📌L’essentiel. Valbiotis, spécialiste des compléments alimentaires, revient de loin. Lâchée par son unique client, un mastodonte de l’agroalimentaire, la PME de Charente-Maritime a dû reprendre en main son destin et réécrire de A à Z sa stratégie. Son essor ne passera plus désormais par des contrats de licences mais pas la commercialisation de ses produits sous sa marque propre, en France et à l’international. Le potentiel est important, la feuille de route est écrite, les territoires prioritaires définis. La PME vise les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires d’ici 2030, dont un tiers à l’export.
[Mis à jour le 23/05 à 14h00- Précision sur le parcours de Raphaël Berdegay]
🔑Les clés de la réussite :
– Ne pas hésiter à changer de modèle du jour au lendemain face à un coup dur lorsqu’on est convaincu du potentiel du produit
– Structurer la nouvelle stratégie, fixer les objectifs et identifier les cibles prioritaires
-Aller chercher les compétences manquantes pour la mettre en œuvre
Temps de lecture : 4 mn
L’Histoire
Lâchée par Nestlé après trois ans de relation contractuelle
Valbiotis n’est pas une jeune entreprise, elle affiche plus d’une décennie d’existence. Et pourtant, en quelques mois elle a dû réécrire sa stratégie et se réorganiser complètement.
Spécialisée dans le développement et la fabrication de compléments alimentaires destinés notamment à traiter les stades précurseurs des maladies métaboliques et cardiaques, elle s’était construite, depuis sa création, sur une position de biotech R&D, avec un mode de commercialisation unique : l’approvisionnement sous licence de grandes sociétés pharma.
Un premier accord avait ainsi été signé en 2020 avec Nestlé Health Science pour commercialiser aux États-Unis le « Totum 63 », un complément alimentaire visant à traiter le prédiabète et diabète précoce de type 2. Sauf qu’en 2024, pour des raisons stratégiques propres, la filiale du groupe suisse a mis fin à ce contrat, le seul (mais important) qu’avait validé Valbiotis jusqu’alors.
Décision a alors immédiatement été prise d’opérer un virage à 180 degrés. Plus question désormais de dépendre des grands faiseurs du secteur, Valbiotis commercialise à présent deux gammes de compléments alimentaires sous sa marque propre. Avec un objectif clair pour l’entreprise cotée en Bourse : atteindre les 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2030.
Il faut bien reconnaître que la cible paraît bien ambitieuse pour cette PME de 45 salariés qui a réalisé l’année dernière seulement 175 000 euros de chiffre d’affaires après avoir connu un pic à 4,7 millions d’euros en 2023, grâce à l’accord avec Nestlé. Sauf qu’elle s’est entourée d’expertise pour ce faire tout en remettant à plat son modèle.
Un patron du Business development expérimenté
Pour atteindre cet objectif, Valbiotis s’est en effet complètement réinventée, en quelques mois. Tout a été rebâti autour de cette nouvelle ambition avec notamment une réorganisation et une structuration des services marketing, communication, business développement, export, etc.

Concernant ce dernier point, elle est allée chercher Raphaël Berdegay, comme nouveau patron du Business development. Un profil expérimenté : Raphaël Berdegay a ainsi passé 18 ans chez United Pharmaceuticals, qui a vu son chiffre d’affaires multiplié par 100 pendant la période, puis deux ans et demi au sein de la filiale Health Nutrition du groupe Lactalis où il a également contribué à faire progresser le chiffre d’affaires export.
Sa mission chez Valbiotis : construire une stratégie solide afin que, d’ici 2030, les ventes à l’international représentent au moins 30 % du chiffre d’affaires total. « Au niveau stratégique, tout a été repensé en 2024, nous repartons d’une feuille blanche pour l’export, raconte le nouveau directeur du Business development. En revanche, nous nous appuyons sur des fondamentaux solides, en particulier des produits disruptifs avec une efficacité prouvée par des études cliniques (ce qui n’est pas habituel pour des compléments alimentaires) ».
Autre atout majeur, déjà dans sa manche : la validation obtenue précédemment de la FDA (Food and Drug Administration) pour l’un des ingrédients majeurs de ses produits. Incontournable pour le marché américain.
Un ciblage méthodique des marchés prioritaires
Le nouveau directeur du Business développement a identifié trois zones géographiques prioritaires : l’Europe de l’Ouest, l’Asie du Nord (Chine, Corée du Sud et Japon, notamment) et l’Amérique du Nord.
« Ces territoires disposent du potentiel nécessaire pour que nous puissions nous y implanter. Ce sont en effet des marchés disposant d’un pouvoir d’achat suffisant d’une part et, d’autre part, au sein desquels les populations sont vieillissantes, donc avec une incidence importante des pathologies auxquelles nos compléments peuvent répondre » confie le dirigeant.
Raphaël Berdegay précise néanmoins que d’autres territoires pourraient être explorés en fonction « d’opportunités qui pourraient se présenter ».
Pour ces territoires, Valbiotis a défini les approches qu’elle souhaite mettre en œuvre. Elle va s’appuyer prioritairement sur des laboratoires pharmaceutiques locaux en recherche de diversification. Il s’agira d’accords laissant l’exclusivité au distributeur sur un territoire défini. « Dans notre prospection, nous ciblons des sociétés de taille suffisamment importante, structurées pour avoir notamment des spécialistes des sujets réglementaires, précise le directeur du Business Development. C’est absolument essentiel pour sécuriser notre déploiement ».
Ces partenaires seront chargés d’enregistrer les produits Valbiotis auprès des agences locales de santé, de les stocker, et d’assurer la distribution. Ils devront aussi en assurer la promotion, en particulier auprès des médecins. « Nous ciblons des partenaires avec des produits entrant dans le même champ que le nôtre. Leurs visiteurs médicaux pourront ainsi proposer une gamme plus large aux médecins » complète Raphaël Berdegay.
Rester flexible pour garder la capacité de saisir les opportunités
Si cette approche est actuellement celle visée en priorité, la PME (dont le siège est en Charente-Maritime) ne ferme néanmoins pas la porte à des voies alternatives.

« Si le projet et l’envergure sont suffisantes, nous pourrions établir des partenariats avec des big players du complément alimentaire qui souhaiteraient enrichir leurs gammes avec nos produits innovants, souligne le dirigeant. Il faut savoir que nous proposons aujourd’hui la seule alternative à la levure de riz rouge (pour lutter contre le cholestérol NDLR), substance controversée. Cela signifie qu’ils pourraient commercialiser nos produits sous leur propre marque, sur un territoire défini. Il faudra toutefois que les volumes soient significatifs ».
Autre voie alternative de commercialisation envisagée : les plateformes de e-commerce. En particulier pour le marché chinois, pour lequel les portes d’accès sont difficiles à déverrouiller.
« L’enregistrement peut prendre jusqu’à 8 ans. En revanche, il existe une solution pour s’implanter beaucoup plus rapidement : le cross-border e-commerce via des entrepôts sous douane. Les produits sont expédiés directement aux consommateurs chinois depuis ces entrepôts, par les plateformes e-commerce, notamment Tmall. Les Chinois apprécient beaucoup ce type de solutions, cela leur permet d’accéder à des produits originaux, vendus sous emballage d’origine. Cela fonctionne très bien pour les produits cosmétiques, les produits de santé, les compléments alimentaires en particulier », développe Raphaël Berdegay.
Pour l’heure, Valbiotis n’a encore concrétisé aucun accord mais est en discussion avec des partenaires potentiels sur chacune des zones géographiques prioritaires citées. Pour avancer, la PME française commence à participer à des salons à l’international, et des événements internationaux tels que les congrès scientifiques.
La PME charentaise n’y va pas seule. « Nous nous faisons accompagner principalement par Business France, voire les CCI internationales et les Conseillers du commerce extérieur, souligne Raphaël Berdegay. Ponctuellement, nous avons recours à des prestataires ayant une forte expertise sur une zone géographique donnée. Il est essentiel de savoir bien être accompagné à l’export, en particulier pour les aspects réglementaires et juridiques ».
📖✨🧠Les leçons :
- La dépendance vis-à-vis d’un seul grand client est risquée car c’est lui qui fixe les règles du jeu
- L’ambition est un moteur, mais quand l’histoire dérape, il faut savoir réécrire le scénario
- Être flexible permet de saisir les opportunités hors scénario
Stéphanie Gallo