Dressé face à la mer de Chine, le Vietnam est un dragon économique en devenir. Ce pays affiche des chiffres macroéconomiques qui témoignent de son dynamisme.
Ainsi, la croissance du PIB a dépassé 7 % pendant les six dernières années, avec même un pic en 2007 (8,5 %), avant un « très sage » 6,5 % sur les 9 premiers mois de 2008. Autre avantage, une population nombreuse, déjà 85 millions d’habitants, qui plus est jeune. Le PIB par habitant est en constante augmentation : 835 dollars en 2007, en route vers l’objectif des 1 000 dollars en 2010.
Il y a donc un véritable appétit de consommation, comme en témoigne l’implantation de Casino. D’autres groupes français, comme France Télécom, piaffent d’impatience pour entrer sur ce marché à la faveur de privatisations. La bataille promet d’être chaude car ce pays intéresse désormais les opérateurs. En effet, parmi les quatre opérateurs publics vietnamiens de téléphonie mobile GSM, Mobifone, numéro 2 du secteur avec 35 % de parts de marché, sera le premier partiellement privatisé au premier semestre 2009. Les détails de l’opération ne sont pas encore connus. L’État vietnamien conserverait 51 % (certaines sources parlent du tiers), et un actionnaire étranger détiendrait de 10 à 15 %.
Jean-Pierre Achouche, directeur Vietnam de France Télécom, est catégorique : « Nous avons dit publiquement que nous étions intéressés pour devenir un partenaire stratégique de Mobifone. » D’autres prétendants sont sur les rangs, dont Vodafone et deux Singapouriens. Deux autres opérateurs devraient être privatisés en 2009-2010.
Mais le jeu est parfois biaisé : suite à une visite à Moscou du Premier ministre vietnamien, le russe Vimpelcom, en coentreprise avec le ministère de la Sécurité, a obtenu une licence GSM en juin dernier et ouvrira ses services en 2009. Or, en principe, les coentreprises ne sont pas possibles avec un étranger dans ce secteur…
Quoi qu’il en soit, le Vietnam s’affirme comme le deuxième destinataire, après la Chine, des investissements directs étrangers (IDE) en Asie : 56,2 milliards de dollars ont été injectés dans le pays durant les neuf premiers mois de l’année. Les plus gros investisseurs sont asiatiques, comme la Malaisie (26 % des investissements autorisés entre janvier et septembre dernier), Taïwan (15 %), le Japon (13 %), Bruneï (8 %), la Thaïlande et Singapour (7 % chacun).
Le bas coût d’une main-d’œuvre réputée laborieuse et avide d’apprendre rend le Vietnam plus compétitif que son grand voisin du Nord : le salaire mensuel est de l’ordre de 40 à 60 dollars, même s’il n’est pas facile de trouver du personnel qualifié et au moins anglophone. Le Jetro (Japan External Trade Organization, office du commerce extérieur japonais), fin connaisseur de la zone, estime que le Vietnam constituera la meilleure destination de production en Asie dans les cinq ans à venir.
Évidemment, il existe quand même quelques ombres au tableau. Un des points noirs est l’inflation (27,9 % de janvier à fin septembre dernier), bien que les autorités affichent la volonté de la limiter à 15 % l’année prochaine. Ajoutons à cela l’urbanisation croissante, l’explosion démographique (100 millions d’habitants environ vers 2015), des infrastructures de transport et d’énergie insuffisantes ou mal entretenues ainsi que les lourdeurs administratives. Ainsi, pour un projet de construction, pas moins de 33 formalités différentes sont exigées, et leur examen prend deux ans. Sans compter que, notamment pour les secteurs liés à l’énergie et à la construction d’infrastructures routières et ferroviaires, il faut une approbation préalable du Premier ministre. Le résultat est sans appel : il n’existe que deux BOT (Build, Operate, Transfer – concessions au secteur privé) au Vietnam.
De même, si l’entrée du pays dans l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en 2007 a officiellement supprimé les discriminations juridiques entre investisseurs étrangers et vietnamiens, l’un d’eux note : « Dé sormais, la délivrance du certificat obligatoire d’investissement par les autorités fait l’objet d’un examen très pointilleux, sans compter que certaines administrations n’ont toujours pas intégré que la nouvelle législation met à égalité de traitement les investisseurs étrangers et vietnamiens. » Il existe une certaine corruption, due aux salaires très bas dans la fonction publique.
Lors d’un séminaire organisé par Ubifrance et consacré à ce pays le 16 octobre dernier, Hubert Collaris, chef des missions économiques au Vietnam, attirait aussi l’attention sur le fait que « le coût du temps n’est pas important. Aussi, la signature d’un contrat n’intervient que si la partie vietnamienne a l’intime conviction qu’elle est au même niveau d’expertise que le partenaire étranger ».
Pour l’heure, les grands groupes français misent beaucoup sur les immenses besoins en infrastructures, qui n’ont pas suivi le même rythme de développement que l’économie. A l’instar d’Alstom. François Carpentier, président d’Alstom Vietnam, n’en fait pas mystère : « Concernant, l’énergie, le Plan Cadre VI prévoit d’ajouter à la base installée de 2007 (12 270 gigawatts) 39 206 gigawatts d’ici à 2012, provenant à presque 80 % du charbon dont le Vietnam est producteur.
Le pays veut également se développer dans l’éolien, voire le nucléaire vers 2020. Dans les infrastructures urbaines, avec l’aide des bailleurs de fonds internationaux, Hanoï pourrait se doter de 4 lignes de métro et Ho Chi Minh-Ville de 6 lignes de métro et de 3 lignes de tramway. Vietnam Railways a également plusieurs projets dans le ferroviaire. Les opportunités sont donc nombreuses, même s’il est peu probable que tous les projets puissent se réaliser en même temps. » Dans leur sillage, les PME pourraient trouver leur chemin, telle Asconit consultants avec Alstom.
Jean-François Tournoud