Le gouvernement australien a annoncé sa volonté de se retirer du « contrat du siècle » signé il y a cinq ans avec Naval Group pour l’achat de 12 sous-marins. Canberra a par ailleurs conclu une alliance dans le domaine de la défense avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni.
C’est une défaite cuisante pour l’industriel français. L’Australie vient de rompre le méga-accord signé en 2016 pour un programme visant la fourniture de 12 sous-marins conventionnels, à propulsion diesel-électrique sur la base du modèle Barracuda de la marine française. Montant estimé pour Naval Group : 50 milliards de dollars australiens (31 milliards d’euros).
« C’est une décision contraire à la lettre et à l’esprit de la coopération qui prévalait entre la France et l’Australie, fondée sur une relation de confiance politique comme sur le développement d’une base industrielle et technologique de défense de très haut niveau en Australie », ont déclaré Jean-Yves le Drian (Affaires étrangères) et Florence Parly (Armées) dans un communiqué commun.
L’Australie se tourne vers les Etats-Unis et le Royaume-Uni
C’est finalement avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni que l’Australie fera affaire. Mercredi 15 septembre, Joe Biden a annoncé lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche la création d’AUKUS, une alliance dans le domaine de la défense entre ses trois pays.
« Nous avons l’intention de construire ces sous-marins à Adélaïde en étroite collaboration avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis », a précisé sur Twitter le Premier ministre australien Scott Morrison. Il a par ailleurs indiqué que l’Australie allait acquérir des missiles de croisière américains Tomahawk.
Il s’agit d’une rupture stratégique pour l’état-continent qui va se doter de sous-marins propulsés à l’énergie nucléaire. En principe les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) ne s’exportent pas. « Seule la Russie en avait loué à l’Inde, rappelle l’Opinion. Le Canada avait cherché à en acquérir auprès de la France dans les années 90 et le Brésil entend développer sa propre filière pour équiper des sous-marins français de type Scorpène. »
Si la dénonciation de ce contrat est une mauvaise nouvelle pour Naval Group, elle l’est également sur le plan politique. Bien qu’absente des différentes déclarations et communiqués évoquant ce camouflet, la Chine apparaît en filigrane dans cette affaire. Également dans la ligne de mire des Etats-Unis, l’empire du milieu entretien une guerre commerciale avec l’Australie à grands coups de tarifs douaniers.
L’origine de la discorde entre ces deux géants de la région indo-pacifique : la demande australienne d’une enquête approfondie sur les origines de la Covid-19 en Chine. Pékin avait rétorqué par la mise en place de tarifs douaniers élevés sur des produits comme le vin, le charbon ou l’orge.
Ce retournement de situation est également une déconvenue pour les PME françaises sous-traitantes de Naval Group. En octobre 2019, alors que la coopération industrielle promise par la France commençait à se diffuser dans le tissu industriel australien, les entreprises tricolores formaient la première délégation étrangère présente sur le salon Pacific de Sydney avec une cinquantaine d’entreprises dont 26 emmenées par le Gican GICAN (Groupement des industries de construction et activités navales), organisateur du pavillon France avec Business France.
Aujourd’hui, ce sont les espoirs des ces PME et ETI ultra spécialisées qui sont également douchés.
Sophie Creusillet