Le 30 juin dernier Bruxelles et Londres s’accordaient sur une trêve dans un différend baptisé de « guerre de la saucisse » par les tabloïds anglais. Un « sursis » seulement a souligné Boris Johnson, une semaine plus tard. Pour le Premier ministre britannique, les « anomalies » du protocole nord-irlandais, partie intégrante de l’accord de divorce entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni, risquent de prolonger le conflit en Irlande du Nord. Et d’empoisonner encore des relations post-Brexit déjà tendues. Retour sur les enjeux de ce différend.
Les problèmes sous-jacents du protocole nord-irlandais « sont loin d’être réglés », malgré la « période de grâce », accordée par Bruxelles, a admis Boris Johnson, le Premier ministre britannique, devant les députés, le 7 juillet dernier. Une déclaration peu du goût de la Commission européenne alors qu’elle avait, une semaine auparavant, accepté certaines concessions dans l’application de l’accord post-Brexit, espérant mettre un terme à la « guerre de la saucisse », nouveau dossier de discorde entre les deux blocs.
Un nouveau moratoire de trois mois sur le protocole nord-irlandais
Le 30 juin dernier, l’UE autorisait en effet un nouveau délai dans la mise en place des contrôles douaniers imposés à certains produits alimentaires comme la viande transformée, échangés entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord.
Censé expirer le 1er juillet, ce moratoire a été prolongé de trois mois, autorisant ainsi la Grande-Bretagne à expédier jusqu’à fin septembre de la viande réfrigérée – comme les fameuses saucisses anglaises – vers la province britannique d’Irlande du nord.
Les importations de viande émincée ou préparée, en provenance des pays tiers, étant soumises à des contrôles stricts avant d’entrer sur le territoire de l’UE, Londres était donc tenue de les mettre en œuvre, en mer d’Irlande, à partir du 30 juin, pour les marchandises transitant entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord.
Estimant n’avoir pas eu assez de temps pour finaliser le système et pointant les risques de pénurie dans la province britannique, Boris Johnson a finalement obtenu gain de cause. Un « accord temporaire », et assorti de « fortes conditions », pour le vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, qui a ajouté, en guise d’avertissement : « Nous ne donnons pas un chèque en blanc ».
De l’autre côté de la Manche, David Frost, le secrétaire d’Etat chargé du Brexit, saluait quant à lui un « premier pas positif » mais soulignait que les deux blocs devaient encore se mettre d’accord « sur une solution permanente ».
Londres rappelée à ses engagements signés
Autant de signes venant confirmer la fragilité de la trêve conclue entre Londres et Bruxelles. Pour rappel, l’accord de divorce, négocié au forceps, maintient la province d’Irlande du nord dans le marché unique et l’union douanière européens pour les marchandises.
L’objectif de ce protocole est d’éviter que les contrôles aient lieu entre la province et la République d’Irlande et ainsi de prévenir le rétablissement d’une frontière dure entre les deux territoires qui pourrait compromettre la paix en Irlande du Nord, après trois décennies de violences.
Et bien qu’il ait apposé sa signature au dit protocole, Boris Johnson n’a cessé depuis de critiquer l’arrangement scellé, allant jusqu’à prolonger, unilatéralement, en début d’année, un certain nombre d’autres délais de grâce destinés à introduire de façon progressive les contrôles à la frontière entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord.
Bruxelles avait alors riposté en engageant une procédure judiciaire contre le Royaume-Uni. « Ne me dis pas que tu ne savais pas ce pour quoi tu signais », lui aurait rétorqué Emmanuel Macron lors d’un entretien bilatéral organisé en marge du dernier G7.
Menaçant de ne pas respecter certaines dispositions du compromis, en recourant à l’article 16 qui l’autorise à passer outre en cas de « graves difficultés économiques, sociétales ou environnementales », le Premier ministre britannique s’était aussi attiré les foudres d’Ursula von der Leyen et de Charles Michel, les dirigeants de la Commission et du Conseil européens, qui ont rappelé à plusieurs reprises l’obligation, pour les deux camps, « d’appliquer ce sur quoi nous nous sommes mis d’accord ».
Risque d’intensification des procédures judiciaires
Malgré les nombreuses remontrances de ses partenaires européens, Boris Johnson a de nouveau évoqué les « anomalies » du protocole qu’il souhaitait « réparer », insistant par ailleurs sur « l’effort massif », consenti par l’État britannique. Et n’hésitant pas à critiquer l’UE pour son attitude jugée excessivement pointilleuse et procédurale.
Et si à Bruxelles, les négociateurs indiquent qu’ils continueront à favoriser « la voie de la négociation », ils n’hésiteront toutefois pas à sortir l’artillerie lourde en cas de nouvelles entorses au protocole.
Maros Sefcovic, le nouveau Mr Brexit de la Commission depuis le départ de Michel Barnier, a averti que dans pareil scénario l’UE n’aura « pas d’autre choix que d’intensifier » les procédures judiciaires contre le pays. « Nous devons pouvoir faire confiance au Royaume-Uni pour respecter ses obligations internationales », a insisté le Commissaire slovaque.
A suivre…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles