Le marché du vin en Pologne, malgré le Covid-19, pourrait retrouver un peu d’allant. Et ce au moins pour trois raisons, expliquaient les experts invités par Business France et Vitisphère à un webinaire sur les économies d’Europe centrale et orientale, le 2 juin.
La première raison est la fin du confinement. Depuis le 30 mai, les centres commerciaux et les restaurants sont à nouveau ouverts et les rassemblements sont autorisés jusqu’à 150 personnes en plein air. Mi juin, les vols devraient reprendre.
Ensuite, la haute saison touristique arrive. Même si les Polonais consomment plus de spiritueux que de vin, il n’en reste pas moins que la consommation de vin se développe. S’agissant des importations, la valeur des spiritueux et des vins était équivalente, à un peu plus de 320 millions d’euros l’an dernier pour chaque catégorie.
Enfin, depuis la crise mondiale de 2008, l’économie de ce pays de 38 millions d’habitants démontre une résilience à faire pâlir d’envie. Cette année, son produit intérieur brut ne devrait diminuer encore que de 4,6 %, soit un niveau bien inférieur à ses voisins comme la Roumanie (- 6 %), l’Ukraine (- 7 %) ou encore la République tchèque (- 7,6 %).
Hausse des ventes de détail
« Pendant le confinement, les Polonais se sont concentrés sur les produits de première nécessité, moins sur la consommation globale d’alcool en général. Pour autant, la vente en détail a connu des hausses pour toutes les catégories de produits alcooliques en mars et avril », rapportait Robert Matecki, chargé de Développement, correspondant Vins et spiritueux de Business France pour la zone Europe centrale et orientale.
Ainsi, les achats ont progressé de 2 % dans les spiritueux et de 6 % dans les bières. Ils auraient aussi augmenté de 3 % dans le vin, avec une position particulière des mousseux, puisque si les ventes y ont diminué de 5 % en volume, elles ont gagné en valeur 9 % pour le prosecco et 19 % pour le champagne.
Conséquence logique de la fermeture des restaurants, la consommation à domicile s’est fortement développée. Selon Jean-François Faucher, patron du groupe XBS, un opérateur intégré de supply chain basé à Varsovie, « deux types de déplacement ont lieu ».
D’abord, la réorientation de l’achat vers les magasins du centre ville au détriment des grands centres commerciaux. Les raisons en seraient la facilité d’accès, la sécurité et la flexibilité.
Ensuite, la chute sensible des achats impulsifs. Les Polonais acquièrent des contenants plus grands, propices à la consommation groupée, avec pour centre le noyau familial. « Du coup aujourd’hui, on s’interroge sur la possibilité pour le bag in box, qui n’a jamais eu beaucoup de succès ici, de se développer dans l’avenir », indiquait Jean-François Faucher.
Les jeunes ne sont pas en reste dans cette envie de partager avec les proches, les amis ou en couple. Leur souhait, c’est de pouvoir consommer sur le moment, ce qui expliquerait notamment le succès des cocktails à base de gin.
La question de la libéralisation du e-commerce
L’actualité la plus brûlante à l’heure actuelle en Pologne est le maintien ou non de la loi de 1982 qui interdit de vendre librement de l’alcool en ligne. Depuis le début de la pandémie, les achats dans les magasins spécialisés ont chuté de 80 % et dans les grandes et moyennes surfaces de 20 %. Par ailleurs, un certain nombre d’experts s’attendent à une série de faillites si l’offre ne peut pas être réorientée sur Internet. Et ce, en dépit du fait que le gouvernement a concocté un plan d’aides aux entreprises polonaises. Dans la filière vinicole, certaines ont franchi le pas et l’État n’est pas intervenu, ce qui ne devrait pas durer, craint Jean-François Faucher.
En fait, la consommation d’alcool tombe sous le coup de la loi du 26/10/1982 sur l’éducation, la sobriété et la prévention de l’alcoolisme (Journal officiel de 2002, n ° 147 article 1231) interdisant de servir ou de vendre de d’alcool aux personnes qui sont sous l’influence de l’alcool ou à des mineurs de moins de 18 ans accomplis.
Dans le cas du e-commerce, les pouvoirs publics considèrent que la loi ne peut pas être respectée. Dans le commerce physique, le vendeur ou celui qui sert de l’alcool peut exiger la présentation d’un document d’identité qui prouve l’âge de l’acheteur ou du consommateur, en cas de doute. Ce qui n’est pas possible dans la vente en ligne.
Les organisations professionnelles exercent une forte pression à l’heure actuelle, mais Jean-François Faucher ne pense pas que l’État cèdera aux demandes de la filière, l’Église et le ministère de la Santé étant opposés à toute libéralisation du marché des alcools.
Parmi les autres solutions trouvées par les détaillants, le click and collect, système de commande et de récupération en magasin. Ce modèle est en développement. Reste à voir s’il génèrera des achats en volume.
Ce qui est certain, affirmait Jean-François Faucher, c’est que « les acheteurs recherchent des prix ». Un avertissement à peine voilé aux Français, plutôt orientés premium. Selon ce professionnel, c’est à cause de leurs prix élevés que les professionnels de l’Hexagone « font moins bien que les Italiens ou les Bulgares ».
François Pargny