Alors qu’elle tablait, il y a un an, sur une reprise de l’activité à un niveau prépandémique en 2024, la Global Business Travel Association (GBTA), l’Association internationale des professionnels du voyage d’affaires, a revu ses perspectives à la baisse dans la 14e édition de son Business Travel Index publié le 15 août. Elle table à présent sur 2025.
Hausse du prix des carburants, pénurie de main d’œuvre, inflation, dysfonctionnements des chaines d’approvisionnement, difficultés à se rendre dans certaines régions du monde en raison de la pandémie de Covid-19… Les obstacles à une reprise des déplacements professionnels ne manquent pas. D’autant que depuis presque deux ans et demi, les entreprises ont pris l’habitude de travailler par voie digitale, un mode d’échanges beaucoup moins coûteux et plus respectueux de l’environnement qu’une mission de prospection.
Selon les données réunies par la GBTA, qui passe au crible les dépenses en voyages d’affaires dans 73 pays et 44 secteurs, elles ont chuté de moitié en deux ans, pour atteindre 697 milliards de dollars (Md USD) en 2021 et 659 Md USD en 2020, contre 1 400 Md USD en 2019. Et elles devraient plafonner à 933 Md USD cette année.
Pas de retour à des niveaux de dépenses prépandémiques avant 2025
« Les dépenses mondiales en voyages d’affaires reviennent, mais les récents vents contraires repoussent la reprise complète prévue en 2025 et 2026 », souligne cette association professionnelle basée à Washington et regroupant 28 000 professionnels du voyage.
En cause : la flambée mondiale des cas du variant Omicron fin 2021 début 2022, des blocages toujours importants en Chine, mais aussi la détérioration de la conjoncture économique et géopolitique, ainsi que de « nouvelles considérations de durabilité ». Les dépenses du secteur ne devraient par conséquent pas retrouver leur niveau de 2019 avant 2025 (1 390 Md USD).
D’ici là, les dépenses devraient globalement augmenter de 34 % en 2022, mais de manière inégale.
En grande partie grâce au retour des déplacements intérieurs, l’Amérique du Nord a tiré le marché mondial vers le haut en 2021, tandis que l’Europe de l’Ouest est la seule région à avoir enregistré une baisse des dépenses en 2021. Ces deux zones devraient néanmoins afficher les reprises les plus marquées en 2022, de respectivement 23 % (à 364 Md USD) et de 17 % (à 324 Md USD milliards) d’ici 2026 .
Sans surprise le marché chinois reste à la traine
Si l’Asie-Pacifique avait fait office de locomotive pour le secteur en 2021, en particulier la Chine, la tendance sera inversée en 2022, en raison des confinements à grande échelle mis en place par Pékin et de la lente réouverture d’autres pays de la région. Pour 2022, une solide augmentation de 16,5 % (à 407,1 Md USD) des dépenses est attendue en Asie-Pacifique, même si celles de la Chine ne devraient progresser que de 5,6 % à 287 Md USD.
En Amérique latine, qui a connu des campagnes de vaccinations contre la Covid-19 plus tardives, les dépenses n’ont que peu augmenté en 2021; le Business Travel Index prévoit un bond de 55 % en 2022.
Si ces prévisions régionales demeurent suspendues à une multitudes de paramètres (prix de l’énergie, chaines d’approvisionnement de l’aéronautique, situation sanitaire en Chine, conséquences de la guerre en Ukraine, évolution des tensions politiques entre la Chine et Taiwan…), la demande des usagers est forte.
Une demande forte et des prix toujours attractifs en 2022
Les voyageurs d’affaires et les professionnels du secteurs interrogés par le GBTA en marge de son index, restent en effet convaincus de la nécessité de se déplacer pour faire des affaires. 85 % d’entre eux estiment en avoir besoin pour réaliser leurs objectifs commerciaux et plus des trois quarts s’attendent à voyager plus, voire « beaucoup plus » en 2023 qu’en 2022.
Quid des dépenses engendrées par des missions de prospection à l’autre bout du monde (ou pas) pour les entreprises ?
Le 10 août, la GBTA publiaient avec Carlson Wagonlit Travel, son Global Business Travel Forecast dont les conclusions rejoignent celles d’une étude du voyagiste d’affaires Travelperk.
Selon cette dernière étude, la hausse des prix en 2022 devrait compenser la baisse liée à la crise sanitaire. Exemple avec les billets d’avion en classe affaires : même avec une augmentation de leur coût pour les voyageurs, estimée à 48,5 % cette année, les prix, qui avaient chuté de 33 % entre 2019 et 2021, devraient rester inférieurs à ceux de 2023 et ne devraient augmenter « que » de 8,3 % cette même année, selon la GBTA.
L’événementiel fait exception à la règle
L’évolution des prix des nuits d’hôtels, en baisse de 9,5 % en 2021, dépendra des régions du monde. En Amérique du Nord, en Afrique et au Moyen-Orient, ils ont déjà renoués avec ceux pratiqués avant la crise sanitaire, mais la situation est plus contrastée en Europe. En France et en Allemagne, en raison des retombées de la guerre en Ukraine les tarifs resteront en-deçà de ceux de 2019 encore cette année.
En revanche, les dépenses dans l’événementiel et les salons devraient augmenter en 2022 de 25 % par rapport à 2019 en lien avec les nombreux reports d’événements. Le développement du télétravail et la reddition des bureaux pour réduire les dépenses pendant la crise sanitaire conduisent les entreprises à réunir leurs équipes ponctuellement dans des espaces également brigués par les entreprises pour leurs événements, ce qui alimente la demande. Il faudra donc jouer des coudes pour réserver des lieux pouvant accueillie les MICE (Meetings, Incentives, Conferences and Exhibitions / réunions, événements, conférences et salons).
Les professionnels du secteur et les principales destinations des voyageurs d’affaires devront redoubler d’effort pour attirer une clientèle prête à reprendre le chemin des aéroports mais qui scrutera certainement à la loupe ses dépenses. A ce jeu, certaines villes devraient conserver leur rôle de plateforme régionale de rencontres et d’affaires en 2023 : New York en Amérique du Nord, São Paulo en Amérique latine et Londres, qui détrônera Paris en Europe.
Sophie Creusillet