Si le scénario catastrophe aux frontières entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni n’a pas eu lieu, les échanges commerciaux entre les deux blocs se sont effondrés en janvier, premier mois de divorce effectif entre les deux partenaires. La question est de savoir si cette situation est conjoncturelle ou si ce phénomène sera durable.
Selon Eurostat, l’Office européen des statistiques, les exportations de l’UE vers le Royaume-Uni ont chuté de 27,5 % par rapport à janvier 2020 et celles de Londres vers le continent de 59,5 %.
En raison d’une différence de méthodologie, la dégringolade est toutefois moins marquée dans les chiffres publiés par l’Office national des statistiques britanniques (ONS), qui évoque une diminution de 41 % des exportations du Royaume-Uni vers l’UE et un recul de 29 % des achats britanniques de produits européens.
La plus forte chute en un mois depusi 1997
Quoi qu’il en soit, en prix et volumes, c’est « la plus forte chute en un mois depuis que ces chiffres ont commencé à être mesurés en janvier 1997 », note l’ONS.
Certains secteurs sont plus touchés que d’autres. Par exemple, les exportations de denrées alimentaires ou d’animaux vivants du Royaume-Uni vers l’Europe a enregistré une baisse de 64 % selon l’institut britannique.
« Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions concrètes sur l’impact global du Brexit sur le commerce », ont toutefois tempéré les experts de l’ONS, citant notamment la crise sanitaire qui a amplifié les effets du Brexit : goulots d’étranglements dans des ports déjà sous pression, restrictions aux déplacements en janvier, et des retards de commandes accumulés depuis le début de la pandémie.
A cela se sont ajoutées les multiples formalités administratives liées au seul Brexit ainsi que les coûts et taxes supplémentaires qui ont, sans conteste, pesé sur la fluidité des échanges entre les deux blocs, les opérateurs n’étant pas habitués à ses nouvelles formalités.
Le problème est d’ailleurs surtout observé dans le sens Royaume-Uni-Europe continentale. « Jusqu’ici, tout va bien, les marchandises arrivent en Grande-Bretagne et les perturbations ne sont pas énormes », commentait à l’agence Reuters Christian Härtnagel, le patron de la branche britannique du supermarché discount Lidl. En revanche les exportations de marchandises vers l’UE seraient « beaucoup plus délicates », selon lui.
L’explication de ce décalage vient du fait que Londres a renoncé temporairement à mettre en place des contrôles sur les importations pour laisser aux entreprises un temps supplémentaire pour s’adapter. Un sursis dont bénéficient notamment les exportateurs français de l’agroalimentaire. Alors que dans le sens inverse, les contrôles sont en place.
Tensions liées à la frontière irlandaise
Mais les échanges commerciaux ne sont pas les seuls à pâtir des effets du divorce. Les relations entre Londres et Bruxelles n’ont jamais été si mauvaise et s’apparentent plus à de la rivalité « systémique » qu’à la création d’un partenariat renouvelé.
Outre la dispute sur la livraison des vaccins, qui a mené l’UE à renforcer le contrôle des exportations des doses produites sur son territoire, le report jusqu’au 1er octobre de certains contrôles controversés sur l’arrivée de marchandises agro-alimentaires et d’animaux de compagnie en Irlande du Nord depuis l’île de Grande-Bretagne, a provoqué la fureur de la Commission européenne.
L’UE avait en effet accordé à Londres une prolongation, allant jusqu’au 31 mars, pour instaurer ces contrôles. Mais au début du mois de mars, Boris Johnson a prorogé de six mois cette « période de grâce ». Une décision unilatérale qui a mené la Commission à adresser une lettre de mise en demeure à Londres pour violation du protocole nord-irlandais.
« Les négociations progressent et elles restent la voie privilégiée », rappelle la Commission. Maros Sefcovic, vice-président de l’exécutif chargé des relations avec la Grande-Bretagne, et son homologue britannique David Frost, devaient se rencontrer à nouveau cette semaine sur fond de tensions croissantes entre unionistes et Républicains en Irlande du Nord.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles