Si le texte était déjà dans les tuyaux, les affaires « Barroso » et « Nellie Kroes » (le premier embauché par Goldman Sachs, la seconde mise en cause dans l’affaire des « Bahamas papers ») auront servi à accélérer sa présentation. Soucieuse de regagner un peu de crédibilité auprès de l’opinion publique européenne, la Commission a proposé, le 28 septembre, de durcir les règles encadrant le travail des lobbyistes à Bruxelles. « Nous devons être plus transparents dans ce que nous faisons », a déclaré vice-président de la Commission, Frans Timmermans. « Les citoyens ont le droit de savoir qui essaye d’influencer la prise de décision en Europe. Nous proposons une règle simple : aucune rencontre avec ceux qui prennent des décisions sans enregistrement préalable ».
Au menu de la plénière cette semaine à Strasbourg, l’initiative a été globalement bien accueillie par les eurodéputés. « Un système obligatoire couvrant l’ensemble des institutions européennes était une réforme très attendue, notamment par les membres du Parlement européen (PE) qui, dès 2011, ont conditionné l’accès au PE à la signature du registre », a rappelé Sylvie Guillaume (S&D, FR), vice-présidente du PE en charge du registre de transparence.
Un système d’empreinte législative
Car au sein de l’hémicycle, ce combat est loin d’être nouveau. Dès 2008, dans différentes résolutions, le PE a en effet appelé les autres institutions européennes à opter pour un registre obligatoire. Plusieurs mesures incitatives ont également été adoptées par la suite, telle que l’exclusion des auditions publiques des orateurs représentant un lobby non enregistré dans le registre de transparence, ou encore un système d’accréditation facilité pour les autres.
Dernière nouveauté : l’adoption par le Bureau du PE, le 12 septembre, d’un système d’empreinte législative volontaire, afin de lever le voile sur ceux qui influencent – ou cherchent à influencer– le processus législatif. Les eurodéputés qui le souhaitent pourront donc, à l’avenir, indiquer les personnes et contacts qu’ils ont eus pour la préparation de leurs rapports parlementaires. Réalisée sous la responsabilité exclusive du rapporteur, cette empreinte consistera en un formulaire annexé aux projets de rapport et d’avis. « Il s’agit d’un réel progrès si l’on songe que, mis à part la Lettonie et la Pologne, aucun autre État membre n’a jusqu’à présent adopté un tel dispositif », a commenté Sylvie Guillaume.
Mais pour être mis en œuvre cet accord devra également bénéficier du feu vert du Conseil, l’organe de représentation des États membres à Bruxelles. Et contrairement au PE, ses responsables risquent d’accueillir le texte avec plus de frilosité. Car des trois principales institutions communautaires, il est de loin le plus puissant mais aussi le plus opaque. « Il fait figure de trou noir dans la galaxie décisionnelle de l’Union », déplore Carl Dolan, chef du bureau bruxellois de l’organisation Transparency International. Si tout le monde est en effet autorisé à assister aux débats menés dans l’enceinte du PE ou à contribuer aux consultations publiques lancées par la Commission, « il n’existe rien de similaire au niveau du Conseil », précise-t-il.
Et son organisation n’est pas la première à revendiquer plus de transparence dans les décisions prises en son sein. Dans un verdict rendu en 2013, la Cour européenne de justice avait déjà sommé le Conseil de rendre publique la position de chaque États membre sur tous les textes adoptés. Sans succès. En juillet dernier, le médiateur européen avait lui aussi recommandé que les trilogues, ces négociations entre le Conseil, le Parlement et la Commission, soient elles aussi plus transparentes. Selon Carl Dolan, Donald Tusk, l’actuel président du Conseil, serait plus disposé que ses prédécesseurs à lever l’opacité sur le processus décisionnel des 28. « Tout le monde sait désormais que le futur de l’Europe est dans les mains des États membres. L’opinion publique n’est pas dupe. Blâmer la Commission ou le Parlement ça ne fonctionne plus ! ».
Kattalin Landaburu, à Bruxelles