Entre l’envolée du prix du carburant, la pénurie de chauffeurs et l’incertitude que fait planner sur l’économie européenne la guerre en Ukraine, le transport routier de marchandises (TRM) européen s’attend à une année 2023 compliquée. Et les chargeurs peuvent s’attendre à une poursuite de la hausse des coûts, estime la plateforme dédiée aux professionnels du transport Upply.
Dans un contexte géopolitique particulièrement incertain, est bien devin celui qui peut prévoir où en sera l’économie mondiale dans un an. Le FMI table sur une croissance mondiale légèrement inférieure à 2 % et les économistes les plus optimistes sur un léger rebond au second semestre. Selon une étude d’Upply sur les grandes tendances du TRM en 2023, les variations des coûts de transport dépendront de l’ampleur de cette éventuelle reprise.
Si cette dernière est faible (croissance en V aplati), « les prix du transport devraient dans un premier temps suivre exclusivement le tracé des cours du pétrole, estime Upply. Pour le dire autrement, si les cours du carburant restent stables, les prix du transport devraient également rester stables. » En revanche, « si la reprise est là, et donc que les volumes à transporter recommencent à augmenter, alors nous devrions voir les prix progresser car l’offre sera inférieure à la demande ».
En Europe de l’Est,
le carburant représente 50 % des coûts d’exploitation
De plus, « il faudra des années pour réajuster la capacité, via le recrutement de conducteurs ou par le développement de modes alternatifs tels que le multimodal qui souffre d’un sous-investissement massif à l’échelle européenne ». Reste qu’en ce début d’année 2023, le prix du carburant demeure la principale préoccupation des transporteurs qui doivent jouer les équilibristes avec leur trésorerie. Et en Europe, tous les pays ne sot pas logés à la même enseigne.
Certains ont choisi de maintenir cette année leur soutien aux transporteurs. C’est le cas de l’Espagne, qui octroie une ristourne de 20 centimes par litre de carburant depuis le 1er janvier et jusqu’au 31 mars, puis de 10 centimes par litre entre le 1er avril et le 30 juin. En Pologne, la fin du bouclier inflation et le retour de la TVA à 23 % ne concernera pas les professionnels du transport. Selon les calculs d’Upply, en Europe de l’Est, les dépenses en gazole atteignent aujourd’hui 50 % des coûts d’exploitation des entreprises de transport, contre 40 % auparavant.
A quoi s’ajoute un phénomène qui n’est pas nouveau mais que la guerre en Ukraine a amplifié en privant le marché européen de chauffeurs ukrainiens et biélorusses : les difficultés de recrutement. L’Union internationale des transports routiers (IRU) a tiré la sonnette d’alarme en novembre dernier dans un rapport évaluant à 2 millions le nombre de postes de chauffeurs non pourvus en 2026. Une situation qui mettrait en péril d’autres secteurs puisque les camions transportent 75 % du fret européen et 85 % des denrées périssables.
Inquiétudes sur le recours à des chauffeurs issus de pays tiers
En outre, le syndicat CSC Transcom et la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) se sont inquiétés cette semaine de l’explosion du nombre d’attestations octroyées aux conducteurs de pays tiers (277 000 en 2021, contre 44 000 en 2012 ), du dumping social qu’elle crée et des conditions de travail de ces chauffeurs « esclaves ». Dans la ligne de mire des deux organisations, la Pologne et le Lituanie font grand usage de ce dispositif, avec respectivement 132 000 et 82 000 attestations sur la période, selon les données d’Eurostat.
Pour éviter une nouvelle aggravation de la pénurie, les gouvernements s’organisent. En France, le ministère des Transports a lancé des travaux sur l’attractivité du métier de conducteur et la possible interdiction de la participation des chauffeurs au chargement et au déchargement est sur la table. Cette mesure a déjà été adoptée en Espagne et au Portugal.
Du côté des entreprises, certaines ont mis en place des solutions inattendues. En mars 2022, le transporteur hongrois Waberer’s International avait défrayé la chronique en faisant venir des chauffeurs indiens pour remplacer les roulants ukrainiens.
Encore mieux que les conducteurs à bas coût, le camion poids lourd autonome pourrait bientôt faire son apparition. Le constructeur suédois Scania a lancé le premier tests sur route ouverte à Stockholm en décembre dernier.
Sophie Creusillet