Un système d’exportations frauduleuses à destination de la Russie a été démantelé au cours d’une opération menée les 23 et 24 mai par 25 agents de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Son chef d’orchestre était un professionnel français du dédouanement basé en Seine-Saint-Denis, dans le Nord de la région parisienne.
(Mis à jour le 5 juin 2024, 14H20)

Il a fallu dix mois d’enquête avant que les agents de la DNERD puissent mener, 23 et 24 mai 2024, cette opération de grande envergure visant une entreprise basée en Seine-Saint-Denis, et spécialisée dans les exportations illégales de marchandises vers la Russie. Le nom de cette société, qui avait obtenu en toute légalité le statut de Représentant en douane enregistré (RDE) auprès de la Douane française, n’a pas été révélé et Le Moci est en attente de compléments d’information demandés à Bercy. En revanche, son agrément lui a été immédiatement retiré, précise un communiqué du ministère de l’Economie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, qui salut cette opération le 27 mai.
Qu’est-ce que les douaniers ont trouvé dans les locaux du fraudeur ?
Pour l’année 2023, des fausses déclarations douanières par centaines, qui ont « permis de couvrir l’acheminement vers la Russie de marchandises dont la valeur, en cours d’estimation, dépassera plusieurs dizaines de millions d’euros ». Quant aux marchandises concernées, peu de précisions sont apportées par le communiqué et nous sommes en attente, à l’heure où nous mettons en ligne cet article, de compléments d’information demandés à Bercy. Selon des articles de presse, l’éventail va des produits de luxe à des pièces automobiles et passant par des produits électroniques.
Sur des photos de la Douane transmises à la presse, on distingue des cartons au nom d’Hachette Livres et ACR, un transporteur de fret routier (Ndlr : confondu par erreur avec un fournisseur de pièces automobile dans une précédente version de cet article), mais pas sûr qu’ils soient concernés. Surtout, ce n’est qu’une toute petite partie émergée d’un Iceberg aux dimensions européennes, l’essentiel des marchandises concernées n’ayant même pas transité par le territoire français. « Ce sont probablement des dizaines d’exportateurs européens peu scrupuleux, qui ont continué leur commerce avec la Russie, en utilisant les services de ce spécialiste du dédouanement basé en France, affirme ainsi le communiqué de Bercy. La marchandise en revanche n’a probablement jamais transité par le territoire national ».
Comment a fonctionné ce système bien rodé de détournement des sanctions européennes appliquées à la Russie ?
D’abord il apparaît, « au regard des premiers éléments recueillis », que les individus mis en cause ont utilisé le « darkweb » pour promouvoir leur système de contournement des sanctions, en d’autres termes des sites Internet cachés, accessibles que via des navigateurs d’initiés, où prolifèrent toutes sortes de trafiquants.
Les premiers pas de l’enquête remontent à août 2023, lorsque plusieurs partenaires européens de la France ont signalé des déclarations émises depuis la France pour le compte d’exportateurs susceptibles de contourner les mesures d’embargo, précise Bercy. « L’analyse menée par la douane française a mis en évidence des anomalies statistiques, notamment une croissance exponentielle des exportations de la société mise en cause vers des pays tiers limitrophes de la Russie ».
Le schéma de fraude utilisé était le suivant : les marchandises étaient dédouanées en France, alors même que physiquement, elles n’étaient jamais ou rarement sur le territoire national, et que les marchandises quittaient l’Union européenne par divers États membres de manière à éviter d’attirer l’attention. « Le déclarant masquait la destination finale en produisant de faux documents » complète Bercy.
Dans un commentaire, Bruno Le Maire, le patron de Bercy, commente : « Cette opération de la DNRED souligne la mobilisation de l’Etat et des services de Bercy pour assurer l’effectivité des sanctions contre la Russie. Les documents saisis aujourd’hui et les futures auditions permettront d’identifier d’autres acteurs et bénéficiaires de ce trafic de marchandises sous embargo. La lutte contre le contournement des sanctions est prioritaire. Elle est essentielle au soutien à l’Ukraine. »
D’autres sociétés seraient dans le collimateur des services douaniers européens. Le contournement des sanctions occidentales contre la Russie est devenu un véritable sport international, minant leur efficacité comme outil de pression sur Moscou. D’où un durcissement de Bruxelles. Ainsi, l’Union européenne a adopté en février dernier un 13ème paquet de sanctions intégrant, pour la première fois, des sociétés de pays non membres de l’Union.
C.G