Spécialiste des phéromones pour la protection des cultures, une méthode alternative aux pesticides, la PME multi-primée M2i Life Sciences s’est imposée depuis sa création, fin 2012, comme le leader européen du biocontrôle. Et envisage de conquérir le monde.
« Nous sommes un peu le monsieur Jourdain de l’international : nous avons fait de l’export sans le savoir tant cela nous semblait évident », plaisante Johann Fournil, responsable de la Communication et des partenariats de M2i Life Sciences.
L’entreprise a reçu en novembre le prix de l’entreprise de l’année d’Ernst & Young dans la catégorie « born global » attribué à une startup ayant misé sur l’international pour accélérer sa croissance dès sa création. Une distinction qui vient s’ajouter aux 23 autres récompenses dont peut se targuer M2i (le prix LCL – Green Flex en 2021, pépite de l’année 2019 de L’Usine nouvelle, prix Pierre Potier de la chimie en faveur du développement durable…).
Cette PME industrielle de 185 personnes, qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires à l’international, s’est fait un nom avec des produits qui surfent sur la tendance actuelle d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement : les phéromones.
Utilisables partout dans le monde, à la place des insecticides
Découvertes au 19e siècle, ces substances sont naturellement secrétées et émises par quasi toutes les espèces de nuisibles qui menacent les cultures. Elles constituent des signaux olfactifs agissant comme des messagers contre les insectes ravageurs en les attirant, les perturbant ou les repoussant. Synthétisées en laboratoire par biomimétisme, « elles permettent d’économiser 16 000 tonnes de pesticides par an », avance Johann Fournil.
Alors qu’elles ne parviennent pas à s’imposer dans les années 1970 en raison de la difficulté à les mettre en place efficacement in situ Philippe Guerret, son frère Olivier et Bruno Gény les redécouvrent en 2012 lorsqu’ils créent leur groupe en rachetant trois entreprises : Solvay Organics France dans les Bouches-du-Rhône, une usine d’embouteillage de vins dans le Lot et Holis Technologies.
Le biocontrôle a le vent en poupe
En rachetant ce laboratoire des Pyrénées Atlantiques en 2012, M2i récupère dans le panier de la mariée la formule de la phéromone du charançon de la banane. Les trois dirigeants veulent miser sur les green techs pour convertir un savoir-faire industriel traditionnel en activité à forte valeur ajoutée localisée en France.
Aujourd’hui, la startup, qui dispose de 26 familles de brevets et commercialisent 70 produits, exporte partout dans le monde : Amérique latine et centrale, Union européenne, Afrique du Nord, Afrique subsaharienne et Asie.
Avantage du biocontrôle, qui regroupe les méthodes de protection des végétaux par des mécanismes naturels, les cultures ayant les mêmes ravageurs d’un continent à l’autre, il est duplicable partout dans le monde. Mais ce n’est pas la seule raison qui fait de M2i, une société born global.
« En Europe, où les exigences réglementaires sont les plus fortes au monde, le time to market est très long et il peut se passer des années entre la mise au point d’une formule et son utilisation dans les champs, explique Johann Fournil. Pendant ce temps, une phéromone peut être homologuée dans des pays où les traitements des dossiers sont plus rapides, comme par exemple dans de nombreux pays africains qui ont la capacité de passer d’une agriculture traditionnelle non mécanisée à une agriculture bio et raisonnée sans passer par des méthodes intensives. »
Cap sur les États-Unis
La startup, qui a son siège en banlieue parisienne, dispose de trois filiales de distribution (Afrique du Sud, Chili et Argentine) et compte aussi bien sur des réseaux de distributions locaux que sur d’importants distributeurs.
En mai 2020, elle a signé avec l’américain Corteva, géant issu de la fusion entre Dow et Du Pont, un accord de collaboration pour la recherche, le développement et la commercialisation de phéromones. Un premier pas vers une possible implantation sur le marché américain ? « C’est en effet à l’étude », élude Johann Fournil.
« Née globale », la startup a toujours faim d’international. En 2019, elle a levé 60 millions d’euros auprès de cinq investisseurs de référence (Eurazeo Growth, ADM Capital, Téthys Invest, Creadev et France 2i) pour élargir son portefeuille de produits homologués dans le monde.
Sophie Creusillet
