Qu’attendre de la treizième Conférence ministérielle de l’OMC (CM13), qui se tient du 26 au 29 février 2024 à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, sous la présidence de Thani bin Ahmed Al Zeyoudi, ministre d’État au Commerce extérieur des Émirats arabes unis ? Les promesses sont modestes, mais pas nulles, de l’avis de nombreux observateurs. Revue des sujets sur la table des 164 États membres.
Les chances que la CM13 accouche d’un nouveau traité ou accord d’envergure sont quasi-nulles alors que les États-Unis sont entrés dans une année électorale à hauts risques, avec la perspective d’un retour de Donald Trump – qui voulait sortir de l’OMC – au pouvoir, et la fragmentation du commerce mondiale liées aux tensions géopolitique et à la rivalité sino-américaine.
Pour assombrir le tableau, la reprise du commerce mondial post-Covid a été étouffée par le déclenchement successif de deux conflits, la guerre en Ukraine suite à la tentative d’invasion de la Russie, une des causes de la flambée de l’inflation à l’échelle mondiale, et plus récemment le conflit Israël-Hamas et ses multiples ondes de chocs au Moyen-Orient, à commencer par le blocage du corridor maritime Asie-Méditerranée passant par le détroit de Bab El-Mandeb et le canal de Suez.
L’un des dossiers sensibles sur lesquels se pencheront les ministres divise les membres dans une organisation qui fonctionne, comme à l’ONU, par consensus. Il s’agit des réformes de l’OMC elle-même et du traité du GATT, poussée notamment par les États-Unis et l’Union européenne (notamment réforme de l’accord sur les subventions, réforme de l’ORD-Organe de règlement des différents, etc.), et nul ne parie sur le fait que cette CM13 pourra permettre de dégager un compromis, sauf surprise. Ce qui devrait contribuer au passage à maintenir la paralysie de l’organe d’appel de l’ORD, instrument clé dans le règlement des litiges commerciaux entre États, qui perdure depuis bientôt quatre ans que les États-Unis bloquent le renouvellement des juges. On estime que deux tiers des conclusions des panels constitués pour examiner les litiges font en effet l’objet d’appel…
Nul n’attend non plus de nouvelles avancées sur la question de l’agriculture, sujet de friction récurrent entre les membres de l’OMC (notamment sur la question des soutiens publics et des restrictions aux exportations). Un vaste programme de travail est soumis à l’adoption des ministres (accès aux marchés ; mécanisme de sauvegarde spéciale ; restrictions à l’exportation ; concurrence à l’exportation ; subvention au coton ; réserves nationales de sécurité alimentaire…), pas sûr qu’il obtienne un consensus.
L’ambiance est donc morose, malgré les efforts réels déployés par les dirigeants de l’OMC, dont son énergique directrice générale Ngozi Okonjo Iweala. Des espoirs subsistent cependant pour certains sujets de l’ordre du jour.
Accord sur la pêche, moratoire sur le commerce électronique
C’est le cas du projet d’accord global sur la lutte contre les subventions à la pêche. Un accord avait déjà été conclu l’an dernier à Genève mais il ne couvrait qu’une partie de la problématique, notamment la lutte contre la pêche illégale. Cette fois-ci, l’objectif est de s’attaquer aux pratiques qui portent atteintes aux stocks de poissons, et notamment aux subventions de toutes nature qui encouragent la surpêche.
Autre sujet important sur la table, la reconduction, pour la troisième fois consécutive, du moratoire temporaire sur le commerce électronique, qui exempte de droits de douanes les transactions commerciales passant par ce canal. Ce moratoire avait été adopté en 2020, puis reconduit en 2022. A Abu Dhabi, les États membres devront à nouveau se prononcer, une décision très attendue tant le commerce électronique a pris de l’ampleur.
Enfin, des déclarations ministérielles doivent également être adoptées, notamment sur le commerce des plastiques.
C.G