Depuis la chute du régime Ben Ali, la Tunisie est plongée dans les réformes sociales et politiques. Lors d’un petit déjeuner organisé le 21 avril, à Paris, par l’association Business Fashion Forum (BFF), Nafâa Ennaifer, directeur général du groupe de prêt-à-porter TFCE, précisait que « l’essentiel des revendications sociales concerne les conditions de travail ».
S’agissant des salaires, « ils ne vont certainement pas exploser », affirme ce patron, qui se veut rassurant. Selon lui, depuis la « révolution du jasmin », le 14 janvier, « on est passé d’une logique de confrontation à une logique de partenariat ». « Les syndicats sont pleinement conscients que des augmentations trop fortes des salaires mettraient en péril les emplois », se félicite encore Nafâa Ennaifer. « On est ainsi passé de revendications portant sur les augmentations à deux chiffres à des demandes plus raisonnables, qui vont permettre à la Tunisie de demeurer compétitive par rapport à ses voisins et à des pays plus lointains », complète Samir Ben Adallah, président du groupe éponyme et de la Chambre syndicale nationale des fabricants de lingerie (CSNFL).
Du côté de la Fédération nationale de l’électricité et de l’électronique (Fedelec), le discours est semblable. Ainsi, à l’occasion d’une rencontre, organisée, à Paris, le 19 avril, par la Fédération des industries électriques, électroniques et de communication (Fieec), le président de la Fedelec, Hichem Elloumi, également à la tête de la branche Câbles du groupe familial éponyme, estimait qu’une « hausse moyenne des salaires en Tunisie de 8 % » serait acceptable.
Officiellement, côté patronat, on ne veut surtout pas entendre parler d’une augmentation moyenne des salaires de 15 %, un taux jugé pourtant raisonnable par le ministre du Commerce et du Tourisme, Mehdi Houas. Les industriels estiment que cette hausse est peut-être adaptée au tourisme, mais pas à leur secteur.
Pendant les trois premiers mois de l’année, les investissements directs étrangers (IDE) ont chuté de 23 % par rapport à la même période de 2010. Nombre d’entreprises attendent que la Tunisie retrouve sa stabilité politique pour s’y implanter ou y étendre leurs activités. Lors de la rencontre à la Fieec, un représentant de sous-traitants de l’électronique en Bretagne s’interrogeait sur le poids de l’islamisme en Tunisie. Noureddine Zekri, qui dirige l’Agence de promotion des investissements extérieurs (Fipa), s’est efforcé de le rassurer. « L’économie est ouverte, la population est éduquée et l’Assemblée constituante, qui doit être élue le 24 juillet, respectera la parité hommes-femmes ».
Cette décision n’est pas neutre. « Non seulement il y a des forces démocratiques chez nous, mais la femme tunisienne n’acceptera jamais de retomber sous le joug de l’homme », assure Hichem Elloumi. D’ailleurs, remarque-t-il encore, « les islamistes s’adaptent. Ils ont clairement indiqué qu’ils ne veulent pas imposer le port du voile aux femmes et, alors que le pays vit en partie du tourisme, ils ne souhaitent pas non plus interdire la consommation du vin ».
Dernier élément : le nouveau gouvernement a décidé de privilégier les régions de l’intérieur, qui sont les plus pauvres, et pourraient constituer en théorie un terreau fertile pour l’islamisme. Un programme de grands travaux doit permettre d’y réduire le nombre de sans-emploi. En Tunisie, le taux de chômage de la génération Facebook, les 18-29 ans qui ont fait la révolution, atteint près de 30 %. Mais s’agissant des nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur, il frôle la barre des 45 %.
François Pargny
Développer l’intérieur du pays est devenu prioritaire
« Le programme d’infrastructures national était orienté à 80 % vers le littoral et à 20 % vers le reste de la Tunisie avant la révolution. Le nouveau gouvernement a décidé d’inverser ces proportions au profit des régions intérieures », a indiqué au Moci, le 19 avril, Noureddine Zekri, directeur général de l’Agence de promotion des investissements extérieurs (Fipa). L’intérieur du pays bénéficiera ainsi de grands projets d’infrastructures et des projets pilotes y seront lancés dans les technologies de l’information et de la communication (TIC). Pour appuyer la réalisation des projets stratégiques à long terme et soutenir le financement des PME, le gouvernement de transition a aussi prévu de créer une caisse de dépôts contribuant au développement du capital risque, rapporte le Service économique régional à Tunis.
F. P.