Bonne nouvelle pour les chargeurs européens et français : les taux de fret maritime sont en forte baisse sur l’axe Asie-Europe malgré le détour par le Cap de Bonne Espérance, et cette tendance devrait se maintenir sur tout le 4ème trimestre 2024 selon la plateforme Upply, mettant à mal la rentabilité des compagnies sur cette route maritime. Elle pourrait perdurer à court terme.
Dans sa dernière note de conjoncture, Upply signale une chute des taux de fret sur l’axe Asie-Europe passant par le Cap de Bonne espérance, avec des taux FAK (pour Freight All Kinds, en français toutes sortes de marchandises) spot passés sous le seuil des 3000 dollars (USD) par conteneurs de 40 pieds.
Plusieurs facteurs expliquent cette chute, selon Upply, en premier lieu la faiblesse de la demande européenne. Or, les nouvelles capacités promises par les compagnies continuent à arriver. Au niveau mondial, d’après Linerlytica, société basée à Singapour et spécialisée sur les données sur la flotte marchande mondiale, a estimé que les livraisons de nouveaux navires ont déjà dépassé le record de 2023 (2,3 millions d’EVP), avec 2,5 millions d’EVP livrés depuis le début de l’année 2024.
En outre, selon Upply, « les chargeurs ne croient plus à un retour d’une bonne qualité de service » et « veulent donc désormais acheter au meilleur prix, même en sachant parfois pertinemment que leurs fournisseurs travaillent à perte ».
Enfin, l’effet de surprise étant passé, cette nouvelle route ouverte à partir du déclenchement des attaques houthies en mer Rouge, à l’automne 2023, qui a fait chuter de 60 % le trafic via le canal de Suez, est désormais intégrée « au fonctionnement du marché du transport maritime conteneurisé sur l’Asie-Europe ». Autrement dit, dans les négociations entre les chargeurs et les compagnies, ce n’est plus un facteur de hausse des prix.
Si cela est plutôt bon pour les chargeurs, quid de l’impact sur la rentabilité des compagnies dans les prochains mois ? Upply, pour sa part, le relativise. D’abord en raison de la bonne tenue relative d’autres grandes routes maritimes Est-Ouest et Nord-Sud : d’après Upply, le Transpacifique laisserait environ « 2000 USD de marge par conteneur aux compagnies en ce moment ». De plus, les bons résultats financiers des trois premiers trimestres de l’années devraient permettre aux Compagnies maritimes d’encaisser cette perturbation.
Des taux élevés sur d’autres routes maritimes
D’après la newsletter du commissionnaire de transport en ligne Ovrsea, Le Chargeur, sur l’ensemble du trafic mondial, la société d’analyse britannique Drewry prévoit que les taux de fret maritime resteront élevés, même sans nouvelle grève aux Etats-Unis. « Il s’agit d’un retour à une hausse des tarifs à un rythme lent (…). Même si le canal de Suez rouvre, nous ne prévoyons pas que les taux de fret des conteneurs reviennent aux niveaux d’avant la pandémie », estime Drewy, citée par la newsletter. Depuis 2019, les taux de fret mondiaux moyens ont augmenté de 87 % rappelle la même source.
Pour l’heure, Upply ne prévoit aucun facteur susceptiblede provoquer un redressement des taux de fret sur cet axe Asie-Europe via le Cap de Bonne Espérance sur le quatrième trimestre 2024, sauf un événement imprévisible. Pour les compagnies, le meilleur moyen de redresser leur prix serait de repasser par le canal de Suez mais cette route est pour le moment trop risquée, certains comme Drewy ne prévoyant pas de réouverture avant 2026. Quant à retirer des capacités sur cet axe précis, cela paraît improbable de façon concertée entre grandes compagnies.
Quant aux compagnies qui tireraient le mieux leur épingle du jeu, Upply parie sur le Suisse MSC : « avec la reconfiguration à venir des alliances maritimes, MSC est la seule compagnie qui, avec l’appui de ZIM sur le Transpacifique, offre sous son nom une couverture planétaire élargie indépendante en matière de palette de services de ligne. Si elle n’est pas entravée politiquement dans sa croissance par des autorités étatiques ou assimilées, rien ne devrait arrêter ce rouleau compresseur qui entre dans la bagarre avec un très beau trésor de guerre engrangé pendant le Covid, et finalement peu redistribué, ce qui est moins le cas de ses concurrents directs comme CMA CGM ».
C.G