Upply, place de marché dédiée au transport de fret et à la supply chain, vient de publier son baromètre mensuel du transport maritime conteneurisé pour le mois d’octobre. Revue de détails des différents constats opérés par la startup sur ce secteur en proie à des tensions encore vives sur l’offre et la demande.
En octobre, la frénésie de la demande américaine pour les produits fabriqués en Chine est restée intacte, avec pour effet collatéral de saturer encore un peu plus les terminaux de la Côte Ouest. C’est du moins ce qu’observe Jérôme De Ricqlès (ci-contre), expert en transport maritime conteneurisé chez Upply, place de marché dédiée au transport de fret et à la supply chain, dans le baromètre d’octobre consacré au transport maritime conteneurisé.
Les terminaux de la côte Est sont désormais également touchés, par ricochet. De plus en plus d’importateurs américains optent pour des trajets plus longs via Panama, espérant trouver sur la façade Est et dans le Golfe du Mexique une meilleure fluidité portuaire et une pénurie de chauffeurs moins criante.
En Europe, la pression sur la demande marque une petite pause, ce qui permet aux ports de ne pas vivre les mêmes congestions que leurs homologues américains, même si des tensions existent à Rotterdam, notamment pour les post-acheminements fluviaux. En revanche, le Royaume-Uni affronte une situation assez analogue à celle de son allié américain, avec une majorité de terminaux saturés et une grave pénurie de chauffeurs.
Dans ce contexte de demande mondiale dynamique, les appareils de production sont sous pression, en particulier en Chine. Les difficultés d’accès à l’énergie et aux matières premières s’ajoutent à une situation sanitaire toujours fragilisée par la pandémie de Covid-19.
Le mois d’octobre marque une inflexion des taux FAK (Freight All Kinds) dans le transport maritime conteneurisé. En revanche, les taux contractuels poursuivent leur progression.
Les nouveaux intégrateurs
Les plateformes digitales imposent chaque jour un peu plus leur loi en matière de tarification dynamique, avec des taux FAK à la quinzaine sur l’ensemble des sites des compagnies maritimes.
Les segments de clients qualifiés de « petits » ou « intermédiaires » n’ont clairement pas d’autre choix pour accéder aux capacités, ce qui ne va pas sans créer des distorsions de concurrence avec les grands commissionnaires de transport. Phénomène nouveau et qui sera intéressant à suivre : les compagnies maritimes mettent en place des systèmes de « fidélisation » pour récompenser l’assiduité de leurs clients digitaux.
Il s’agit d’une logique radicalement nouvelle dans la façon de commercialiser le fret pour estomper les énormes différences tarifaires constatées dans le courant de l’été entre petits et grands commissionnaires de transport. Ces pratiques ont pour effet de resserrer les grilles tarifaires, certes à des niveaux élevés, mais avec pour contrepartie des garanties d’espace et d’accès à l’équipement plus solides.
Focus sur un axe Asie – Europe en voie de normalisation
La stratégie de convergence des tarifs sur des niveaux moyens les plus hauts possibles se confirme pour l’ensemble des compagnies des trois alliances maritimes. Les logiciels d’optimisation du yield management produisent manifestement les mêmes effets partout.
Dans le même temps, en Asie, un écosystème Cosco/Alibaba/Cainao se met en place avec des ambitions claires de leadership mondial. Quant à Amazon, aux États-Unis, il concurrence aujourd’hui ouvertement les intégrateurs historiques, FedEx et UPS.
Le monde entre ainsi dans une nouvelle phase de recomposition de l’offre.
Les taux spot disponibles via les plateformes digitales des compagnies et les taux FAK à la quinzaine se tassent un peu, passant même parfois sous la barre des 10 000 USD /40’. La capacité est là, même si on est loin d’un cadencement hebdomadaire de l’ensemble des services des trois alliances. Quelques signes montrent qu’il n’est pas toujours facile de remplir sereinement les navires avec des plannings aussi incertains, même si la marchandise est disponible, ce qui est un comble dans le contexte actuel.
Sur le front des contrats directs avec les grands chargeurs (beneficial cargo owner), la saison des appels d’offres est ouverte, avec des primes claires aux offres de service élargies en complément du transport maritime de port à port, et si possible avec des engagements plus longs (2 à 3 ans), corollaires indispensables de la mise en place de services associés (calcul fin et certifié des émissions, API pour les échanges de données en temps réel, etc.).
Négociations des prix tendues, notamment sur les contrats long terme
Selon Upply, les premiers tours de négociation commencent à des niveaux proches des taux FAK. La bataille sera rude pour les rounds suivants qui pourront cette année aller jusqu’à 3 ou 4 tours, tellement la tension est soutenue.
À ce stade, on voit mal les compagnies maritimes descendre sous un seuil de 6 500 USD / 7 000 USD le conteneur 40’ Dry non dangereux sur ce trade, pour des contrats à long terme. Il faut cependant toujours conserver une certaine prudence, l’évolution du commerce mondial sur cet axe restant toujours à la merci de facteurs exogènes imprévisibles (forte reprise de la pandémie, contexte géopolitique, relocalisation, etc.).
En octobre, les expéditeurs ont éprouvé un peu moins de difficultés pour se fournir en équipements en Europe, et l’accès aux capacités est plutôt satisfaisant, avec des reliquats de marchandises à exporter depuis l’été dernier qui ont enfin pu embarquer. Les prix se stabilisent, voire se tassent un peu au gré des politiques armatoriales, dont le but reste toujours de fournir le plus rapidement possible la Chine en boîtes.
Le durcissement des restrictions de transbordement décidées par les autorités portuaires de Singapour et les nouveaux refus d’accepter certaines classes de matières dangereuses dans certains ports chinois mettent à mal les exportations d’un certain nombre de grandes entreprises de l’industrie chimique européenne. Dans le meilleur des cas, elles se retrouvent contraintes d’accepter par défaut des itinéraires illogiques et donc plus onéreux, pour des questions de réglementation.
Sur l’axe Europe – Etats-Unis, les taux continuent de grimper sans autre raison objective qu’une offre inadaptée : les navires déployés proposent une capacité désespérément insuffisante de 4 000 à 6 000 EVP et sont le plus souvent anciens (et hyper amortis). Cette situation nuit à la fluidité et au volume des exportations européennes, dans un contexte politique et douanier pourtant maintenant largement pacifié depuis le début de l’ère Post-Trump. Les entreprises européennes se retrouvent ainsi pénalisées, sur un segment qui aurait pu contribuer à limiter les déficits du commerce extérieur.
Pour prendre connaissance de l’intégralité du baromètre mensuel d’Upply, cliquez ICI.