Depuis qu´il a été mis au ban des nations occidentales, le Zimbabwe se tourne vers l´Est. La Chine figure parmi les principaux investisseurs du pays et la Russie se place, notamment dans le secteur financier.
Des bus chinois roulent dans les rues d´Harare, les marchandises importées de Pékin ont envahi les étals des marchés, et les enseignes en mandarin se sont multipliées dans la capitale zimbabwéenne. Les liens entre la Chine et le Zimbabwe remontent aux années 1970, avec le soutien apporté à Robert Mugabe par l´empire du Milieu pour la libération de l´ex-Rhodésie. Mais, depuis 2003, suite à l´imposition de sanctions occidentales à l´encontre du régime, le président zimbabwéen a initié la « Look East Policy », stratégie qui vise à nouer des relations étroites avec les pays asiatiques comme la Malaisie et, surtout, la Chine.
Celle-ci figure aujourd´hui parmi les principaux investisseurs étrangers au Zimbabwe. Les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté considérablement au cours des dernières années. Tandis qu´ils étaient de 191 millions de dollars en 2002, ils ont atteint 500 millions en 2008 et, selon l´ambassade de Chine à Harare, devraient se maintenir à ce niveau en 2010. L´ambassadeur au Zimbabwe, Xin Shunkang, a aussi annoncé que la Chine avait l´intention d´investir 1 milliard de dollars au cours des trois prochaines années dans l´industrie, l´agriculture et les secteurs de la santé et de l´éducation.
Preuve des bonnes relations commerciales entre les deux nations, Air Zimbabwe assure un vol par semaine entre Harare et Pékin. Outre dans la vente au détail et les restaurants, les Chinois sont visibles dans le secteur de la construction, et le géant Sino-Cement possède une des plus grandes cimenteries du pays.
La Chine offre aussi des prêts au régime. En mai 2010, la Société nationale d´électricité du Zimbabwe (Zesa) a obtenu un prêt de 250 millions de dollars américains de la Banque d´import-export de la Chine pour accroître la production en énergie électrique dans le pays. Cette somme doit permettre le financement de l´agrandissement de la centrale hydroélectrique de Kariba, située le long du fleuve Zambèze à la frontière avec la Zambie.
Mais, comme ailleurs en Afrique, Pékin investit surtout pour avoir accès aux matières premières. La Chine est ainsi le premier acheteur de tabac zimbabwéen (9 615 tonnes entre janvier et novembre 2010, soit 32 % de plus que l´année précédente) et importe aussi du fer, du chrome, du nickel et du platine. L´entreprise chinoise Sinosteel possède 92 % de Zimasco, le premier producteur de chrome, tandis que la société Sonangol a obtenu plusieurs contrats dans le secteur minier.
Certains observateurs nuancent cependant l´ampleur des investissements chinois. « Ils ont investi dans une petite mine d´or, dans deux briqueteries autour d´Harare, ils ont ouvert des restaurants et des magasins dans la capitale, mais cela se limite plus ou moins à ça… », assure l´analyste du marché Erich Bloch. « Il y a eu beaucoup de promesses, mais peu de concret. Ces rumeurs d´investissements massifs venant de l´Est sont surtout une manière pour le gouvernement de dire qu´il n´a plus besoin des Occidentaux. »
Les Chinois ne semblent pas être les seuls à croire au redémarrage prochain du Zimbabwe et à se positionner. La grande banque d´affaires russe, Renaissance Capital, est leader dans l´activité de courtage à la Bourse d´Harare. Elle posséderait aussi des parts dans une des plus importantes banques zimbabwéennes, dans une société de téléphonie mobile, une réserve animalière privée ainsi que dans des mines. Une autre firme russe, Ozgeo, associée au Fonds pour le développement du Zimbabwe (étroitement lié à la Zanu-PF, le parti du président), exploite une mine d´or dans la région de Mutare et prospecte des diamants. Reste à voir si ces sociétés seront concernées par la loi d´indigénisation* qui effraie les investisseurs occidentaux. Mais il est peu probable que Mugabe prenne le risque de froisser ces nouveaux partenaires, réputés moins attentifs aux violations des droits de l´homme ou à la corruption.
Patricia Huon, à Harare
* Selon la loi d´indigénisation, entrée en vigueur en mars 2010, toutes les entreprises étrangères installées dans le pays et dont le capital est supérieur à 500 000 dollars ont cinq ans pour transmettre 51 % de leurs actions à des Zimbabwéens « de souche ».
Diamants contre armes ?
En dépit l´interdiction posée par le processus de Kimberley (régime international de certification des diamants bruts dont l´objectif d´éviter l´utilisation des pierres par des mouvements rebelles pour financer leurs activités militaires), les Chinois exploitent avec l´armée zimbabwéenne les diamants des mines de Marange, à l´est du pays. Ils ont construit, à proximité, une piste d´atterrissage qui éveille des soupçons. « Une bonne partie des pierres sont acheminées en Chine et taillées là-bas », affirme l´économiste zimbabwéen John Robertson. « L´argent des diamants part dans les poches du régime, mais ne sert pas à développer le pays. » Et une rumeur insistante parle d´un échange d´armes contre les diamants.
P. H.