La situation économique de l’ex-Empire du Milieu, où la reprise se fait toujours attendre, pèse sur celle du champion du commerce extérieur européen. Si l’Allemagne affiche une volonté de trouver des alternatives à sa trop grande dépendance au géant asiatique, il y a cependant loin de la coupe aux lèvres.
L’atelier du monde a du plomb dans l’aile. Avec une consommation en berne, les mises en faillite de promoteurs immobiliers et une chute spectaculaire de 14, 5 % de ses exportations en juillet, l’économie chinoise donne des sueurs froides à ses partenaires commerciaux. La part de marché des produits allemands ne cesse de se dégrader : elle est passée de 7,9 % en 2020, à 7,2 % en 2021 et 6,8 % en 2022. D’après l’agence Reuters, qui a eu accès aux données du premier semestre 2023 établies par Destatis, l’office national des statistiques, elle est désormais de 6.2 %.
En soi, ces statistiques pourraient être la marque de la volonté de Berlin de réduire sa dépendance à ce gigantesque marché dans le cadre d’une politique de derisking (découplage), comme annoncée par le gouvernement dans sa « stratégie vis-à-vis de la Chine », publiée le 13 juillet dernier. Mais le fait est que cette baisse des parts de marché est surtout liée à la baisse de la demande chinoise pour les produits allemands, ainsi que la montée en gamme de certaines industries locales.
Dans le secteur automobile par exemple, les consommateurs chinois se sont tournés vers les constructeurs locaux dont la production est nettement montée en gamme. Volkswagen a ainsi annoncé cet été avoir revu à la baisse ses prévisions de ventes en raison de la faiblesse de la demande chinoise.
La transition énergétique allemande ne pourra se faire sans la Chine
De quoi contribuer à plomber un commerce extérieur allemand déjà malmené par la crise énergétique de 2022 et le ralentissement mondial : à fin juin 2023, les exportations allemandes dans leur ensemble accusaient un recul de 2 % sur 12 mois. En revanche, l’Allemagne continue d’importer massivement ce dont son industrie a besoin. Selon les données de Destatis, en 2022, la Chine a fourni 11,8 % du total des biens importés outre-Rhin. Et la transition énergétique, actuellement en marche dans toute l’Europe, souligne la dépendance de ses économies aux usines chinoises, malgré les discours politiques sur la réindustrialisation.
Economiste chez ING, Carsten Brzeski, a ainsi déclaré à Bloomberg : « Il suffit de regarder les panneaux solaires qui sortent de Chine, le lithium, l’aluminium – toutes les matières premières qui sont nécessaires, par exemple, pour stocker l’énergie renouvelable, proviennent actuellement en grande partie de Chine. Il n’y aura pas de transition énergétique en Allemagne sans importations en provenance de Chine ».
Avec une industrie à la peine (la production industrielle a baissé de 1,5 % en juin) et une demande internationale toujours atone, l’économie allemande inquiète. Entrée en récession au premier trimestre de cette année, elle souffre également de sa dépendance passée au gaz russe et devrait enregistrer, sur l’ensemble de l’année 2023, une baisse de son PIB de l’ordre de – 0,3 % selon les prévisions du FMI et de – 0,5 % d’après celles de la Deutsche Bank.
Si les États-Unis et l’Europe ont fait du découplage avec l’ex-Empire du Milieu un des piliers de leurs politiques commerciales, la réalité est opiniâtre et trouver des alternatives à une production chinoise qui monte en gamme s’avère plus complexe que prévu. A cet égard, en visite en Chine du 29 au 31 juillet à l’occasion du dialogue économique et financier de haut niveau franco-chinois, Bruno le Maire a battu en brèche le derisking. « Nous sommes totalement opposés à l’idée de découplage. Le découplage est une illusion », a-t-il déclaré, estimant qu’« il est impossible de couper tout lien entre les économies américaine et européenne et celle de la Chine »
Sophie Creusillet