Margrethe Vestager poursuit sa croisade européenne contre l’évasion fiscale. Surnommé la « Dame de fer » de Bruxelles, la Commissaire danoise à la concurrence a annoncé lundi 11 janvier les conclusions d’une enquête visant la Belgique initiée le 3 février 2015. Verdict ? Les dispositions mises en place en 2005 par le Royaume pour attirer les multinationales sont jugées illégales car elles faussent la concurrence.
Le pays devra donc récupérer 700 millions d’euros d’avantages fiscaux indus accordés à 35 sociétés parmi lesquelles figurent les Britanniques BP et British American Tobacco, l’Allemand BASF, le Suédois Atlas Copco, l’Américain Wasco, le Français Celio, le géant belge de la bière AB InBev ou l’entreprise de téléphonie Belgacom-Proximus, groupe majoritairement public.
Si Margrethe Vestager n’en est pas à son premier fait d’armes – les aides d’Etat du Luxembourg à Fiat et celles des Pays-Bas à Starbucks, par exemple, ont elles aussi été jugées illégales – c’est la première fois qu’un pays membre de l’UE est ainsi mis au ban des accusés.
Jusqu’ici en effet, les enquêtes n’avaient visées que des accords passés entre une entreprise en particulier et un Etat. Cette fois c’est une politique, dénommée « Only in Belgium » (« seulement en Belgique ») qui est pointée du doigt. Le mécanisme permettait à certaines filiales de multinationales de déduire de leur base imposable en Belgique les bénéfices dits « excédentaires ». Les impôts étaient calculés sur la base d’un bénéfice moyen hypothétique. Les profits supérieurs à celui-ci, ou bénéfices « excédentaires », n’étaient donc pas soumis à l’impôt.
Selon la Commission, ce bénéfice exonéré représentait de 50 % à 90 % du bénéfice effectivement réalisé. La filiale belge de British American Tobacco – seul cas dont les détails sont publiquement connus – a même obtenu une réduction de 92 % de son bénéfice taxable. « Ces avantages accordés aux grandes compagnies internationales sont une distorsion de la concurrence vis-à-vis de firmes plus petites qui n’y ont pas droit », a souligné la Commissaire danoise. Le quotidien belge Le Soir souligne également qu’au motif d’éviter une « double imposition », le système permettait en fait « une double non-imposition ». La législation en question ne prévoyait pas d’échanges d’informations entre le fisc belge et les administrations fiscales des autres pays où la multinationale possédait également des filiales. Un traitement préférentiel équivalent à des aides d’Etat déguisées selon l’exécutif européen.
La Belgique dispose désormais de deux mois pour aviser les entreprises concernées des sommes à rembourser et de quatre mois pour récupérer les 700 millions d’euros calculés par la Commission européenne. Johan Van Overtveldt, le ministre belge des Finances, a déclaré qu’il n’écartait pas la possibilité d’interjeter appel de la décision, une façon de répondre aux préoccupations relayées par le patronat flamand (Voka). « Je mettrai tout en œuvre pour limiter au maximum son impact et ce, dans l’intérêt de la sécurité juridique et de notre tissu économique », a-t-il indiqué.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
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UE / Fiscalité : la Commission et le Parlement à Bruxelles veulent imposer de nouvelles règles du jeu