Les principaux ports européens sont au bord de l’asphyxie avec l’arrivée des conteneurs bloqués fin mars dans le canal de Suez, provoquant une hausse de la demande de transport routier. Les taux de fret sur l’axe Chine-Europe atteignent de nouveaux records après des perturbations dans les ports chinois liée à la Covid-19.
L’engorgement des ports européens monte d’un cran au point d’atteindre l’asphyxie.
Les perturbations du trafic maritime de conteneurs liées à la crise sanitaire entraînaient déjà leur saturation par d’importants retards récurrents d’arrivée des navires créant des goulets d’étranglement de chargement/déchargement des marchandises.
Depuis quelques semaines, les ports du vieux continent subissent, en plus, les conséquences du blocage du canal de Suez par l’échouage du navire Ever Given il y a deux mois.
Plus d’un million de cargaisons cherchent des transporteurs routiers
Les conteneurs des centaines de cargos bloqués fin mars par la paralysie du canal égyptien s’empilent depuis un mois sur les terminaux des principaux ports européens d’arrivée, s’ajoutant à ceux déjà stockés. Du coup, l’accumulation des marchandises portuaires atteint aujourd’hui un tel volume que le transport fluvial et ferroviaire ne peut l’évacuer par manque de moyens suffisants, de flexibilité et de rapidité.
« Les importateurs et commissionnaires de transport cherchent alors des transporteurs routiers plus souples pour prendre en charge leurs marchandises. La demande spot de capacité de transport et de véhicules est très élevée dans notre bourse de fret. On observe ainsi depuis quelques semaines que plus d’un million de cargaisons recherchent par jour des moyens de transport routier partout en Europe. Et pour certains industriels, c’est même une question d’heure pour approvisionner leurs usines » indique Steven van Cauteren, directeur grands comptes de Timocom, l’une des plus grandes bourses de fret européennes qui revendique plus de 135 000 utilisateurs (chargeurs, transporteurs routiers, commissionnaires de transport…).
Des PME pénalisées par le blocage des conteneurs à quai
Moins dans l’urgence, certaines PME souffrent aussi du blocage des conteneurs à quai. « J’ai l’exemple de MG Sourcing, un négociant d’articles pour le jardinage à destination de la grande distribution qui a vu arriver ses produits avec 8 à 10 jours de retard, ce qui a mécaniquement dégradé ses ventes » illustre Jean-Michel Garcia, délégué aux transports internationaux de l’Association des utilisateurs de fret (AUTF).
Ce surstockage de conteneurs en attente sur les ports européens est aussi le résultat du redémarrage récent de la demande européenne. Privés de voyages et de loisirs par la pandémie du Covid-19, les consommateurs ont acheté massivement des biens de consommation en provenance d’Asie, notamment de Chine.
Engorgement des ports chinois à l’exportation
Mais pour recevoir leurs dernières commandes, il leur faudra encore patienter une semaine à 10 jours de plus que prévu.
Frappé par une résurgence de la Covid-19 parmi les dockers, les terminaux à conteneurs de Yantian, l’énorme port industriel et d’exportation chinois de Shenzhen, dans le sud du pays, ont été partiellement fermés la dernière semaine de mai. Les porte-conteneurs attendent ainsi 5 jours pour embarquer à destination notamment de l’Europe les conteneurs qui s’empilent sur les quais de chargement.
Cette fermeture soudaine a également obligé les grandes compagnies maritimes européennes comme CMA-CGM ou AP-Moller Maerk à dérouter certains de leurs navires vers d’autres ports chinois. Ce qui contribue à les engorger progressivement à leur tour et à entraîner des retards de livraison en Europe…
Ces retards occasionnent une hausse supplémentaire des taux de fret déjà à un niveau record. L’index chinois du fret conteneurisé à l’export a bondi. Le prix d’un conteneur 40 pieds sur la ligne Shanghai-Rotterdam a augmenté de près de 3% pour s’établir à 10 462 dollars (USD). Un nouveau record.
Bruno Mouly
