En seulement deux ans, la pâtisserie haut de gamme parisienne Yann Couvreur a ouvert des boutiques en Corée du Sud et aux Émirats arabes unis. Les États-Unis seront sa prochaine cible pour un investissement en fonds propre de 1,5 millions de dollars. Un développement international rapide pour une pâtisserie qui veut rester artisanale. Focus sur sa stratégie et ses recettes…
La pâtisserie Yann Couvreur (7 points de ventes à Paris) s’est lancé sur l’export avec la Corée du Sud et les Émirats arabes unis. Prochaine cible, les États-Unis avec l’ouverture à Miami d’un concept de restaurant-pâtisserie, où les gourmands peuvent venir profiter d’une offre complète quel que soit le moment de la journée. Le montant de l’investissement est conséquent : 1,5 millions de dollars, en fonds propre.
L’internationalisation était dans les projets des fondateurs dès ses débuts. L’entreprise a été fondée en 2015 par Benjamin Guedj, actuel président et Jordan Zeitoun, directeur général, autour de Yann Couvreur, le célèbre chef pâtissier mais aussi directeur général de l’entreprise. « Avant même d’ouvrir une boutique, nous avons voulu chercher notre outil de production, sorte de laboratoire baptisé le ‘terrier‘, pour pouvoir se développer en France et à l’international. Dès le début, nous voulions exporter le savoir-faire à la française », explique Benjamin Guedj.
Une croissance rapide
Un petit retour en arrière s’impose. L’enseigne ouvre sa première boutique en 2016, rue de Parmentier dans le 11e arrondissement. « C’était un pari risqué d’ouvrir une pâtisserie haut de gamme dans ce quartier, nous étions les premiers dans ce secteur », précise le président. Le succès est au rendez-vous et rapidement l’enseigne fait des petits. D’abord, une 2e boutique rue des rosiers en 2017, et un corner aux Galeries Lafayette l’année suivante. « La boutique, rue des rosiers dans le Marais, nous a donné une vision beaucoup plus internationale car c’est un quartier très touristique. Et d’autant plus aux Galeries car nous étions la seule enseigne qui n’était pas présente à l’international », ajoute ce dernier.

En 2019, l’entreprise réussit une levée de fonds de 1,9 million d’euros. L’objectif d’alors est alors d’opérer une transformation digitale 3.0. « Il faut s’adapter aux tendances en utilisant les nouveaux outils, comme les applications. Nous avons beaucoup observé les millennials, qui ont un mode de vie bien différents des générations passées », précise Yann Couvreur, cité dans le communiqué. L’enseigne avait initialement pour projet d’ouvrir un « dark labo », dans 22 villes de France, avec un principe d’une offre 100 % digitale, grâce au click&collect dans les ateliers et des mini laboratoires ouverts aux publics. L’ouverture d’une adresse à Londres dans le grand magasin Harrods était également dans les premiers projets.
Ces plans seront vite modifiés. Trois ans plus tard et une pandémie au milieu, l’accent est encore plus poussé à l’international. Exit les développements en France alors qu’en raison de la pandémie, Harrods a fermé très rapidement. « Nous n’avons pas encore de date concernant notre aventure londonienne mais c’est prévu. Cette expérience nous a permis de nous remettre en question et de travailler sur une bible architecturale, sur un manuel opérationnel, engager des ressources en interne pour pouvoir former nos franchisés selon nos codes », détaille Benjamin Guedj.
Rebondir en Asie

Mais cela ne sonne pas pour autant la fin de l’aventure internationale. La marque cible le continent asiatique et à la mi-octobre 2021, l’enseigne ouvre sa première boutique en Corée du Sud. Moins d’un an plus tard, on compte désormais neuf boutiques à Séoul. « Ce marché se fait en master franchise. Le chef coréen a été recruté par nos soins. Yann Couvreur y va trois fois par an. On travaille avec eux. On fait des échanges de pâtissiers ce qui est très enrichissant des deux côtés », se réjouit le président.
Même stratégie pour les Émirats arabes unis. A Dubaï, au Qatar et au Bahreïn, c’est de la master franchise car « c’est plus compliqué, on préfère simplement gérer la transmission ».
Une boutique concept à Miami
Prochain marché ? Les États-Unis, avec l’ouverture d’un nouveau concept à Miami, dans le quartier de Wynwood, plutôt jeune et populaire. Cette fois-ci, la pâtisserie Yann Couvreur y va en fonds propre pour un investissement de 1,5 millions de dollars, répartis entre les travaux, les machines, le recrutement et le marketing.
La boutique, d’une surface de 300 mètres carrés, aura une capacité de 50 places assises. Les clients pourront y consommer toute la journée des produits, allant du croissant au petit déjeuner, en passant par une offre salée de brunch pour le déjeuner, sans oublier les desserts à l’assiette, qui sont particulièrement appréciés par le chef.
« On n’attaque pas le marché américain comme on attaque le marché français. Rien n’est pareil. On a fait beaucoup de testing pour savoir quel est le ressenti sur nos produits », indique Benjamin Guedj. Et les différences sont nombreuses : « ces derniers aiment bcp le sucré. Nous, beaucoup moins. Les portions sont plus généreuses également. Le flan qui est un des produits phare en France, n’est pas pareil ici. C’est beaucoup plus coulant », détaille ce dernier.

C’est pourquoi, quasiment toutes les recettes sont réadaptées au marché ciblé. Yann Couvreur a cependant le souhait de faire découvrir le goût à la française. « Nous n’avons pas forcément plus sucré les produits mais adaptés les tailles, l’offre salée également. Le brunch ressemble à ce que faisait le chef lorsqu’il opérait aux commandes de l’hôtel 5 étoiles le Princes de Galles. Nous avons créé une vingtaine de nouveaux produits salés », complète-t-il.
S’adapter au marché ciblé
Six mois de recherche et développement ont été nécessaires. Un temps particulièrement long pour réadapter les recettes avec les matières premières locales. « Ce n’est pas difficile de trouver des bonnes matières. Ce qui est difficile est de trouver la bonne recette, en fonction de l’eau, de l’humidité etc, révèle le président. Ce qui est important pour nous est de ne vendre que des produits de saison. Par exemple, on ne vend jamais de fraises en hiver. Et c’est pareil à l’international. On colle aux saisons dans les pays auxquels nous sommes implantés ».

Le chef va même plus loin en créant des pâtisseries dédiées à chaque pays. Aux États-Unis, une tarte aux agrumes, la « key lime pie », dessert phare en Floride sera réinventée. Dans les Émirats arabes unis, l’alcool a été retiré et un dessert à la pistache, matière particulièrement appréciée, a été ajouté à la carte. En Corée du Sud, le citron a été remplacé par du yuzu. « Le chocolat et le beurre (seulement pour le marché au Moyen-Orient) voyagent, toutes les autres matières premières sont locales », se félicite Benjamin Guedj.
Une coentreprise avec un acteur arabo-israélien
Mais les États-Unis ne sont pas la seule cible de la PME. Une coentreprise a été créée avec la famille arabo-israélienne Abulafhia, déjà propriétaire de 8 pâtisseries, pour ouvrir une boutique à Tel Aviv, en Israël. Inauguration prévue en 2023. « On a aussi l’idée de conquérir le Japon avec la création d’une coentreprise et non pas en franchise. On attend de trouver le bon partenaire avec qui on se sentirait en confiance pour développer ce marché en propre », poursuit le président.
Côté chiffres, les revenus de l’export comprend les royalties des franchises, mais aussi les moules, les chocolats fabriqués dans le laboratoire français, dont les ventes explosent notamment au Japon distribués dans des chaines de magasins et grands distributeurs.
En 2021, le chiffre d’affaires (CA) des Émirats a été de 6 millions de dollars et de 10 millions de dollars en Corée du Sud. Pour les États-Unis, l’entreprise vise un CA de 5 millions de dollars dès la première année, en 2023. Interrogé sur le CA global de la société, le président préfère rester discret. Yann Couvreur pâtisserie compte aujourd’hui 130 salariés, dont 85 pâtissiers.
Claire Pham