le directeur de Coface Global Specialities. A présent, nous voulons être market player, leader ou co-leader sur les dossiers ».
En pratique, les « tickets » vont pouvoir passer de quelques millions à plusieurs dizaines de millions d’euros, et sur « des durées plus longues ». Secteurs cibles, en matière de critères ESG : projets d’énergies renouvelables (type parc éoliens), de dépollution, d’eau-assainissement, d’infrastructures de santé.
L’assureur-crédit français veut ainsi se montrer ambitieux sur le sujet RSE : « cet objectif de doubler notre enveloppe consacrée aux solutions d’assurance Single Risk pour soutenir des projets ESG reflète notre choix d’intégrer la RSE dans nos opérations au quotidien avec des objectifs concrets et précis », avait indiqué Carole Lytton, secrétaire générale du groupe, dans le communiqué publié début octobre.
Si Coface s’est d’ores et déjà retiré du marché du charbon thermique, tant en caution qu’en « Single Risk », le secteur des hydrocarbures ne sera pas complètement délaissé, en particulier les projets autour du gaz en Europe. Mais l’approche sera sélective : certains domaines comme l’exploration/production seront écartés au profit de projets plus en aval, par exemple dans le transport du gaz, s’inscrivant dans le cadre de stratégies de souveraineté énergétique.
D’après Antonio Marchitelli, après la période Covid atypique de 2020-2021, la demande de couvertures « Single Risk » pour des projets énergétiques « ESG » est redevenue dynamique sur l’Asie (Taiwan, Inde…), l’Amérique latine, moins sur l’Afrique, où les projets sont davantage dans le secteur social (santé). Les entreprises françaises sont demandeuses, notamment les géants des secteurs concernés mais aussi les startup.
Christine Gilguy