Après 4 ans de négociations, l’Union européenne (UE) et la Nouvelle-Zélande sont arrivés le 30 juin à un accord pour la signature d’un traité de libre-échange. Si quelques étapes institutionnelles restent à franchir avant son entrée en vigueur, il est temps pour les exportateurs de s’y pencher. Revue de détail.
Cet accord d’abord commercial doit permettre, selon Bruxelles, de réduire d’environ 140 millions d’euros par an les droits de douane pour les entreprises de l’UE dès la première année d’application, les échanges de biens entre les deux blocs représentant 7,8 milliards (Md) EUR en 2021.
Le commerce bilatéral devrait augmenter de 30 %, avec des exportations annuelles de l’UE pouvant atteindre 4,5 milliards d’euros. Les investissements de l’UE en Nouvelle-Zélande ont, pour leur part, un potentiel de croissance allant jusqu’à 80 %.
« Cet accord ouvre d’importantes perspectives pour les entreprises, les agriculteurs et les consommateurs des deux parties. Il peut contribuer à accroître de 30 % les échanges entre l’UE et la Nouvelle-Zélande. Il comprend des engagements sociaux et climatiques sans précédent », confirme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, cité dans le communiqué, en présence de la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern.
De nouvelles possibilités pour les entreprises
Concrètement, que contient cet accord ?
Les principales mesures ouvrant le marché aux entreprises européennes sont les suivantes :
-l’élimination de tous les droits de douane sur les exportations de l’UE vers la Nouvelle-Zélande;
-l’ouverture du marché néo-zélandais des services dans les secteurs clés tels que les services financiers, les télécommunications, le transport maritime et les services de livraison;
-le traitement non discriminatoire garanti aux investisseurs de l’UE en Nouvelle-Zélande et inversement;
-l’amélioration de l’accès aux entreprises de l’UE aux marchés publics néo-zélandais portant sur des biens, des services, des travaux et des concessions de travaux. Les marchés publics néo-zélandais représentent environ 60 Md EUR par an;
-la facilitation des flux de données, des règles prévisibles et transparentes pour le commerce numérique et un environnement en ligne sécurisé pour les consommateurs;
-la prévention des exigences injustifiées en matière de localisation des données et le maintien des normes élevées en matière de protection des données à caractère personnel;
-des facilitations à l’export pour les PME grâce à un chapitre qui leur est consacré;
-une réduction sensible des exigences et des procédures en matière de conformité afin de permettre une circulation plus rapide des marchandises;
-des engagements importants de la Nouvelle-Zélande en matière de protection et de respect des droits de propriété intellectuelle, alignés sur les normes de l’UE.
Le secteur sensible de l’agroalimentaire
De nombreuses mesures concernent l’agroalimentaire. Le but est toujours de stimuler les exportations de l’UE tout en protégeant ses secteurs sensibles, selon des sources proches de la Commission.
Il prévoit ainsi la reconnaissance d’un certain nombre d’appelations géographique protégées. L’accord comprend ainsi une liste de près de 2 000 appellations de vins et spiritueux, tels que le Prosecco, la Polska Wodka, le Champagne et le Tokaji. On parle également de 163 produits traditionnels dont les fromages Asiago, Feta, Comté ou encore le jambon Istarski prsut.
Plusieurs produits laitiers, viande bovine et ovine, éthanol et maïs doux seront par ailleurs soumis à des règles spécifiques, avec des importations à des taux de droit zéro ou réduits en provenance de Nouvelle-Zélande pour des quantités limitées au moyen de contingents tarifaires. Toujours de source européenne, ces contingents s’ajoutent à ceux existant déjà et validés par l’OMC (Organisation mondiale du commerce).
Ainsi, l’UE va augmenter de 10 000 tonnes son quota d’importation de bœuf néo-zélandais (carcasse et os), soit environ 7 000 tonnes de viandes consommables et 0,15 % de la consommation européenne. S’agissant de la viande ovine, il est question de 38 000 tonnes supplémentaires (sur les 126 000 tonnes déjà mises en place), soit 6 % de la consommation européenne.
Pour le beurre, 15 000 tonnes supplémentaires seront accordées, soit 0,7 % de la consommation européenne. Quant à l’éthanol, il s’agit de 4 000 tonnes en plus, soit 0,01 % de la consommation européenne.
Inquiétudes et critiques des éleveurs français
Ces augmentations des quotas n’ont pas manqué de susciter des réactions immédiates des producteurs français.
« C’est de la concurrence déloyale, s’emporte Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine, interrogé par nos confrères du Monde. Et d’ajouter : « si le gigot originaire de Nouvelle-Zélande est trois fois moins cher que celui de France, c’est, entre autres, parce qu’on n’a pas les mêmes normes environnementales et sociales. »
Les éleveurs s’insurgent aussi de l’utilisation de pesticides dans les prairies d’élevage alors qu’ils sont interdits en Europe. Un argument balayé par la source européenne. « Les éleveurs néo-zélandais devront respecter les mêmes normes que ce soit dans l’utilisation des antibiotiques, le bien-être animal, l’abatage et aussi le transport », détaille cette dernière, interrogé par le Moci.
Des aspects géopolitiques
Alors que les tensions diplomatiques se font de plus en plus sentir en Asie-Pacifique avec la Chine (qui représente 30 % de ses exportations), la Nouvelle-Zélande pour sa part s’est trouvé un nouveau partenaire commercial.
L’UE, de son côté, veut renforcer sa présence dans la région Asie-Pacifique, haut lieu du commerce international. Fin mai, le président américain Jo Biden a annoncé la création d’un nouveau Partenariat économique avec douze pays de cette zone (dont la Nouvelle-Zélande, le Japon, l’Australie), tout en excluant la Chine.
Les prochaines étapes
Quelles seront les prochaines étapes ?
Si l’accord politique entre l’UE et la Nouvelle-Zélande est acquis, les projets de textes négociés n’ont pas encore été publiés. On trouve sur le site de la Commission européenne ces textes, qui doivent encore faire l’objet d’une révision juridique, et seront ensuite traduits dans toutes les langues officielles de l’UE.
La Commission européenne devra ensuite soumettre l’accord au Conseil pour signature et conclusion. Une fois l’accord adopté, les deux parties pourront le signer. Après signature, le texte sera transmis au Parlement européen pour approbation. Après cette étape, et une fois que la Nouvelle-Zélande l’aura ratifié, l’accord pourra entrer en vigueur.
Claire Pham