L’industrie chimique européenne est au plus mal, selon une étude de la Coface parue en juin 2025 qui dégrade ainsi son appréciation du secteur de « risqué » à « très risqué ». La situation est jugée particulièrement sombre en France, en Allemagne, aux Pays-Bas ainsi qu’au Royaume-Uni. Revue de détail dans cet article proposé par notre partenaire La newsletter BLOCS.
Ce domaine qui englobe la chimie de base, les spécialités et les fertilisants, et qui supporte des industries clés comme l’automobile ou la construction, souffre depuis plusieurs années d’un manque de compétitivité, auquel n’arrange rien les guerres commerciales et autres tensions géopolitiques. Entre 2008 et 2023 la part de marché mondial de la chimie européenne a ainsi chuté de 28 à 13 %.
Multiplication des dépôts de bilan
Autre indicateur alarmant, cette industrie qui emploie en Europe plus d’un million de personnes, a vu les défaillances d’entreprises augmenter en France de 47,9 % au premier trimestre 2025 sur un an, selon de récents chiffres publiés par le cabinet Ellisphere.
Dans l’Hexagone, un cas emblématique est celui du chimiste Vencorex, placé en redressement judiciaire en mai dernier, et de son client, Arkema, qui a lancé un plan social face à la pression financière et réglementaire.
Ailleurs en Europe, le groupe pétrochimique britannique Ineos a annoncé la fermeture de son site de Gladbeck en Allemagne, l’un des plus grands producteurs mondiaux de phénol. On peut aussi relever, parmi d’autres exemples, la décision, en mars dernier, du pétrochimiste texan LyondellBasell et du chimiste de spécialité allemand Covestro de fermer définitivement leur unité de production à Maasvlakte, aux Pays-Bas. Les deux groupes ont évoqué les surcapacités mondiales, avec une forte augmentation des importations en provenance d’Asie, et des coûts de production trop élevés en Europe.
Coût de l’énergie et concurrence mondiale
Le prix de l’énergie, qui représente jusqu’à 50 % des coûts fixes de ces industries, reste le principal handicap sur le Vieux continent : en Europe, le gaz est environ trois fois plus cher qu’aux États‑Unis.
Si, dans une rare éclaircie, l’indice de confiance du secteur chimique est remonté en Allemagne à +9,5 points en juin – soit son meilleur niveau depuis trois ans et demi – c’est grâce à une bonne nouvelle sur le front de l’énergie : la réduction programmée des taxes sur l’électricité pour les industries énergivores.
La concurrence mondiale accentue encore la pression, avec la surproduction venue notamment de Chine, dont les industriels européens dénoncent les pratiques anticoncurrentielles, via des ventes à perte. Une série d’enquête antidumping ont été lancées par la Commission européenne, comme sur l’acide glyoxylique. Dans le cas du dioxyde de titane, l’exécutif de l’UE a déjà sévi avec des droits de douanes correctifs en début d’année
Il faut ajouter à cette conjonction de facteurs défavorables des charges administratives jugées excessives par le secteur, d’autant plus depuis la mise en œuvre de certaines législations du « Green Deal », comme la réglementation dite « REACH » visant à restreindre les PFAS.
Résultat : « les usines européennes produisent aujourd’hui à hauteur de 75% de leurs capacités, en deçà du seuil de 80 % qui leur permettrait d’assurer leur rentabilité » précise Ruben Nizard responsable de l’analyse des risques politiques chez Coface.
Un plan d’action préparé par Bruxelles
La Commission de Bruxelles finalise ses projets pour tenter de venir au secours de la chimie européenne. « L’industrie des industries », comme la qualifie Ruben Nizard, fera l’objet d’un plan d’action qui devrait être dévoilé la semaine prochaine par l’exécutif de l’UE.
Ce programme visera notamment à favoriser la réduction des coûts de l’énergie, et l’accès aux financements, mais aussi à diversifier les chaînes d’approvisionnement et à répondre au déficit de compétences. Une législation dite « omnibus » vouée à réduire la charge administrative spécifiquement sur ces entreprises sera également présentée en parallèle.